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Les champions stars... et les autres : quelle médaille d'or olympique rapporte le plus à son lauréat ?
©Flickr

THE DAILY BEAST

Certains sports rétribuent les gagnants. D’autres… pas tellement.

Gabrielle Gaser

Gabrielle Gaser

Gabrielle Gaser est contributrice pour The Daily Beast. Elle est notamment l'auteur de l'ouvrage suivant :  Her Best-Kept Secret: Why Women Drink—And How They Can Regain Control

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Copyright The Daily Beast - Gabrielle Gaser (traduction Julie Mangematin)

Toutes les médailles d’or se valent, mais certaines pèsent beaucoup plus que d’autres. Si les athlètes olympiques participent à la compétition, c'est pour la gloire bien sûr. Mais pour certains heureux élus, il y a aussi à la clef la promesse d’une grosse paie.Michael Phelps, athlète le plus décoré de tous les temps, pèse environ 55 millions de dollars. La gymnaste phénomène Simone Biles, pour ses premiers jeux, a empoché 2 millions de dollars - grâce à ses compétitions mais aussi via la monétisation de son image : elle bondit d’un paquet de Special K fruits rouges.


Mais que peuvent espérer les athlètes médaillés qui évoluent hors des disciplines reines que sont la natation, la gymnastique, et l’athlétisme, mais qui se sont tout autant investis, entraînés des heures, et ont passé des années dans des chambres d’hôtel misérables ? En gros, des clopinettes. Ok, ce n’est pas tout à fait vrai pusique le Comité olympique des Etats-Unis distribue des bonus aux médaillés : 25 000 dollars pour l’or, 15 000 pour l’argent, 10 000 pour le bronze. Mais la démocratie s’arrête là. (A noter que l’Azerbaïdjan débourse pas moins de 510 000 dollars, l’Italie 180 000 et la France 135 000).

Les petites filles de 8 ans qui suivent les Fierce Five (l’équipe de gymnastes américaines qui ont ravi la médaille d’or aux JO de Londres en 2012, ndlr) se bousculent pour s’inscrire aux cours de gymnastique et acheter leurs bodies à paillettes. Et quel coureur du dimanche ne rêve pas de sprinter sur la ligne d’arrivée (avec ses baskets aux pieds) ? Et pourtant, Ginny Thrasher, la sportive de Virginie-Occidentale qui a offert aux Etats-Unis leur première médaille d’or au tir à la carabine, a peu de chances de convertir sa récompense en dollars.

"Peu de gens qui ont regardé le tir à la carabine se sont dits : Oh mon Dieu, je veux faire ça !", explique le professeur Whitney Wagoner, directrice du Centre de marketing du sport Warsaw de l’Université de l’Oregon à Eugene. "On regarde les athlètes et on désire être comme eux, ou au moins être perçus comme eux."

"Pour que les marques parient sur un sportif, et le choisissent comme ambassadeur pour inciter les gens à acheter leur produit, il faut que l’heureux élu suscite un intérêt", note Wagoner. "C’est pourquoi la mystique autour de l’athlète est si prodigieuse. Les gens veulent rêver – et être inspirés".

Voilà pourquoi, ces dernières années, le story-telling autour de l’athlète ayant surmonté des obstacles pour son sport est devenu une pièce maîtresse pour faire grimper sa popularité, comme l’explique Felicia Miller, professeur associé de marketing à l’Université Marquette de Milwaukie, Wisconsin.

Tout cela est aussi largement conditionné par le système médiatique, qui diffuse en prime time les sports les plus populaires, et égraine des histoires de vie émouvantes tout au long des Jeux. A Londres, par exemple, nous avions appris que Gabby Douglas a quitté sa famille et sa ville natale de Virginie à 14 ans pour partir s’entrainer dans l’Iowa avec le coach renommé Liang Chow. Ces jours-ci, nous avons entendu parler de l’enfance en famille d’accueil de Simone Biles.

C’est en partie parce que les sponsors ont changé leur fusil d’épaule ces dernières années, jetant leur dévolu sur les histoires et les personnalités qui leur semblent les plus séduisantes, ajoute Miller. Il y a quelques décennies, les champions olympiques pouvaient espérer apparaître sur une boite de Wheaties. De nos jours, des pubs ostentatoires sont diffusées avant et après les Jeux, avec les superstars qui vendent de tout, depuis les sous-vêtements jusqu’aux chewing-gums mentholés. Certaines entreprises, comme United Airlines, mettent en avant les plus célèbres – le champion de décathlon médaillé d'or en 2012, Ashton Eaton, ou encore Kerri Walsh Jennings, trible médaillée d'or de volley – mais aussi des challengers moins connus, comme Dartanyon Crockett, judoka paralympique aveugle.

Un autre facteur important pour la capacité des sportifs à être bankable est leur visibilité - au sens propre. Les coureurs et joueurs de volley, qui jouent très court vêtus, leur corps dégoulinant de sueur, ont beaucoup plus de chances de décrocher des contrats publicitaires que, disons, les joueurs de hockey, dont les corps et les visages sont dissimulés derrière des protections rembourrées, des casques et autres visières, précise le professeur Matthew Mitten, qui dirige l’Institut de droit du sport de Marquette.

La plupart des 10 500 athlètes olympiques n’ont pas cette chance – même ceux qui décrochent des médailles. Le Comité international olympique (CIO) ne donne rien aux athlètes pour leur simple participation (c’est un honneur d’être tout simplement là !) et la grande majorité doivent payer le séjour de leur poche. Nombreux sont ceux qui, malgré leurs succès olympiques, gagnent très peu d’argent. Emily Scott, patineuse de vitesse aux JO de Sotchi, a eu besoin de tickets restaurant pour se nourrir, etRonda Rousey, qui a décroché une médaille de bronze de judo en 2008, vivait dans sa voiture deux ans plus tard (elle a depuis rebondi).

En transit pour Rio à l’aéroport de Houston mercredi soir, la lanceuse de javelot Maggie Malone s’envolait en direction de ses premiers JO. Nike, son sponsor, finance ses massages thérapeutiques et ses séances de chiropractie à hauteur de 2 000 dollars par an - et la marque est optimiste quant à un possible succès sur le terrain. "Mon coach m’a dit 'Tu dois essayer de gagner la médaille, faire ton boulot comme n’importe quel autre boulot, et espérer la médaille. C’est un business et potentiellement ton gagne-pain, alors donne tout ce que tu as, et espère être repérée par de grands noms' ", raconte-t-elle avant de marquer une pause. "Mais c’est un peu plus dur pour nous, qui pratiquons des sports moins médiatiques". S’entrainer au plus haut niveau peut coûter des dizaines de milliers de dollars, et la plupart des athlètes qu’elle connait ont recours à des campagnes comme GoFundMe pour les aider à payer leur coach, leurs thérapies physiques, voyages et compétitions. (De riches donateurs boostent les revenus des lutteurs olympiques médaillés avec des bonus de 250 000 dollars).

Latario Collie-Minns, 22 ans, membre de l’équipe américaine triple saut, participe aussi à ses premiers JO, mais ne jouit pas d’un tel soutien. "Il faut essayer de se vendre", dit-il. Il estime avoir de la chance : il est né aux Bahamas, et son gouvernement l’aide à financer ses entraînements.

C’est une des raisons pour lesquelles le CIO a assoupli ses règles il y a 40 ans. A l’époque, seuls les athlètes "amateurs" avaient le droit de concourir pour l’équipe américaine, mais cela donnait un sérieux désavantage aux athlètes américains. L’Union soviétique et d’autres pays du bloc de l’Est prenaient en charge la totalité des frais de leurs athlètes, dont la seule préoccupation était de s’entraîner. Depuis, les athlètes professionnels – pensez à Tiger Woods, Michael Jordan, Serena Williams – se sont fait une place au sein des Jeux.

Hillary Bor, 26 ans, coureur du 3 000 mètres steeple, estime que le processus est biaisé : "Beaucoup de sportifs mis en avant par les médias semblent avoir été triés sur le volet (...) nous travaillons tous dur. Je pense que c’est injuste."

Richard Reider, professeur adjoint à l’école de droit Marquette, qui a travaillé pendant des décennies comme responsable du marketing sportif et du divertissement chez Miller Brewing Company à Milwaukie, le formule ainsi : "Les marques et les corporations ne sont pas des œuvres de charité – ce sont des business lucratifs. Ils signent les mecs quand ils sont chauds, au sommet de la gloire où ils ne resteront que pour quatre ans. Ils capturent le moment de grâce et le mettent en boite".

"Gagner, c’est tout", affirme-t-il.

Demandez à Michael Phelps : il est devenu une sensation aux JO de Pékin, et a raflé de nombreux contrats. Mais ses sponsors l’ont lâché en 2009 après la fuite d’une photo le montrant avec un bang de cannabis à la main. Les choses se sont encore envenimées en 2014, quand il a été arrêté pour conduite en état d’ivresse.

Mais voilà qu'aujourd’hui, le plus grand nageur du monde est de retour aux JO avec une histoire dont les Américains raffolent : la rédemption. "Il a touché le fond, a été en cure de désintoxication, a rencontré une femme qui a changé sa vie, et vient d’avoir un bébé", résume Miller, la spécialiste des marques à Marquette. "Il exorcise ses démons aux JO. Il dit qu'il est plus calme aujourd’hui, et parle de la façon dont il a changé. L’essentiel n’est pas qu’il ait 21 médailles d’or, ou qu’il s’apprête à battre de nouveaux records. C’est qu’il est une personne différente maintenant", explique-t-elle.

Voilà pourquoi Omega, le fabriquant de montres, a produit une vidéo mettant en scène Phelps, étirant ses bras géants, en surimpression devant une image de la célèbre statue Corcovado qui surplombe la ville. Les cariocas l’appellent le Redentor, le Rédempteur.

Omega pousse peut-être le bouchon du story-telling un peu trop loin. Phelps est peut-être un demi-dieu dans le bassin. Mais Jésus, vraiment ?

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