Malgré une médaille d'or aux JO en 1992, Michael Jordan pensait déjà à la retraite... mais les Bulls remporteront bien un nouveau titre NBA cette année-là grâce à lui<!-- --> | Atlantico.fr
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Michael Jordan s’était enveloppé dans un drapeau américain, geste patriotique s’il n’avait pas été dicté par la volonté de masquer le logo de la marque Champion sur son maillot. Il ne souhaitait pas qu’un concurrent de ses sponsors utilisé son image.
Michael Jordan s’était enveloppé dans un drapeau américain, geste patriotique s’il n’avait pas été dicté par la volonté de masquer le logo de la marque Champion sur son maillot. Il ne souhaitait pas qu’un concurrent de ses sponsors utilisé son image.
©Reuters

Bonnes feuilles

Loin des biographies convenues, cet ouvrage montre Michael Jordan sous son vrai visage. Toute l’ambiguïté de la personnalité du champion est racontée avec brio à travers un an d’immersion dans le vestiaire des Chicago Bulls. On y découvre un Jordan tantôt génie, tantôt tyran, mais plus humain que jamais. L'auteur détaille chaque scène de la vie des Bulls sans voyeurisme ni jugement : il offre un portrait sans concession d’une équipe à travers les épreuves qui auront jalonné son parcours jusqu'à la victoire. Extrait de "Jordan, la loi du plus fort", de Sam Smith, aux éditions Mareuil 2/2

Sam Smith

Sam Smith

Sam Smith a suivi les Chicago Bulls pendant plusieurs décennies. Il réalise avec le livre "Jordan, la loi du plus fort", un best-seller outre-Atlantique, une enquête sans précédent sur les Bulls et Michael Jordan.

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À la fin de l’été 1992, alors qu’il devait rejoindre ses partenaires pour entamer la préparation de la nouvelle saison, la flamme qui l’habitait habituellement vacillait. Une citation à comparaître devant un tribunal fédéral, des coéquipiers furieux, un moral en berne… L’ambiance était loin d’être au beau fixe chez les Bulls, à l’aube d’une saison potentiellement historique avec la possibilité de remporter un troisième titre consécutif, du jamais vu depuis la dynastie des Celtics dans les années 1960. Jordan et Pippen sortaient d’un été chargé, durant lequel ils avaient remporté la médaille d’or aux Jeux olympiques avec les États-Unis. Au cours de la cérémonie, Jordan s’était enveloppé dans un drapeau américain, geste hautement patriotique s’il n’avait pas été dicté par la volonté de masquer le logo de la marque Champion sur son maillot. Et pour cause : Jordan ne souhaitait pas qu’un concurrent de ses sponsors utilise gracieusement son image. C’est la monnaie qui dirige le monde, comme on dit...

Avant même le début de la préparation, Jordan commençait à nourrir des envies de retraite, qui se concrétiseront un an plus tard. Prétextant une fatigue liée aux Jeux olympiques, il fit part aux Bulls d’un doute sur sa participation à la tournée estivale de l’équipe. Une défection très mal perçue par ses coéquipiers, comme c’était le cas à chaque fois que Jordan usait de l’un de ses passe-droits. La réaction la plus véhémente vint de l’intérieur de l’équipe, de Horace Grant, qui quitta le rassemblement au bout de quelques jours en signe de protestation.

À dire vrai, tout cela n’avait guère d’importance aux yeux de Jordan. Il avouait déjà volontiers sa perte d’intérêt grandissante pour son sport. « J’en arrive au stade où ça commence vraiment à me trotter dans la tête », déclara-t-il à l’ouverture du camp, précisant au passage qu’il ne s’adresserait plus à la presse avant au moins une semaine, attendant le moment où lui reviendrait l’envie de jouer. «C’est la première fois de ma carrière que je suis confronté à une telle situation. J’ai joué au basket toute ma vie, et rien n’aurait pu me rendre plus heureux. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. Le lundi tout va pour le mieux, et le mardi je ne peux plus voir un ballon de basket en peinture. »

L’ennui. C’est sans doute cela qui pourrait expliquer la présence de Jordan devant le fronton du tribunal fédéral de Charlotte. Il comparaissait en tant que témoin au procès de James Bouler, un trafiquant de drogue bien connu des services de police qui, au cours de l’année écoulée, avait perçu 57 000 dollars de la part de Jordan suite à des paris perdus par la star des Bulls. Pendant un an, Jordan avait nié en bloc, assurant qu’il s’agissait d’un prêt pour la construction d’un terrain de golf. Mais face au juge, il n’eut d’autre choix que d’avouer qu’il avait menti et reconnaître chacun des centimes perdus.

Bien que Jordan et Bouler aient conclu ces mises dans l’État de Caroline du Sud, où toute forme de pari est rigoureusement interdite, l’arrière des Bulls ne fit l’objet d’aucune poursuite. Ce qui ne l’empêcha pas d’être victime de sa notoriété lors des audiences. Lorsque ce fut au tour de l’avocat de la défense d’interroger Jordan, il débuta sa série de questions par : «C’est bien vous qui avez votre tête sur les paquets de céréales ? » Du plus bel effet. Jordan n’eut d’autre choix que de répondre par l’affirmative, avant d’admettre avoir menti au sujet de l’argent parce qu’il craignait des répercussions sur son image si son penchant pour les paris éclatait au grand jour.

Il jura ensuite aux Bulls qu’il en avait assez de parier des sommes déraisonnables, qu’il laisserait tout ça derrière lui. «Bien entendu, tout le monde aime gagner. Mais quand vous perdez autant que j’ai perdu et qu’on abuse de votre confiance comme on a abusé de la mienne, alors le jeu n’en vaut plus la chandelle. Il m’est arrivé de jouer de l’argent au golf, mais ça ne se reproduira plus. Et si jamais quelque chose se passe mal au sein de l’équipe cette saison, soyez assurés que je n’y serais pour rien. »

Malheureusement, la suite des événements n’allait pas lui donner raison, pas plus qu’elle ne confirmera un quelconque changement dans son comportement.

Après avoir laissé ses coéquipiers entamer la préparation sans lui, Jordan fit son apparition au rassemblement au bout d’une semaine, assurant qu’il avait retrouvé sa rage de vaincre. Il avait passé les sept derniers jours sur la côte Ouest à tourner des spots publicitaires avec ses sponsors, mais garantissait qu’il était désormais prêt à se consacrer pleinement au basket. «Trois titres d’affilée ? J’espère que nous allons gagner au moins neuf, dix – que dis-je – onze titres d’affilée ! Notre vrai défi est d’aller chercher notre place dans les livres d’histoire. Je pense que nous devons prendre conscience de notre potentiel. Je ne garantis pas que nous soyons champions cette année, mais si nous y parvenons à nouveau, alors nous obtiendrons notre place au Panthéon. »

Le soir du 6 novembre, ce furent les Cleveland Cavaliers qui goûtèrent les premiers à la fureur des Bulls. Tandis que le générique du film Poltergeist rugissait de la sono du Richfield Coliseum de Cleveland, Jordan et ses partenaires pénétraient sur le parquet. Pour ce match d’ouverture de la saison 1992-93, ils étaient prêts à en découdre avec ces Cavaliers qu’ils avaient humiliés en finale de conférence l’année précédente. Les Bulls ne manquèrent pas d’administrer une nouvelle correction à leurs souffre-douleurs, qu’ils avaient déjà vaincus lors de leurs trois rencontres en playoffs au cours des six saisons précédentes. L’équipe de Chicago se gargarisait des « Ils sont de retouuuuur ! » du public, clairement destinés aux visiteurs et non aux joueurs locaux.

Après cette victoire, les Bulls se hâtèrent de regagner leurs terres pour recevoir les Atlanta Hawks, d’autant que la remise des bagues de champion était organisée avant la rencontre. Au cours de la cérémonie, Reinsdorf se laissa aller à dire que les Bulls étaient en train de bâtir « une dynastie ». «Nous n’en sommes pas encore là. Mais si nous venions à gagner un troisième titre consécutif…»

Cette idée de dynastie trouva écho dans le déroulement de la soirée. Pas dans le match lui-même, puisqu’Atlanta parvint à faire chuter les Bulls, mais lors de la cérémonie : alors que la coutume voulait que les bagues de champion soient remises aux joueurs et au staff technique, Reinsdorf avait prévu un bijou pour chacun des employés de la franchise, du médecin au balayeur, renforçant ainsi l’idée d’un empire Chicago Bulls appelé à régner des années.

« Il ne devrait y avoir que vingt bagues, point barre », fulminait Jordan dans le vestiaire. «Douze pour les joueurs, huit pour les entraîneurs, et des pin’s pour tous les autres. Qui a sué sang et eau pour ces bagues ? Nous, et personne d’autre. » À peine les bagues de champion reçues, les Bulls se montraient déjà aigris et revanchards. La saison venait de commencer mais ils étaient déjà blessés dans leur orgueil : rien ne semblait pouvoir les arrêter.

Extrait de Jordan, la loi du plus fort, de Sam Smith, publié aux éditions MareuilPour acheter ce livre, cliquez ici

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