Sortie du nucléaire allemand : y aura-t-il assez d'électricité en France pour faire face à la vague de froid ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La France traverse un important pic de froid, qui devrait s’amplifier en fin de semaine.
La France traverse un important pic de froid, qui devrait s’amplifier en fin de semaine.
©Reuters

La faute à qui ?!

Alors que les températures baissent, la consommation d'électricité explose. Alors que le pic, prévu pour jeudi ou vendredi, approche, la France s'interroge sur sa capacité à s'alimenter en électricité. Avec sa sortie du nucléaire, l'Allemagne, notre principal source, devient elle aussi demandeuse d'énergie.

Jacques  Foos

Jacques Foos

Professeur Honoraire au Conservatoire National des Arts et Métiers (Sciences et Technologies Nucléaires)
Auteur avec Yves de Saint Jacob du livre « Peut-on sortir du nucléaire ? » (éditions Hermann - oct 2011)

 

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Atlantico : La France traverse un important pic de froid, qui devrait s’amplifier en fin de semaine. Avec de telles températures, la consommation d’électricité explose. Doit-on craindre une pénurie d’énergie au cours des jours qui viennent ?

Jacques Foos : Lundi soir, nous étions déjà à 87 500 Mégawatts. On est à 9000 Mégawatts du record du 15 décembre 2010 mais nous ne sommes pas encore au plus profond du pic qui devrait survenir jeudi ou vendredi.

Ce qui change, c’est que l’Allemagne a décidé de sortir du nucléaire. Elle a déjà stoppé sept de ses réacteurs. Alors que ce pays était jusqu’ici exportateur d’électricité, il se retrouve à présent importateur, y compris lors de la belle saison. En plein hiver, nous nous mettons tous à faire tourner des centrales à gaz ou à charbon. Ces installations sont utilisées uniquement lorsque l’on en a besoin. C’est un complément indispensable à l’énergie éolienne : lorsque vous construisez des parcs éoliens, vous construisez en parallèle des centrales à gaz pour une puissance six fois supérieures afin de compléter lorsqu’il n’y a pas assez ou trop de vent pour faire tourner les éoliennes.

En France, l’énergie nucléaire apporte en temps normal près de 75% de l’électricité. Mais le nucléaire ne peut pas produire plus et lors de tels pics de froid, il ne couvre plus que 50% des besoins. Comme l’Allemagne, nous développons notre parc éolien. Du coup, en parallèle, nous construisons un parc de centrales à gaz pour une capacité qui s’élève actuellement à 11 000 Mégawatts. Tant que la production éolienne est minime, c’est sans conséquence. Mais dès lors qu’elle devient une part importante de l’offre électrique, il faut la rendre fiable. Elle ne le sera jamais donc vous devez ajouter une autre source en parallèle, le gaz, que l’on allume et éteint en fonction des besoins. Le tout avec les rejets de CO2 qui vont avec.

Cette semaine, nous voyons la carte de France soumise à des températures très basses. Mais c’est la même chose de l’autre côté du Rhin. Eux aussi se retrouvent à augmenter leur importation d’électricité et ils vont se donner la priorité. Nous perdons de notre côté une importante source d’importation et nous devons en trouver d’autres.

Jusqu’ici, l’hiver a été doux. Mais à la fin de la semaine, nous allons affronter une situation tout à fait différente. Chaque degré en moins implique de trouver 2300 Mégawatts supplémentaires. Nous pourrions frôler le record de l’année dernière où il nous a manqué 13 000 Mégawatts.

Si nous nous retrouvons en situation de pénurie, que peut-il se passer ?

Des coupures d’électricité, tout simplement. Si nous n’avons plus d’électricité, c’est comme lorsque vous n’avez plus de bois à mettre dans votre cheminée : elle s’arrête. Certaines régions, très déficientes en électricité, seront touchées en premier. C’est le cas de la Bretagne qui ne produit que 7% de ce qu’elle consomme, tout en étant en bout de ligne et donc soumise à d’importantes pertes le long des réseaux. Même chose pour la région sud-ouest, déficitaire et caractérisée par une forte urbanisation. Un tel black-out peut durer quelques heures.

Le plus célèbre, c’était en décembre 1978. La France s’était retrouvée sans métro, sans trains, sans chauffage mais aussi sans eau puisque les châteaux d’eau fonctionnent eux aussi avec de l’électricité. Il faut en plus noter que l’on se chauffait beaucoup moins à l’électricité à l’époque.

Ne peut-on pas tout simplement acheter notre électricité ailleurs, maintenant que l’Allemagne ne peut plus répondre à notre demande en énergie ?

A l’heure actuelle, nous en achetons déjà à d’autres pays comme la Grande-Bretagne. La Belgique et le Danemark peuvent aussi proposer de l’électricité. L’Espagne, si elle est épargnée par la vague de froid, pourrait également apporter une partie de l’énergie dont nous avons besoin en faisant tourner ses propres centrales à fond. Ce serait un geste économique évidemment, mais aussi  de sympathie.

C’est toute la question : allons-nous trouver suffisamment d’électricité à vendre dans les pays qui ont des surplus ? La situation sera plus complexe au fur et à mesure que nous prendrons la décision de fermer nos réacteurs nucléaires. Rien qu’en fermant deux réacteurs, nous aurions 2000 Mégawatts en moins, soit la consommation supplémentaire entraînée par moins d’un degré de différence sur les températures.

L’Italie est très caractéristique de cette situation. Elle importe chaque année 60 milliards d’euros d’électricité. C’est autant que notre budget de l’Education nationale. Elle a d’ailleurs envisagé de relancer un vaste projet nucléaire qu’elle a dû abandonner avec la catastrophe de Fukushima. Il y a eu des périodes, lors de ruptures de lignes électriques par exemple, que le pays soit totalement plongé dans le noir. Des photos satellites montraient alors l’Europe éclairée avec la botte italienne intégralement recouverte par les ténèbres.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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