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Affaires et corruptions au CIO, dopage des sportifs : les JO modernes loin de l'apolitisme prôné par Pierre de Coubertin
©Reuters

Bonnes feuilles

Pascal Boniface décrypte l'histoire du mouvement, entre boycott, polémiques et médiatisation. Il évoque la compétition entre nations, l'affirmation des identités nationales, mais aussi les événements dramatiques et les espoirs portés par l'olympisme. Il nous donne également de nombreuses clés pour repenser les JO, dans leur approche politique et géopolitique. Extrait de "JO politiques", de Pascal Boniface, aux éditions Eyrolles 1/2

Pascal Boniface

Pascal Boniface

Pascal Boniface est directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et enseignant à l'Institut d'études européennes de l'université de Paris VIII. Il est l'auteur du livre JO politiques (éditions Eyrolles, 2016). 

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Le CIO, un gouvernement mondial ?

À l’origine, Pierre de Coubertin voulait que le Comité international olympique soit composé d’« un petit noyau de membres travailleurs et convaincus, une pépinière de membres de bonne volonté et éduqués ». En 1908, deux tiers des membres sont des nobles. C’est sous la présidence de Juan Antonio Samaranch (de 1981 à 2001) que les milieux d’affaires font leur entrée en masse au CIO. Le système de cooptation permet d’étendre progressivement le réseau d’influence de celui-ci. Les membres sont choisis intuitu personæ et, contrairement à ce qui est géné- ralement véhiculé dans les médias, ils ne représentent pas leur État.

Le CIO est responsable de la Charte olympique. Il est l’autorité suprême du Mouvement olympique ; toute personne ou organisation appartenant à un titre quelconque au Mouvement olympique est soumise aux dispositions de la Charte et doit se conformer aux décisions du CIO. C’est dire la toute-puissance de l’organisme.

Les enjeux économiques, politiques ou stratégiques, qu’il s’agisse du choix des épreuves ou plus encore celui de la ville hôte, voire de celui de l’admission ou non des comités nationaux olympiques ou des partenaires commerciaux, sont énormes.

Certains membres du CIO n’ont pas résisté à la tentation de ce si grand pouvoir. Des cas flagrants de corruption, notamment pour obtenir leur vote, ont été dénoncés. Ainsi, à la suite du scandale des Jeux de Salt Lake City – et après la révélation de l’achat de votes pour obtenir les Jeux –, le CIO a modifié sa composition. Il compte désormais 15 athlètes, 15 dirigeants de fédérations internationales, 15 dirigeants de comités nationaux olympiques et 70 autres membres que le CIO juge qualifiés pour servir l’olympisme, soit 115 membres au total. La limite d’âge est fixée à 70 ans pour les nouveaux membres, nommés comme le président pour huit ans renouvelables. L’idée est d’accélérer la rotation de membres. Après Pierre de Coubertin, il n’y a eu en effet que 7 présidents !

Il y a également eu une tentative de diversification géographique et de démocratisation du CIO. Les femmes y ont fait leur entrée, certes timide car elles représentent encore moins d’un cinquième des membres. L’Europe en fournit encore plus de 40 %, l’Amérique du Nord 5 %, l’Amérique latine 12 %, le Moyen-Orient 7 %, l’Afrique 16 % et l’Asie 18 %. D’ailleurs, tous les présidents du CIO ont été européens mis à part l’Américain Avery Brundage. Quant au Conseil exécutif du CIO, il est composé de 15 membres, dont 9 sont européens. Ainsi, on voit que le processus de démocratisation et de transparence qui a été initié en 1999 est encore amené à s’approfondir.

Le CIO est en fait une organisation internationale non gouvernementale à but non lucratif, ou une ONG, à l’instar d’Amnesty International ou de Médecins sans frontières. Mais c’est aussi une institution quasi diplomatique et son président est reçu partout comme un chef d’État, et non des moindres. Le fait qu’il compte plus de membres que l’ONU lui donne également une dimension universelle à laquelle nul autre, à part la FIFA, ne peut prétendre. Finalement, c’est l’opinion publique mondiale qui exerce un contrôle indirect sur les activités du CIO.

Il est indéniable qu’à l’origine, ses membres partageaient les préjugés des élites nobiliaires européennes : méfiance – voire mépris – des non-Européens, sentiments colonialistes et sexistes. Brundage et Samaranch étaient notoirement proches de l’extrême droite. Par la suite, le CIO s’est diversifié. Les accusations de corruption, notamment après les Jeux de Salt Lake City, ont été prises en compte. Le développement des contre-pouvoirs, des réseaux sociaux, des médias, permet d’exercer un contrôle indirect plus fort. La grande force du CIO, c’est l’image des Jeux. Si ceux-ci étaient durablement discrédités par la corruption ou le dopage, ils perdraient de leur attractivité. Aussi, la défense des intérêts du CIO l’a amené à plus de rigueur.

Celui-ci veut, inconsciemment ou non, contribuer à façonner le monde. L’attribution des Jeux en est un élément clé. Bien sûr, le dossier technique, les installations, les infrastructures, les garanties données comptent, mais le CIO se plaît à faire de la géopolitique quadriennale en attribuant les Jeux à un pays qui représenterait un fort symbole de l’évolution du monde.

Le CIO aime à donner le sentiment de reconnaître ces évolutions et même de les préempter (attribution des Jeux à la Chine, au Brésil). Dans tous les cas, les proclamations d’apolitisme sont une plaisanterie qui a été démentie à chaque olympiade.

Extrait de "JO politiques", de Pascal Boniface, publié aux éditions EyrollesPour acheter ce livre, cliquez ici

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