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Danton : "De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et la France serait sauvée..."
©wikipédia

Série : Les grandes interviews de l'été

Interviews virtuelles mais exclusives accordées par les personnalités ayant le plus influencé le cours de l’histoire de la France et des Français. Nous les avons retrouvées et rencontrées afin de leur demander quel jugement elles portent sur la situation politique et économique actuelle. Sixième interview de cette série de l'été avec Danton.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Cette phrase a permis à Danton de rentrer dans l'histoire et d'occulter beaucoup des crimes dont il a été complice. Faut dire qu'elle a valeur universelle mais elle pourrait tout aussi bien correspondre au gouvernement d'aujourd'hui. Danton s'adressait le 2 décembre 1792 à l'Assemblée nationale, ce jour-là, Danton a sauvé la Révolution.

Le personnage est pourtant très ambigu. Il est patriote, avec un talent de tribun, mais un parfait cynique, opportuniste et affairiste. Les Français continuent cependant de le trouver sympathique. L'interprétation de son rôle au cinéma par Gérard Depardieu lui a sans doute donné beaucoup d'empathie. Faut dire que par rapport aux autres révolutionnaires de l'époque, il était plutôt plus calme. Enfin si on veut. L'intérêt de Danton est qu'il a compris que le régime de la terreur était un état d'exception lié à un état d'urgence mal géré. Un dérapage incontrôlé et au final désastreux.

Jean-Marc Sylvestre : Comment expliquez-vous le maintien de votre popularité ?

Georges Jacques Danton : Les temps n'étaient pas faciles, mais j'ai essayé d'être plus humain que Robespierre qui était incroyablement violent... Il a fini par me tuer. C'était lui, le vrai méchant de la bande. Moi j'ai tout fait pour stopper l'état d'urgence quand il ne se justifiait plus par un danger extérieur. Mirabeau, à qui on m'a souvent comparé, était lui affreusement corrompu, jusqu'à la moelle. C'était un affairiste, il faisait payer la moindre de ses interventions, alors que moi...

Vous étiez corrompu aussi ?

Moins que les autres. Et on ne pouvait pas appeler cela de la corruption. Le plus droit et le plus honnête de nous tous était Lafayette, je l'admirais mais les Français ne l'aimaient pas. Il était trop distant. Pour moi, il était "classe". Je l'admirais et je le jalousais parce que moi je n'étais pas beau. D'abord j'avais reçu un coup de sabot de taureau et la cicatrice se voyait. En plus une méchante vérole quand j'étais jeune avait laissé des traces qui n'attiraient pas les filles, croyez-moi. Vous avez vu Elephant Man, le film de David Lynch ? Et bien c'était un peu moi, j'aurais pu jouer le rôle, c'est tout dire !

Le moins corrompu de la bande des révolutionnaires était Robespierre, vous êtes d'accord ?

Il s'est taillé une réputation d'incorruptible. Mais Robespierre reste un mystère. Il a usé et abusé de tous les avantages que lui donnaient les positions de pouvoir, mais a-t-il touché de l'argent en échange de services rendus ou de passe droit, je n'en sais rien. Je ne crois pas qu'il ait fait fortune, ou alors il l'a bien caché. C'est possible. Vous savez qu'à l'époque, les hommes politiques qui touchaient des commissions le mettaient en Suisse ou en Angleterre. Déjà.

Maximilien n'était pas fabriqué comme nous. D'abord il a été bon élève à l'école, il était orphelin de son père mais comme il était travailleur, il a obtenu une bourse pour venir à Louis-le-Grand à Paris. Et savez-vous par exemple que c'est lui qui avait été désigné par les élèves du collège pour réciter le compliment au roi en 1775 qui visitait les écoles... ? Le roi c'était Louis XVI... Dix huit ans plus tard, il a voté la mort du roi sans ciller.

Il n'avait pas de sentiments. C'est à Louis-le-grand qu'il s'est lié d'amitié avec Camille Desmoulins. Il est resté ami avec lui très longtemps, jusqu'à la veille du jour où il l'a envoyé à la guillotine. Parce que c'est lui qui décidait de la guillotine et personne d'autre. Il n'avait aucun état d'âme pourvu que ça serve sa cause et son objectif de rester au pouvoir. Machiavel c'était un enfant de cœur. Incroyable.

Mais Robespierre n'était pas un tribun. Il était timide. C'était son problème. Ils ne prenaient pas la parole en public, c'était le contraire de moi... Il manœuvrait en coulisse, il gérait des réseaux mais il était respecté de tout le monde. Il était intransigeant et très droit. C'était un jacobin pur sucre. Ce qui est vrai, c'est qu'il a soutenu la politique de terreur pour sauver la République. C'est à ce moment-là qu'on s'est fréquenté.

Pour en revenir à la corruption, vous-même, peut-être, étiez vous plus riche que les autres donc vous aviez moins besoin de trouver de l'argent ?

Je n'étais pas très riche, non, mon père était procureur à Arcis-sur-Aube, vous connaissez Arcis-sur-Aube ? Et bien ce n'était pas une ville très sexy. En plus mon père est mort, j'étais très jeune. Enfin ma famille avait de quoi me permettre de faire des études. J'ai fait mon droit à Reims en 1784. Ça chauffait déjà à ce moment là, les étudiants s'agitaient. Puis je suis monté à Paris, comme on disait déjà à l'époque. On s'amusait à Paris au début de la Révolution.

Je suis devenu avocat et j'ai rencontré une petite femme qui me plaisait plus que les autres. Gabrielle Charpentier. C'était la fille du propriétaire de la brasserie à Montparnasse où j'allais dîner souvent. En dépit de ma laideur, elle est tombée dans mon lit très vite. Alors on a décidé de se marier. Son père, qui était un très riche limonadier de Paris, ne m'aimait guère, j'étais trop laid, mais voir sa fille mariée à un avocat pour lui c'était inespéré.

Entre nous, la dote était généreuse, et m'a permis de m'installer à mon compte à Paris. Alors ça m'a aidé car personne ne me connaissait et on est en 1789.

Mais vous n'aviez pas changé votre nom au début ?

Mon vrai nom est Georges Jacques Danton et c'est vrai j'ai essayé de me faire appeler D'Anton. J'avais des doutes sur l'issue de l'agitation politique et je trouvais que prendre un nom d'aristocrate m'aiderait dans le métier d'avocat. J'ai abandonné très vite ce projet et personne ne l'a su. D'ailleurs comment l'avez-vous su vous ?

J'ai regardé sur Facebook, quelqu'un vous a dénoncé mais je ne savais pas si c'était vrai.

C'est incroyable l'Internet aujourd'hui... Enfin bref, mon projet était d'utiliser mon statut d'avocat pour me lancer en politique. Il y avait des clubs de réflexion partout, et je reconnais qu'entre 1789 et 1792, pendant 4 ans, la Révolution m'a permis de sortir de l'anonymat ; je m'étais rapproché de Mirabeau qui avait la main sur les finances publiques et qui distribuait de l'argent à ceux qui pouvaient lui rendre service. Je pouvais effectivement lui rendre des services. Enfin il jouait les mécènes politiques pour s'attacher des amis qui le soutiendraient. J'en étais. Cela dit ces alliances étaient très compliquées. Elles variaient selon les circonstances. Il y avait des tractations. C'est un peu pareil aujourd'hui avec tous ces courants au sein du Parti socialiste ou tous ces candidats à droite, il faut savoir nager.

En fait, Mirabeau vous a acheté, reconnaissez-le, vous aviez des dettes, vous avez pu les rembourser et vous avez même acheté une propriété à la campagne pour vos week-ends ? La presse vous l'a assez reproché.

La presse réactionnaire, oui. La réalité c'est que je travaillais pour Mirabeau, il me payait. J'étais avocat. Vous connaissez beaucoup d'avocats qui travaillent gratuitement ?

A cette époque tout le monde est plus ou moins révolutionnaire, mais vous, vous êtes classé à la gauche des révolutionnaires. Vous aviez un peu le positionnement d'un Mélenchon aujourd'hui ?

Si vous voulez, mais j'étais meilleur orateur que lui. En fait, je savais que pour réussir en politique, il fallait entrer par la porte de gauche quitte à faire une politique plus responsable à droite une fois élu. C'est un peu ce qu'ont fait tous les hommes de gauche. Le plus talentueux ayant été Mitterrand.

Alors vous avez failli être arrêté ?

Oui on sortait souvent du débat purement démocratique pour en arriver à la manière forte. Après les manifestations et la fusillade du Champ-de-Mars en 1791, tous les partisans de la révolution pure et dure ont été inquiets. C'était Bailly et Lafayette qui menaient la répression. Lafayette pour moi c'était un héros. Je n'ai pas compris. Donc je me suis réfugié en Angleterre, mais mon exil n'a duré que six mois. Je suis revenu à la fin de l'année et j'ai réussi à me faire élire à la commune de Paris. L'exil m'a permis d'obtenir une sorte de brevet en gauchisme aux yeux du peuple qui, du coup me connaissait.

Et là, à la commune, on s'aperçoit que le jeune avocat Danton est doué d'un talent oratoire exceptionnel.

La nature ne m'avait pas gâté physiquement, je faisais peur aux enfants, mais le bon dieu m'a donné une voix. Un peu comme De Gaulle, j'étais fait pour la radio. J'adorais prononcer des tirades révolutionnaires. Je n'écrivais rien. J'improvisais tout. Avec cette voix tonitruante, j'ai contribué, je crois, à faire tomber la monarchie. Je m'en souviens, le 10 août 1792. Mes discours étaient construits sur la même ligne. Il fallait défendre les libertés individuelles et détruire les privilèges ou les rentes. Et les ennemis de la liberté étaient non seulement à l'intérieur du pays, mais aussi à l'extérieur.

A ce moment-là, votre carrière est lancée ?

Je suis rentré au gouvernement comme ministre de la Justice. J'avais 32 ans. J'avais l'âge de Giscard quand il est rentré dans le gouvernement du général De Gaulle, comme secrétaire d'Etat. Cependant, la situation était très tendue, nous avions une menace d'invasion par les Prussiens.

En septembre, vous avez couvert les massacres ?

J'étais contre ces massacres, j'étais contre la violence mais j'ai tout couvert pour préserver l'élan révolutionnaire. Les aristocrates et les réactionnaires étaient très puissants.

Alors c'est vrai que j'ai travaillé à l'Assemblée à faire l'union nationale. C'est à ce moment là que j'ai fait le fameux discours : "De l'audace, encore de l'audace, et nous sauverons la Révolution". C'était un appel au peuple de Paris parce que dans les milieux dirigeants, on restait mou du genou. Pas très courageuses, les élites. C'était une justification politique de l'état d'urgence. J'avais bien conscience, plus que Robespierre que nous mettions en place un régime inacceptable dans le cadre d'un Etat de droit républicain. Il fallait le justifier par les dangers extérieurs et la guerre. Il fallait sauver la République. La terreur est le résultat d'un état d'urgence ? Le risque ultime.

A tel point qu'avec cette notoriété, j'ai réussi à faire créer le Tribunal révolutionnaire et le comité de salut public que j'ai présidé jusqu'en juillet 1793 ? Je n'étais pas très fier. Mais l'ivresse du combat et le pouvoir en ligne de mire, vous ne résistez pas. C'est grisant.

Alors à quoi servait le Tribunal révolutionnaire ?

Le Tribunal révolutionnaire est une juridiction criminelle extraordinaire qui avait été créée par l'Assemblée nationale une première fois le 17 août 1792 puis supprimée puis rétablie sur ma proposition. On tenait séance au Palais de justice et devant un parterre de personnes désœuvrées, essentiellement des femmes qui étaient payées pour représenter le peuple. Ça doit vous sembler incroyable. En 28 mois d'activité, ce tribunal a jugé 2 807 personnes et il en a condamné 2 742 à mort. Les guillotinés étaient en grande majorité des gens de condition modeste, parfois très jeunes ou très âgés. Les gens riches et les nobles avaient évidemment les moyens d'échapper à ce tribunal. Avec le recul, je reconnais que c'était insupportable et invraisemblable comme procédure.

Et à quoi servait le Comité de salut public ?

Le Comité de salut public a été créé en janvier 1793 et devait "prendre toutes mesures de défense générale extérieure et intérieure". Inutile de vous faire un dessin, il a fini par devenir un véritable gouvernement dictatorial, agissant au nom de l'Assemblée.

Alors les membres du Comité – d'abord 9, puis 12 – étaient élus par la Convention pour un mois, et rééligibles. Les mandats étaient d'un mois. D'avril à juillet 1793, trois mois, j'ai dirigé ce Comité, mais la politique que nous menions a été jugée trop molle et c'est vrai que nous hésitions beaucoup, moi le premier. On essayait de trouver des compromis, notre but était de ménager les girondins, représentants de la France profonde. Mais c'était compliqué.

Lors du renouvellement de juillet, moi et mes amis, nous avons été remplacés par des hommes plus décidés, dont Maximilien Robespierre qui va diriger les opérations jusqu'en 1794. Autant dire un massacre. Les girondins sont balayés, les gens plus bienveillants comme moi aussi. Les jacobins purs et durs, des étatistes vont instituer une vraie dictature. Pour eux, seul l'Etat avait raison et voyait juste. On était loin de l'Etat libéral garant des libertés de chacun. Un cauchemar.

Après votre éviction du Comité de salut public, vous avez un peu disparu de la scène publique ?

Oui et non. Parce qu'au même moment ma femme est morte en couche en mars, et ça m'a secoué. Vous savez on a raconté que je l'avais épousée parce qu'elle était riche, mais j'y tenais.

On a dit aussi que vous étiez devenu fou. Vous auriez déterré le cadavre de votre femme pour faire des moulages de son visage et garder ces moulages près de vous, mais ça n'est pas possible ?

Robespierre a fait courir le bruit que j'étais malade et fou. Alors, il y a eu cette histoire de cadavre. Il y a eu aussi une campagne de calomnies sur mes conquêtes féminines alors que j'étais en deuil. Mais ça l'arrangeait de me discréditer pour m'écarter. Il ne pouvait pas le faire pour des raisons politiques. Il y a eu dans l'histoire de France des affaires sordides comme celles qui me sont arrivées, vous ne vous souvenez pas de Pompidou et sa femme, accusés des pires turpitudes pour qu'il soit empêché de revenir au pouvoir ? Pompidou et sa femme ont été très solides face à la calomnie. Moi j'étais très dépressif après la disparition de ma femme. Cependant en juin, j'ai rencontré une jeune femme délicieuse de 16 ans et nous avons passé des jours et des nuits passionnées dans ma maison à la campagne. Cette maison que j'avais achetée avec les enveloppes en cash de Mirabeau. Alors une fois de plus cette aventure a fait jaser. Mais je m'en moquais. Elle était magnifique.

Et politiquement vous en étiez où ?

Je n'ai pas pu sauver les Girondins et là j'ai demandé à ne pas être réélu au Comité. J'ai abandonné à Robespierre tous les pouvoirs du Comité et tous les avantages matériels. Il était satisfait ; on m'a dit que j'avais été très habile. Il croyait m'avoir éliminé.

Ce qu'il n'a pas compris, c'est que j'étais resté très populaire à Paris et que mon attitude très critique à l'égard de ce Comité de salut public, qui envoyait tous les jours des gens à la guillotine, se savait. J'ai été élu à la présidence de l'Assemblée avec pour programme de stopper ce régime de terreur. En fait, je disposais d'un pouvoir important sur le Comité de salut public à condition que je puisse avoir le courage de l'utiliser, ce que n'avaient pas fait mes prédécesseurs. Mais de ce jour, Robespierre m'a fait la guerre.

Un régime de terreur que vous aviez contribué à installer ?

Oui je n'avais pas imaginé que Robespierre et ses amis iraient si loin dans la mise en place de ce régime de terreur. Et à l'Assemblée, je n'ai pas pu les freiner. Mais vous le disiez, je vivais plus souvent à la campagne qu'à Paris.

Et puis vous avez été rattrapé par le scandale de la Compagnie des Indes, en quoi étiez vous impliqué dans cette affaire ?

Une affaire sordide. En fait en novembre 1793, la compagnie des Indes a été mise en liquidation et on s'est aperçu que beaucoup de députés de la Montagne, le courant auquel j'appartenais, avaient spéculé.

De façon très classique, ces députés avaient fraudé l'Etat et le fisc au moment du remboursement des privilèges, des charges et des offices de l'ancien régime. Quand on a aboli les privilèges, l'Etat les a remboursés pour éviter les procès sans fin. Donc il y a eu des fraudes. Des fausses déclarations.

La Compagnie française des Indes avait été créée en 1719 à l'instigation du financier John Law. Elle avait reçu en 1722 le monopole du commerce maritime français sauf en Amérique qui avait été donné à l'armateur de l'Hermione, le bateau emprunté par Lafayette. Malgré les réussites de Bertrand-François Mahé De La Bourdonnais (l'homme qui a colonisé l'île de la réunion et l'île Maurice) et de Joseph François Dupleix (établissements français aux Indes), la Compagnie, ruinée par les guerres coloniales et maritimes (guerre de Succession d'Autriche, Guerre de Sept Ans), perdit son monopole (1769). Reconstituée par Louis XVI sous le nom de "Nouvelle Compagnie des Indes" (1785), elle fut définitivement supprimée par la Convention (1793), ce qui donna lieu à un scandale puisqu'on a découvert des fraudes où furent mêlés en particulier François Chabot et Fabre d'Églantine. Des copains à moi. On a donc raconté que je les avais protégés.

J'étais lié à ces gens-là qui étaient mes amis, je me suis donc battu pour les défendre et là j'ai réussi à m'entendre avec Robespierre pour affronter ces fous furieux, enragés, d'extrémistes. Nous les avons éliminés du jeu politique. J'étais convaincu que j'avais renoué une alliance avec Robespierre fondée sur une analyse pragmatique de la situation. Mais il m'a roulé dans la farine.

A ce moment-là, il s'est passé ce que je n'avais pas prévu (preuve de ma naïveté) Robespierre m'a lâché sans aucune explication et m'a envoyé au Tribunal révolutionnaire.

La suite et la fin, on la connait !!!

Effectivement j'ai été guillotiné le 5 avril 1794, le même jour que Camille Desmoulins, l'ami d'enfance de Robespierre. J'avais 34 ans. Robespierre était resté pareil a lui-même. Froid, insensible ; comme habité par une sorte de mission morale à accomplir. De la folie. Monsieur Propre de la politique. Pendant quelques années Robespierre est resté le seul leader de la Révolution, gérant une véritable dictature mais sans aucune ambition précise que de se maintenir au pouvoir. Il n'y avait plus de raison de maintenir ce que vous appelez aujourd'hui l'état d'urgence avec des tribunaux d'exception.

La France n'était plus menacée de l'extérieur, mais Robespierre a continué de purger l'intérieur et d'envoyer à l'échafaud des centaines d'adversaires. C'était devenu complètement dingue.

Robespierre a réussi à faire peur à tout le monde, du coup les députés ont voté en 1794 sa mise en accusation et finalement la guillotine. Il a fait le vide autour de lui, et ce vide l'a asphyxié. Son intransigeance s'est retournée contre lui. Robespierre a été une sorte de monstre. Il a inventé la terreur et la terreur a fini par le tuer.

Quelle leçon tirez-vous de cette période ?

Cette période a été désastreuse pour tout le monde. La France s'est appauvrie. Beaucoup d'investisseurs sont partis en Grande-Bretagne. La classe politique a été décimée et croyez-moi, la suite n'a pas été très brillante. Napoléon Bonaparte n'a pas mis de temps pour prendre le pouvoir de ce champ de ruine.

Pour en revenir à la Terreur, est-ce que nous avions le choix ? Je sais que la France a du mal à se reformer dans le calme. Elle ne peut changer que dans la violence. C'était vrai avant 1789. Ce fut vrai après. J'imagine qu'aujourd'hui, les dirigeants français sont coincés pour réformer.

Je pense que le peuple français est foncièrement conservateur. Même quand il se dit à gauche.

Je pense aussi qu'on ne peut justifier l'état d'urgence qu'en cas de danger extérieur. L'Europe est en état d'urgence. On sait comment et pourquoi ça commence, on ne sait pas comment ça se termine.

Enfin dernier point j'ai réussi très vite en politique c'est vrai mais pas longtemps ? Au début j'avais l'âge de Giscard, mais Giscard a fait une carrière beaucoup plus longue que moi. N'est-ce pas ?

Est-ce qu il y a des révolutionnaires en herbe aujourd'hui, des Danton ou des Robespierre ?

Je crois que tous les personnels politiques ont le goût du pouvoir, je crois qu'il existe des situations de risque qui nécessitent l'état d'urgence et je crois enfin qu'il y a des hommes du gouvernement qui considèrent que l'état d'urgence peut leur être utile à des fins personnelles. Oui il y a de la graine de Danton dans la gouvernance française parce qu'il y a une demande d'autorité. Il y a des Robespierre. Mais je ne vous donnerai pas leurs noms. Je ne voudrais pas vous mettre en difficulté. Et puis, il y a quand même des contre-pouvoirs, la presse, les milieux d'affaires qui sont aujourd'hui beaucoup plus puissants qu'à mon époque. Mais méfiez-vous, tout peut arriver si vite !!!

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