Comment la finance s'est imposée dans nos économies occidentales<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Comment la finance s'est imposée dans nos économies occidentales
©Reuters

Bonnes feuilles

La finance est devenue toute-puissante. Pas un jour sans connaître les mouvements du CAC ou du NASDAQ, pas une semaine sans analyse du change, pas un mois sans fermeture d'usine, pas un an sans inquiétude sur la dette publique, pas une décennie sans une crise financière. Un ouvrage qui décrypte trente ans de financiarisation de l'économie, propose un examen détaillé de l'articulation entreprise/finance et avance des propositions - analysées et commentées par Michel Aglietta - pour mieux penser l'économie réelle. Extrait de "L'entreprise liquidée", de Tristan Auvray, Thomas Dallery et Sandra Rigot, aux éditions Michalon 1/2

Tristan Auvray, Thomas Dallery et Sandra Rigot

Tristan Auvray, Thomas Dallery et Sandra Rigot

Tristan Auvray, Thomas Dallery et Sandra Rigot sont tous trois maîtres de conférences et cherhceurs au CNRS.

Voir la bio »

1. Le rôle du système financier 

À quoi ça sert la finance ? Pour le comprendre, il faut substituer le terme de financement au terme trop vague pour le moment de finance. Le financement est l’opération qui, par exemple, permet à une entreprise qui a plus de dépenses que de revenus de trouver les fonds nécessaires pour les régler. Où l’entreprise trouvet-elle les fonds en question ? Auprès, par exemple, d’un ménage qui reçoit davantage de revenus qu’il n’engage de dépenses. Dans ce cas, on dit que l’entreprise a un besoin de financement et que le ménage a une capacité de financement. À partir de là, il existe deux modalités par lesquelles le ménage va confier sa capacité de financement à l’entreprise : cela peut se faire directement, dans le cadre de la souscription d’une action ou d’une obligation émise par l’entreprise sur le marché financier ; cela peut s’opérer indirectement, par l’intermédiaire d’une institution financière (une banque, par exemple) qui collecte l’épargne du ménage et accorde un crédit à l’entreprise. L’ensemble des marchés financiers et des institutions financières constitue le système financier. Quand la première modalité domine, on parlera d’économie de marchés financiers ; à l’inverse, quand la deuxième modalité prévaut, on parlera d’une économie d’endettement. 

L’évolution du système financier que l’on qualifie de financiarisation serait, en première approximation, celle du passage d’une économie d’endettement à une économie de marchés financiers. Dans ce cas, la figure de l’actionnaire supplante celle du banquier. La financiarisation devait permettre une meilleure allocation de l’épargne grâce aux marchés financiers. Il devait en résulter une augmentation de l’investissement productif.

Cependant en pratique, les deux modalités cohabitent et s’entremêlent, au point que la distinction théorique n’est pas très opératoire. En particulier, l’une des évolutions les plus marquantes de ces quarante dernières années est l’implication croissante des institutions financières au cœur des marchés financiers. Au lieu de se contenter de faire du crédit et de collecter des dépôts d’épargne, les banques ont de plus en plus cherché à diversifier leurs emplois en achetant des actifs variés (crédits, mais aussi actions, obligations, immobilier), tout en modifiant considérablement leurs ressources en émettant elles-mêmes des titres (actions, obligations, certificats de dépôts). Voyant leur rôle de financeur privilégié mis en danger par la concurrence du financement direct, les banques ont réagi et investi le champ des marchés financiers pour ré-intermédier le financement. Les marchés financiers étaient censés imposer un financement direct, mais en réalité y règne une chaîne extrêmement longue et complexe d’intermédiaires financiers, au sein de laquelle les banques, et plus largement les investisseurs institutionnels (fonds de pension et sociétés d’assurance notamment), interviennent sur plusieurs maillons essentiels de la chaîne.

Mais, avant de détailler les conséquences de la financiarisation, le rôle joué par la finance dans une économie capitaliste doit être précisé.

Une manière commode de représenter le fonctionnement d’une économie est de convoquer l’image d’un circuit parcouru de flux monétaires entre acteurs. Nous suivons ici Van de Velde (2005) dans sa présentation des quatre temps du circuit macroéconomique. L’économie dont est dessiné le circuit est très simplifiée. Les hypothèses restrictives seront levées progressivement par la suite. Initialement, nous nous intéressons à une économie fermée, sans État, et avec un simple financement bancaire (pas de marchés financiers ni d’actionnaires).

  • Le premier temps du circuit est celui du préfinancement de l’économie. Les entreprises sollicitent les banques pour obtenir des prêts et lancer la production. Le montant des crédits dépendra des anticipations des entrepreneurs concernant la demande, demande qui devra couvrir les coûts de production ainsi que les investissements désirés par les entreprises.

  • Le deuxième temps du circuit est celui de la production et de la rémunération des travailleurs. Le processus de production a lieu, le produit sort des chaînes, et les salariés reçoivent de l’entreprise un revenu, versé en contrepartie de leur participation à la production.

  • Le troisième temps du circuit est celui de la dépense du revenu. Les salariés dépensent leur revenu en biens de consommation et les entreprises investissent en biens d’équipement.

  • Le quatrième temps du circuit est celui du remboursement des crédits bancaires. Sous un certain nombre d’hypothèses, les entreprises sont en mesure de rembourser intégralement leurs crédits aux banques : la dette est ici un préfinancement, le financement final étant effectué grâce aux profits.

À la fin de la période, les banques sont donc en mesure de prêter à nouveau aux entreprises. Celles-ci ayant grossi (investissement) sans endettement résiduel (remboursement intégral de la dette), les étapes précé- dentes peuvent désormais se reproduire mais à une échelle élargie. 

Extrait de "L'entreprise liquidée", de Tristan Auvray, Thomas Dallery et Sandra Rigot, publié aux éditions Michalon. Pour acheter ce livre, cliquez ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !