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Qui d'Abubakar Shekau ou d'Abu Musab al-Barnawi est le chef de Boko Haram ? L'EI a une réponse qui n'est pas du gout de tout le monde dans la région…
©Reuters

Confusion totale

Abubakar Shekau ou Abu Musab al-Barnawi ? Il semble difficile de savoir en l'état qui est véritablement à la tête de l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (ex-Boko Haram), tant les divisions au sein de l'organisation sont importantes, notamment depuis l'allégeance prêtée à l'EI en 2015.

Amzat Boukari-Yabara

Amzat Boukari-Yabara

Amzat Boukari-Yabara est docteur en histoire, chercheur associé à l’EHESS et à l’Université de Montréal. Ses travaux portent sur l’histoire et la géopolitique de l’Afrique. Il a publié un ouvrage le Nigéria aux éditions DeBoeck en septembre 2013.

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Atlantico : Depuis plusieurs jours, la situation semble confuse à la tête de l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (anciennement Boko Haram) quand à l'identité du chef de l'organisation. Certains affirment qu'Abubakar Shekau aurait été remplacé par Abu Musab al-Barnawi selon les ordres de l'EI, d'autres qu'il serait mort ou bien encore qu'il aurait adressé une vidéo à al-Baghdadi mettant en garde ce dernier contre la personnalité et les moeurs d'al-Barnawi. Que savons-nous, en l'état, de la situation relative à la tête directionnelle de l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (ex-Boko Haram) ? Qui est cette nouvelle personnalité dont on parle au sein de l'organisation, Abu Musab al-Barnawi ?

Amzat Boukari YabaraAprès l’assassinat en 2009 de Mohamed Yusuf (fondateur de Boko Haram), un conflit de succession opposa Shekau et son bras droit, un certain Khalid al-Barnawi. Ce dernier, aux méthodes moins extrémistes mais plus stricte sur la doctrine, rejoint finalement le groupe dissident Ansaru avant d’être capturé en avril 2016 par l’armée nigériane. La répression des disciples de Yusuf par l’armée a pu favoriser Shekau dont le profil est plus proche d’un seigneur de guerre que d’un idéologue.

Si l’enlèvement des lycéennes de Chibok a médiatisé Shekau, Abu Musab al-Barnawi est présenté comme l’ancien porte-parole du groupe. Probablement originaire de l’Etat du Borno, sa véritable identité reste sujette  à caution : a-t-il un lien précis avec Khalid al-Barnawi ou Mohamed Yusuf ? Prudence car il y a trois mois, on annonçait le remplacement de Shekau par le responsable de la logistique, Bana Blachera.

L’unité des différentes factions de Boko Haram a tenu autour de Shekau tant que celui-ci remportait des victoires militaires. Depuis un an, la contre-offensive et l’élimination de plusieurs cellules de Boko Haram ont affaibli l’autorité de Shekau qui fut même déclaré "mort" à plusieurs reprises. Shekau refuse effectivement les conclusions d’une interview du journal officiel de Daesh où Abu Musab al-Barnawi est présenté comme le nouveau chef de Boko Haram, puis il interpelle al-Baghdadi en pointant les lacunes doctrinales d’al-Barnawi afin qu’il annule cette nomination. Cette situation surréaliste, les armées africaines doivent l’exploiter car la véritable direction autoproclamée de Boko Haram dépend plus que jamais du rapport de force sur le terrain.

Comment a évolué l'organisation, anciennement dénommée Boko Haram, depuis son allégeance à l'EI prêtée en 2015 ?

L’allégeance prêtée à Daesh en 2015 marque les limites militaires de Boko Haram et un changement de stratégie : dépasser les allégeances locales, étendre la visibilité médiatique en changeant la communication, utiliser la couverture de Daesh pour rivaliser avec ou agréger d’autres groupes, et enfin accroître les moyens financiers, logistiques et militaires avec éventuellement une jonction avec le groupe opérant en Libye. L’objectif initial de renverser l’Etat fédéral nigérian et recréer un califat autour de Maiduguri a globalement échoué mais les séquelles sont des milliers de victimes, une crise humanitaire autour du Lac Tchad, et un conflit asymétrique et de basse intensité qui pèse sur les économies du Nigéria, du Cameroun, du Tchad et du Niger.

Les offensives des armées africaines et les saisies d’armes font que Boko Haram ne peut plus contrôler durablement des pans entiers de territoire et s’est replié dans les zones reculées de son califat fantoche. Néanmoins, les actions kamikazes avec des enfants plus difficiles à appréhender dans des lieux publics (marchés, gares), ainsi que les raids meurtriers sur des localités insuffisamment protégées (villages des rives du Lac Tchad) ou sur des zones frontalières mouvantes (frontières du Nigeria avec le Niger et le Cameroun) restent malheureusement fréquents.

Y-a-t-il d'autres organisations islamistes sévissant en Afrique de l'Ouest ? Si oui, leur situation est-elle similaire à celle qu'est en train de vivre actuellement l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (ex-Boko Haram) ? Qu'est-ce que cela révèle de l'état actuel de l'islamisme dans la région ? Qu'en est-il notamment de la rivalité régionale entre Al-Qaeda et l'EI ?

Plusieurs groupes armés et fondamentalistes occupent la zone sahélo-saharienne. Certains contrôlent l’économie criminelle depuis longtemps, d’autres sont des dégâts collatéraux de l’intervention militaire occidentale en Libye, et enfin les plus structurés comme Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) portent la comparaison avec Daesh. Ansaru, le groupe nigérian dissident à Boko Haram, est par exemple plus proche d’AQMI, qui agglomère aussi le Mouvement pour l’unicité du djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et Al-Mourabitoune. L’objectif stratégique de ces groupes semble plus affirmé que celui de Boko Haram qui, paradoxalement, ne cible pas les intérêts ou les ressortissants occidentaux.

Dans l’exemple du conflit au Nord-Mali, des négociations politiques ont lieu entre les autorités maliennes, des intermédiaires et des rebelles, ce qui suscite la colère d’une partie de la population inquiète de voir le pays évoluer vers une scission. Les attentats de Grand Bassam, Bamako et Ouagadougou portent le sceau d’AQMI. Au-delà de cibler des lieux occidentalisés, ces attaques questionnent la présence militaire française et américaine en Afrique de l’Ouest, et révèlent les failles sécuritaires des Etats ouest-africains qui regardent avec beaucoup d’inquiétude l’évolution de la situation en Libye.

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