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Quand la Chine nous envoie des pandas comme ambassadeurs
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Diplomatie du nounours

Le zoo de Beauval réouvre ses portes ce samedi, un évènement exceptionnel puisque le public pourra y découvrir les pandas "prêtés" par la Chine. Une pratique déjà utilisée sous la dynastie Tang (618-907) et très courante durant l'ère maoïste, mais qui n'a plus la même signification aujourd'hui, alors que la Chine entretient des relations diplomatiques officielles avec la quasi-totalité des pays du monde.

Alice  Ekman

Alice Ekman

Alice Ekman est chercheur spécialiste de la Chine à l'Institut français des relations internationales (Ifri) et enseignante à Sciences Po, Paris. Elle conduit régulièrement des missions de recherche en Chine et en Asie de l’Est, et conseille plusieurs institutions publiques et privées françaises implantées dans la région.

 

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Le don de panda a longtemps été utilisé par la Chine comme outil diplomatique. La pratique existait déjà sous la dynastie des Tang (618-907), et elle connut un renouveau à partir des années 1950, suite à la création de la République populaire de Chine en 1949. Mao Zedong et Zhou Enlai avaient l’habitude d’offrir des couples de pandas à des pays étrangers pour entretenir les rares relations diplomatiques existantes ou en initier de nouvelles, aux dépens de Taïwan. Le don le plus emblématique sera celui, en pleine guerre froide, de Ling Ling et Xing Xing suite à la visite de Richard Nixon en 1972, étape décisive dans le processus de normalisation des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et la Chine. D’autres dons de pandas marqueront la politique étrangère chinoise : en 1973, lors de la visite de Georges Pompidou à Pékin, 9 ans après la reconnaissance de la République populaire de Chine par la France du général de Gaulle, ou encore, par exemple, en 1974 lors de la visite du premier ministre britannique Edward Heath, deux ans après l’établissement de relations diplomatiques complètes entre les deux pays.

Le prêt qui vient d’avoir lieu, de deux pandas du Sichuan au zoo de Beauval dans le Loir-et-Cher, ne s’inscrit pas exactement dans cette lignée. Depuis 1984, sous la pression des environnementalistes en particulier, la Chine n’effectue plus de don de pandas à des États, mais uniquement des prêts à des zoos étrangers dans le cadre de programmes de conservation et de recherche, pour une durée de 10 ans et un montant avoisinant généralement le million de dollars.

L’arrivée des deux pandas en France, négociée depuis presque cinq ans, à la veille du 48ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine, comporte à l’évidence une dimension politique forte. Elle confirme que la page de 2008 - marquée par des brouilles entre les deux pays suite à la rencontre du président de la République avec le dalaï-lama, et surtout au chahut autour de la flamme olympique de passage à Paris - est définitivement tournée. Même si l’image de Nicolas Sarkozy en Chine reste fortement entachée par les événements de 2008, la France et la Chine s’entendent mieux. Le prêt des pandas en est le signe ultime, en provenance d’une diplomatie chinoise qui accorde encore beaucoup d’importance au non-verbal et l’utilise plus que d'autres pour affirmer ses positions - jouant souvent sur des détails en apparence anodins (déplacement de l'heure d'une rencontre bilatérale,  formulation plus ou moins tardive d’une réponse, complications éventuelles pour la mise en place d'un partenariat, etc.)

Il ne faut toutefois pas surestimer la portée politique de l’événement de Beauval. Il est exagéré de parler encore de "diplomatie du panda" aujourd’hui, alors que la Chine entretient des relations officielles avec la plupart des pays du monde, exerce une influence à travers les échanges commerciaux, les investissements et l’aide au développement, et s’est dotée ces dix dernières d’années d’une multitude d’outils de soft power (chaînes d’information TV et radio en langues étrangères, instituts Confucius pour l'apprentissage du chinois, organisation d'événements internationaux, programmes de bourses d’étude et de recherche, entre autres).

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le prêt de pandas, qui n’est plus un acte historique en soi, et n’est pas exclusif à la France  - d’autres pays en bénéficient, dans des conditions similaires, et avec une couverture média aussi large, tel le zoo Édimbourg qui a accueilli le 4 décembre dernier deux pandas prêtés par la Chine pour dix ans également. Si les animaux se ressemblent d’une décennie à l’autre, la situation internationale et les objectifs de la politique étrangère chinoise ont eux radicalement changé. Le prêt du zoo de Beauval, et sa couverture médiatique - bien plus forte en France qu’en Chine - rappelle les nouvelles réalités de cette politique étrangère: la Chine n’a plus besoin de courir après la reconnaissance, mais cherche aujourd’hui à renforcer son influence et son image dans le monde avec les instruments de la diplomatie moderne, déjà largement utilisés par les grandes puissances occidentales, ou traditionnelle.

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