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Des scientifiques ont fait boire des gens et d’autres se droguer… et ce qu’ils ont découvert sur ce qui rend le plus violent est surprenant
©Reuters

Cerveau en vrille

Selon une étude de chercheurs néerlandais qui ont comparé les effets de l'alcool et du cannabis, la consommation d'alcool accentuerait l'agressivité chez les sujets étudiés, tandis que la consommation de cannabis la réduirait.

Muriel  Grégoire

Muriel Grégoire

Muriel Grégoire est addictologue et psychiatre. Elle est responsable du CSAPA la ville Floreal à Aix-En-Provence. 

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Atlantico : Selon une étude de chercheurs néerlandais (voir ici) qui ont comparé les effets de l'alcool et du cannabis, la consommation d'alcool accentuerait l'agressivité chez les sujets étudiés, tandis que la consommation de cannabis la réduirait. Comment les auteurs de l'étude en sont-ils arrivés à ces conclusions ?

Muriel Grégoire : Les chercheurs ont comparé des réactions de sujets buvant régulièrement de l'alcool à celles d'autres sujets fumant du cannabis régulièrement et d'autres qui ne fument pas et ne boivent pas. Ils ont mesuré l'intensité de l'agressivité face à certaines situations. Les résultats montrent que l'agressivité est particulièrement augmentée lorsqu'il y a alcoolisation, elle est par contre diminuée lorsqu'il y a consommation de cannabis. Ces résultats corroborent des résultats similaires d'autres études. Il ne faut pas négliger l'importance aussi du contexte de consommation et la personnalité du sujet.

Quels sont les effets de la consommation d'alcool et du cannabis sur le comportement et sur le cerveau ? Pourquoi accentuent-ils ou réduisent-ils les comportements agressifs ? 

Les effets de l'alcool sont "dose-dépendants". Différents neuromédiateurs sont impliqués : les uns dans le contrôle (glutamate, gaba), les autres sur l'humeur (sérotonine) et le plaisir (dopamine). L'alcool agit principalement sur le cortex frontal qui implique les actions motrices dont la désinhibition, le jugement ; l'hippocampe et ses troubles de la mémoire ; le cervelet et l'équilibre. L'amnésie, la difficulté de projeter sur le long terme associé à la désinhibition et l'impulsivité expliquent en partie ces propensions à être plus agressif. Après une période d'excitation et d'euphorie suit souvent une période de sédation. Avec, là aussi, une grande importance du contexte et l'état psychique de la personne.

De plus, l'alcool est neurotoxique et peut provoquer à long terme des maladies neurodégénératives chez des grands consommateurs après plusieurs années. Le cannabis agit lui surtout sur les récepteurs endocannabinoïdes, qui sont pour partie dans le cerveau. Ils agissent surtout sur les cognitions (mémoire, apprentissage) en phase aiguë, les perceptions, la motivation, la sensibilité, la douleur. On note particulièrement un effet euphorisant, anxiolytique, calmant puis sédatif. C'est par ces effets-là que le cannabis diminue l'agressivité. Les sujets sensibles peuvent avoir des attaques de panique, un effet parano voire un état délirant aigu, résolutifs. Le lien de causalité à la schizophrénie n'est pas démontré. Il peut parfois provoquer un syndrome amotivationnel chez des grands usagers mais n'est pas neurotoxique.

Les effets du cannabis sur l'agressivité permettent-ils de nuancer le discours généralement négatif envers cette drogue et sa dangerosité ? Ou au contraire, faut-il mesurer ces effets avec d'autres qui peuvent s'avérer plus ou moins dangereux pour le consommateur ?

Il faudrait pouvoir sortir des positions partisanes, politiques pour avoir un discours juste sur les effets du cannabis. De nombreuses études scientifiques reconnues ont déjà démontré les effets négatifs mais aussi positifs de cette substance, il est d'ailleurs utilisé en thérapeutique dans un certain nombre de pays comme la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, les Pays-Bas, etc. Pour lutter contre la douleur, l'anorexie dans les cancers ou en fin de vie, comme antispastique dans la SEP, utilisé pour le glaucome. Il est aussi anxiolytique. À côté de cela il y a évidemment des risques liés à son usage, liés aussi, comme tous produits psychoactifs, au contexte, à la personnalité et au type d'usage dont j'ai parlé tout à l'heure (panique, parano...). Le risque de dépendance est de 5 à 8% selon les études. Il y a aussi des risques somatiques comme des bronchites, laryngites, liés à la dose. Il y a les risques d'accidents de la circulation et du travail. La diabolisation empêche le travail de prévention et des soins quand même nécessaires, notamment chez les jeunes. Le rapport Roques et d'autres études sont très clairs sur la dangerosité des drogues, nous en tenons compte dans les centres de soin, il faudrait en élargir la portée.

Propos recueillis par Thomas Gorriz

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