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Intervention de Nicolas Sarkozy : 
les grandes gueules Menthon 
et Zeribi refont le match
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Débriefing

"Objectivement excellent" ou "relativement tendu", "incohérent" ou "courageux", "d'une écrasante supériorité" ou "en difficulté" : Sophie de Menthon et Karim Zeribi n'ont pas le même avis sur la prestation télévisuelle de Nicolas Sarkozy. Retour avec eux sur une soirée cruciale pour le président de la République.

Sophie de Menthon et Karim Zeribi

Sophie de Menthon et Karim Zeribi

Sophie de Menthon est l'une des personnalités qualifiées membres du Conseil Economique, Social et Environnemental.

Karim Zeribi est un ancien footballeur, militant associatif et élu municipal (EELV) à Marseille.

Tous deux interviennent dans l’émission « Les Grandes Gueules » sur RMC. 

Voir la bio »

Atlantico : Comment avez-vous trouvé la prestation de Nicolas Sarkozy ?

Sophie de Menthon : J’ai trouvé le président objectivement excellent : il a une force de conviction évidente. Les Français, moi comprise, avaient envie de l’entendre annoncer sa candidature ; et pourtant, il a réussi à me convaincre qu’il ne fallait pas le faire : il a raison de dire qu’il doit rester à 100% président de la République, car ses choix doivent être faits en toute liberté, et il ne peut pas se permettre la moindre concession à la démagogie inhérente au rôle de candidat.

Karim Zeribi : Sur la forme, je l’ai trouvé relativement tendu peu rassurant : il s’est beaucoup excusé et a été mis en difficulté par les questions d’une Claire Chazal assez vive. Il n’était pas en confiance, alors qu’il est généralement très bon dans ce genre d’exercice.

Sur le fond, il a une difficulté : il est à la fin d’un quinquennat, et il ne peut pas demander aux électeurs de regarder devant sans qu’on puisse regarder son bilan dans le rétroviseur. Je note surtout une absence de cohérence et de stabilité : le Nicolas Sarkozy de 2012 est aux antipodes de celui de 2007-2008 au vu des réformes structurelles qu’il propose, c’est désarmant pour l’auditoire. Pourquoi ne pas avoir réagi et proposé ces mesures fortes sur la compétitivité avant ? En effet, la crise ne date pas d’août 2011, mais de 2008 !

Ce qui a été criard, c’est le décalage entre sa personnalité qui lui dicte d’entrer immédiatement dans l’arène et le calcul de timing suggéré par ses proches, qui lui conseillent d’arriver plus tard dans le combat. Attendre le met en grande difficulté, car il est dans la position du président avec un bilan plutôt que du candidat avec une dynamique.

Quelles grandes différences distinguent sa prestation de celle de François Hollande, jeudi soir sur France 2 ?

S.d.M. : Il y a une énorme différence. Certes, jusqu’à présent, François Hollande a fait ses preuves. Mais on constate ce soir un abîme entre un Hollande pas mauvais et un Sarkozy aux responsabilités. Cela se ressent sur la précision des mesures et la pédagogie face aux Français : par exemple, l’explication sur le non-financement de la politique familiale par les entreprises [la « TVA sociale », ndlr]  a été d’une limpidité formidable. Et il n’a pas cédé à la tentation de diminuer en même temps les charges salariales. Le sérieux est donc du côté de Nicolas Sarkozy.

K.Z. : François Hollande m’est apparu plus serein : c’est logique, car il n’a pas le poids d’un bilan, et se concentre uniquement sur sa capacité à séduire. Sa posture est plus rafraichissante qu’un Sarkozy qui doit à la fois rendre des comptes, restaurer confiance dans son camp et faire face aux attaques de ses adversaires. Cette différence se retrouvait d’ailleurs jeudi, où tout le monde s’est étonné qu’Hollande soit plus à l’aise que Juppé.

Les mesures fiscales « courageuses » mais « impopulaires » proposées par Nicolas Sarkozy sont-elles la marque d'un courage politique indispensable pour lutter contre la crise ou d’un suicide politiquement ?

S.d.M : Ces mesures ne sont pas impopulaires pour tout le monde ! J’ai fait un sondage auprès des chefs d’entreprises d’Ethic, que je préside, et la grande majorité y sont favorables : plus de 50% d’entre eux estiment que cela va leur permettre de créer au moins un emploi dans les six mois. Il a également beaucoup rassuré le reste de la population : cela ne va pas pénaliser tous les foyers ! Autant pouvait-il y avoir des objections avant son intervention, autant j’ai trouvé que tout était rationnel, travaillé et courageux.

Avec ces annonces, il marque clairement sa différence par rapport aux candidats, qui apparaissent forcément plus légers : lui est investi d'une mission et joue la carte du désintéressement et de la prise de risque. On ne peut pas lui reprocher de faire de l'électoralisme, car il prend des mesures impopulaires "pour le bien de la France".

K.Z. : A part la TVA qui va porter un coup sur le pouvoir d’achat, il n’a finalement pas annoncé beaucoup de mesures d’austérité : les mesures en faveur de l’emploi des jeunes ou la hausse de la CSG sur les revenus financiers ne peuvent être que populaires. La seule question, c’est pourquoi n’a-t-il pas pris ces mesures avant ?

J’apporterai seulement un nuance sur les annonces faites sur l’immobilier : contrairement à lui, je ne crois pas du tout à l’adéquation entre la régulation de l’offre [par une hausse des constructions, ndlr] et celle des loyers. Par ailleurs, c’est une mesure dont on ne verra de toute façon pas les effets avant 12 ou 24 mois.

L’annonce des accords compétitivité-emploi, qui signe la disparition définitive des 35 heures, est-elle une bonne nouvelle ?

S.d.M : C’est pour moi l’annonce la plus importante. Un contrat libre dans les entreprises, qui prime par rapport à la loi, était absolument fondamental : il va permettre de changer la mentalité française, d’avoir des syndicats plus modérés et un dialogue social plus efficace. Les salariés vont en effet vite comprendre la nécessité de mettre à la tête des syndicats des personnes de bonne volonté capables de négocier intelligemment.

K.Z. : Le président commet une grave erreur et ouvre la boite de Pandore de la dérégulation complète du code du travail. J’aurai compris et préféré un accord par branche, pour apporter un peu de souplesse. Mais une dérégulation entreprise par entreprise est tout aussi dangereuse que les 35 heures de Martine Aubry honnies par la droite : les travailleurs vont subir d’énormes pressions au niveau local pour travailler plus, moins payés, alors qu’ils auraient pu avoir plus de pouvoir au niveau des branches.

Nicolas Sarkozy a-t-il réussi à inverser la tendance, avec l’excellente semaine politique de François Hollande ? Est-il encore en mesure de remporter l’élection ?

S.d.M : Je ne cache pas que je ne suis pas favorable à la candidature d’Hollande. J’étais déprimée en cette fin de semaine, et cette intervention m’a rassurée : il a annoncé des mesures courageuses pour le moyen terme, sur lesquelles ceux qui passeront éventuellement après ne pourront pas revenir – c’est toujours ça de gagné.

Ses chances de l’emporter ce dépendent que d’une seule chose : les débats qu’il va avoir. Les vrais face à face de dernière minute vont faire basculer les Français : si l’on assiste à des débats sérieux, pointus et longs avec les autres candidats, l’écrasante supériorité de Nicolas Sarkozy apparaîtra clairement.

K.Z. : C’était de toute façon à mon sens un exercice quasi impossible pour inverser la tendance : cela ne se limite pas à une intervention télévisuelle. Tant qu’il sera président, il devra s’en tenir à un bilan – il a beau prendre toutes les mesures du monde, les Français ne comprendront pas pourquoi ils ne les a pas prises plus tôt.

Structurellement, la dynamique est pour Hollande, mais elle reste très fragile. Je reste convaincu que lorsque Sarkozy décidera d'entrer en campagne, il sera un très bon candidat. Il aurait donc intérêt à se déclarer très vite. Hollande peut fauter dans les semaines à venir, et Sarkozy peut recréer l’espoir : rien n’est à exclure.

Propos recueillis par Maxime Vaudano

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