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Bernard Cazeneuve et Manuel Valls attaqués, Emmanuel Macron au bord de la route, mais jusqu'où pourra aller François Hollande en continuant avec un gouvernement aussi fragilisé ?
©Reuters / Stéphane Mahe

Sur les rotules

Après le drame de Nice, François Hollande se retrouve pris dans une nouvelle tourmente politique. A onze mois de l'élection présidentielle il pourrait s'avérer complexe de sortir de l'impasse et redorer le blason de son gouvernement.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Au lendemain de l'attaque de Nice, les autorités ont soupçonné une radicalisation rapide de l'auteur de l'attentat. En réalité, d'autres informations ont révélé qu'il préparait son acte depuis un an. Jusqu'à quel point Bernard Cazeneuve peut-il tenir dans un environnement où des informations aussi importantes changent rapidement ? Le couple Valls-Cazeneuve peut-il commencer à battre de l'aile ?

Eric Verhaeghe : De mon point de vue, Cazeneuve est aujourd'hui un dindon de la farce. Il a bien servi et il est offert en pâture aux médias. Manifestement, il n'a pas vu les images de vidéosurveillance que François Hollande a reçues le week-end qui a suivi l'attentat. Il n'a pas non plus su par le procureur Molins que l'attentat état prémédité de longue date. Hollande laisse Cazeneuve expliquer seul des âneries qui sont démenties officiellement les unes après les autres. Non, il n'y avait pas autant de policiers nationaux qu'on veut bien le dire sur place ce soir-là. Non, le terroriste n'était pas un détraqué isolé qui s'est radicalisé en quelques jours. Laisser Cazeneuve se noyer tout seul dans sa mare n'est pas, pour le coup, une manoeuvre très amicale. Hollande le laisse passer pour un incompétent - ce qui s'appelle carboniser son ministre. Valls est parfaitement complice de ce lâchage en ligne. L'opération permet à Valls comme à Hollande de reporter sur le ministre la responsabilité d'un ratage qui entache tout l'exécutif.

Après le drame de Nice, François Hollande se retrouve dans la tourmente politique. Son premier ministre est sujet à la colère des habitants (lorsque ceux-ci l'ont hué lors de l'hommage nationale). De plus, son ministre de l'intérieur est accusé par le journal Libération d'avoir menti sur le dispositif de sécurité. Comment François Hollande peut-il sortir de cette nouvelle impasse ?

En disparaissant pardi ! En laissant Valls et Cazeneuve gérer la crise, sans se mettre en première ligne, et en expliquant à Cazeneuve qu'il doit partir pour protéger le reste de l'exécutif. Ce qui est sûr, c'est que, dans l'affaire de Nice, les rodomontades du gouvernement sur sa politique active en matière de lutte contre le terrorisme prend l'eau de toutes parts. Les révélations qui se succèdent dans ce dossier montrent une terrible vérité : le Préfet des Alpes Maritimes n'a pas fait le taf. Les mesures de protection policière décidées avant la manifestation du 13 juillet n'ont pas été mises en place. Contrairement à ce que la hiérarchie policière a fait croire à Cazeneuve après l'attentat, les policiers nationaux ont déserté leur poste à l'entrée de la zone sécurisée de Nice et ont laissé les policiers municipaux mal armés faire le travail. Comme vous le savez, les policiers sont nommés à Nice en fin de carrière. Ces policiers démotivés ont dissimulé leur absence ce soir-là et ont fait croire au ministre que tout allait bien. En réalité, Cazeneuve se fait balader par les hauts fonctionnaires de la police, qui lui décrivent une réalité très différente de l'expérience concrète des Français : tout le monde sait que les policiers font tout pour ne pas enregistrer les plaintes des citoyens, qu'ils évitent d'intervenir dans les conflits ethniques, et qu'ils font preuve d'une démotivation ahurissante dans leur métier, avec le plein soutien, et même les encouragements, d'organisations syndicales stipendiées par le ministère. 

Connu pour les bonnes relations qu'il entretien avec les membres du gouvernement ainsi que le parti socialiste, Bernard Cazeneuve semblait être, pour François Hollande, une alternative crédible à Manuel Valls, en cas de changement de 1er ministre. Ces dernières semaines, son nom avait pu circuler en cas de nécessité de remplacement de Manuel Valls à Matignon. Face à cette nouvelle crise gouvernementale, quels sont encore les recours "disponibles" pour François Hollande ? Inversement, quelles sont les personnalités susceptibles d'accepter une telle position au regard du contexte actuel ? 

Si François Hollande, à moins d'un an d'une campagne présidentielle qui s'annonce très sanglante, voulait changer d'équipe à Matignon, il se trouverait quand même très embêté ! Qui accepterait le poste en étant capable de l'assumer ? Les noms se font rares et se comptent sur les doigts de la main. Il faut probablement comprendre ici que les Socialistes ont toujours été les premiers à dénoncer l'imposture Hollande. Lorsque les résultats de la primaire ont été proclamés, peu d'entre eux ont considéré que cette élection était porteuse d'avenir. Depuis le début, Hollande est méprisé par son camp, à commencer par Martine Aubry et son courant. Qui acceptera de mouiller la chemise pour le sauver ? Jean-Marie Le Guen, ancien administrateur de la MNEF ? Stéphane Le Foll, qui a endossé la disparition de la politique agricole commune et les sanctions contre la Russie qui ont tué l'agriculture française ? Karine Berger, qui soutient depuis 2012 que la croissance va revenir ? Hollande est très mal entouré, et c'est son problème. Tous les gens de qualité autour de lui l'ont trahi avec une sorte de constance hallucinante. Donc, Hollande est acculé. Rien ne dit qu'il ne devra pas démissionner avant la fin de son mandat. 

Après le volte face concernant la levée de l'état d'urgence, la polémique concernant la communication du ministère de l'intérieur, le nouvel emploi de l'article 49-3 dans la cadre de la loi El-Khomri, à 9 mois de l'échéance présidentielle, et à moins de 6 mois avant la primaire du parti socialiste, quels sont les portes de secours encore offertes à François Hollande ?

Les portes de secours sont à venir. Elles se trouvent dans la loi de finances et dans la loi de financement de la sécurité sociale, qui devraient donner l'occasion de faire des cadeaux aux électeurs. Les fonctionnaires devraient bénéficier de mesures favorables, et le principe du "pain et des jeux" devrait battre son plein. Pour espérer être réélu, Hollande multipliera les cadeaux à ceux que Terra Nova avaient identifiés comme les "relais de croissance" du Parti Socialiste: les jeunes, les diplômés, les minorités, les femmes. On aura donc sans doute droit à un sermon sur la gestation assistée, sur des mesures en faveur du "Vivre Ensemble", et autres balivernes qui amusent la galerie pendant que des mesures d'étatisation interviennent à tous les étages. Hollande est tellement aux abois qu'il n'a plus grand chose à perdre dans ce domaine. Tout est bon pour ramener des voix. Et s'il est réélu, il consacrera son deuxième mandat à limiter les dégâts causés par une politique clientéliste. Il me semble qu'une seule leçon doit être tirée de cette situation calamiteuse : le populisme est au pouvoir. La gauche adore flétrir le Front National en le considérant comme populiste. Le vrai populisme est au pouvoir : il consiste à prendre les électeurs pour des marionnettes manipulables à volonté.

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