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"Tout est la faute de l’Occident" : comment et pourquoi des petits voleurs de Molenbeek deviennent des kamikazes
©Reuters

Bonnes feuilles

Pourquoi Molenbeek ? Le sujet n'est pas anodin. Il est propice à polémiques, malentendus, dérapages, récupérations. Roger Maudhuy connaît bien Molenbeek. Il y a vécu. Voilà peut-être une des raisons pour lesquelles il a voulu répondre à la question que tout le monde se pose aujourd'hui : pourquoi, dans la plupart des attentats islamistes commis ces vingt-cinq dernières années, dans des pays aussi éloignés que l'Afghanistan ou la France, l'Espagne ou le Maroc, et même la Somalie, trouve-t-on cité le nom de cette commune bruxelloise ? Extrait de "Molenbeek, Vingt-cinq ans d'attentats islamistes" de Roger Maudhuy, publié chez Michalon (1/2).

Roger Maudhuy

Roger Maudhuy

Roger Maudhuy est auteur de plus d'une cinquantaine d'ouvrages consacrés à l'histoire et la tradition, dont Les Grands procès de la Collaboration et L'Affaire Fourniret.

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Un ex-détenu témoigne 

Il ne veut pas que je cite son prénom, même quand je lui explique qu’ils sont plusieurs dans Molenbeek à le porter. Passons et appelons-le donc… Mohamed. Mohamed est un jeune homme grand et costaud, le regard direct. Physiquement, il en impose, et c’est sans doute cela qui l’a sauvé. « Moi, je suis musulman… Mais je bois de l’alcool, je mange du porc, je ne fais pas les prières… Je suis né ici, j’ai été au Maroc qu’une fois… J’ai été deux fois à Forest (une prison bruxelloise), toujours pour des affaires de droit commun. Rien de bien grave… Là, tu as des détenus qui sont comme moi, d’origine marocaine et donc plus ou moins musulmans. Tu as aussi des types qui n’ont que le Coran à la bouche. Bon, ils l’interprètent à leurs façons, mais ils ont assez de tchatche pour impressionner. C’est au préau [la promenade] qu’ils sont les plus présents. Là, tu n’as aucun surveillant près de toi. Alors, ils te baratinent. Ils te disent que nous avons perdu notre identité arabe, que les pays occidentaux nous méprisent, que dans les prisons tu trouves plus d’Arabes que de Belges, que la justice nous punit plus sévèrement que les autres, que chez les juges et au gouvernement il y a beaucoup de juifs, que la police est toujours après nous… Tout n’est pas faux… Ils te disent que tu dois te tourner vers tes racines, lire le Coran, faire les prières… Un jour, y en a un qui m’a reproché de courir avec un tee-shirt qui n’allait pas : il vantait Jupiler, la bière. Je l’ai envoyé au diable, mais pense que si j’avais fait 20 cm de moins… La taule, c’est un monde de violence. C’est le plus fort ou le plus méchant qui a raison.

« Selon eux, tout est la faute de l’Occident. Ils disent que nous sommes frères, que leur combat est le tien. À côté du Coran, il y a d’autres textes en arabe qui circulent, quelques-uns, mais c’est plus rare, en français. Ce sont des appels au djihad. Je me souviens qu’un texte vantait Khaled Kelkal 81. Au moment du ramadan, la pression est terrible. Ils te demandent si tu le fais, et si tu dis non, ils t’empoisonnent si bien la vie que la plupart finissent par le faire. La taule laisse faire. Alors, les détenus faibles, psychologiquement ou physiquement, de petits voleurs ils deviennent kamikazes.

« Moi j’ai bien connu Brahim Abdeslam. C’était un gars qui ne pensait qu’à faire la fête, boire de l’alcool et fumer des joints : une grosse tête, mais avec dedans une cervelle de canari. Le fric l’intéressait bien plus qu’Allah ! La fête, faut du pognon ! D’ailleurs, dans Molenbeek, le bruit court que Brahim a demandé du pognon pour aller à Paris. C’était un con, on pouvait le piéger avec un peu de fric et des promesses.  « Tu sais… À Paris, il s’est fait sauter là où il n’y avait personne. C’est pas très kamikaze, ça ! Mon avis, hein, c’est qu’il s’est laissé entraîner dans un truc qui l’a dépassé, peut-être il a cru monter sur un braco, un truc comme ça, et quand il s’est rendu compte dans quel coup fourré il était tombé, il a poussé sur le bouton. »

Extrait de Molenbeek, Vingt-cinq ans d'attentats islamistes de Roger Maudhuy, aux éditions Michalon. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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