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Pourquoi l’idée de François Hollande de créer une agence de notation européenne ne fonctionnerait pas
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Parmi ses 60 propositions phares, François Hollande a proposé la création d'une agence de notation européenne. Une concurrence inutile et confuse aux agences de notation déjà existantes ?

Pascal de Lima

Pascal de Lima

Pascal de Lima est un économiste de l'innovation, knowledge manager et enseignant à Sciences-po proche des milieux de cabinets de conseil en management. Essayiste et conférencier français  (conférences données à Rio, Los Angeles, Milan, Madrid, Lisbonne, Frankfort, Vienne, Londres, Bruxelles, Lausanne, Tunis, Marrakech) spécialiste de prospective économique, son travail, fondé sur une veille et une réflexion prospective, porte notamment sur l'exploration des innovations, sur leurs impacts en termes sociétaux, environnementaux et socio-économiques. Après 14 années dans les milieux du conseil en management et systèmes d’information (Knowledge manager auprès de Ernst & Young, Cap Gemini, Chef Economiste-KM auprès d'ADL et Altran 16 000 salariés, toujours dans les départements Banque-Finance...), il fonde Economic Cell en 2013, laboratoire d’observation des innovations et des marchés. En 2017, il devient en parallèle Chef Economiste d'Harwell Management.

Diplômé en Sciences-économiques de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (PhD), de Panthéon-Sorbonne Paris 1 (DEA d'économie industriel) et de Grandes Ecoles de Commerce (Mastère spécialisé en ingénierie financière et métiers de la finance), il dispense actuellement à Sciences-po Paris des cours d’économie. Il a enseigné l'Economie dans la plupart des Grandes Ecoles françaises (HEC, ESSEC, Sup de Co, Ecoles d'ingénieur et PREPA...).

De sensibilité social-démocrate (liberté, égalité des chances first et non absolue, rééquilibrage par l'Etat in fine) c'est un adèpte de la philosophie "penser par soi-même" qu'il tente d'appliquer à l'économie.

Il est chroniqueur éco tous les mardis sur Radio Alfa, 98.6FM, et chroniqueur éco contractuel hebdomadaire dans le journal Forbes.

 

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Le conflit d’intérêt auquel les agences de notation sont confrontées pose deux questions essentielles de la Science-économique : le risque est-il toujours mesurable ? Les notes des agences de notation sont-elles sensibles à la situation conjoncturelle ? En résumé, les agences de notation ne surenchérissent-elles pas les notes en période de boom et l’inverse en période de ralentissement économique ? Si le risque est estimable et que les agences de notation se doivent d’utiliser des méthodes scientifiques claires pour être crédibles, il n’en reste pas moins que le conflit d’intérêt les pousse à surévaluer les notes des entreprises. Ici, les méthodes de la science, choix des paramètres et des modèles mathématiques, peuvent parfaitement alimenter un système de défense d’intérêts économiques des investisseurs.

C’est probablement l’échec de la notation triple A concernant les produits structurés en 2007 et 2008 qui a contribué encore à poser la question du conflit d’intérêt des agences de notation. Dans ce cadre, faut-il les mettre en concurrence et créer d’autres agences de notation ? Un article récent de Patrick Bolton, Xavier Freixas et Joel Shapiro (2012) du « Journal of Finance » montre, à partir d’un modèle d’agents neutres au risque (agences, émetteurs et investisseurs) que non. Pourquoi ?

Le conflit d’intérêt peut prendre trois formes :

  • Une sous évaluation permanente des risques afin d’attirer les acheteurs de notation, les émetteurs en gros et produire principalement des bonnes notes,
  • Les émetteurs eux-mêmes sont investisseurs par ailleurs ! Ainsi, ils ne sont « incentivés » que si les sociétés sur lesquelles ils investissent sont bien notées également.
  • Enfin, il en va de la confiance des investisseurs qui ne peut être ébranlée en aucun cas, encore moins dans le contexte actuel. Ici, les modèles mathématiques sont utilisés subjectivement afin de produire les bonnes conclusions, celles qui consolident les trois points ci-dessus : sous évaluation des risques pour faire tourner le modèle économique cycliquement, bonnes notes pour les émetteurs principaux de l’activité économique, maintien de la confiance des investisseurs pour la stabilité des marchés financiers.

La démultiplication des agences de notation et leur mise en concurrence peuvent provoquer trois effets : tout d’abord la concurrence réduirait l’efficience informationnelle de l’ensemble du système puisque chaque agence se ferait concurrence « à l’envers » créant une inflation des notes et non une meilleure objectivité de celles-ci. Le choix d’un modèle mathématique et d’un processus de transformation de variables d’entrée vers la production de notes contribuent à alimenter ce système économique global. Ensuite, en période de reprise économique, le mouvement de hausse des notes serait d’autant plus amplifié que la confiance des investisseurs repart de plus belle.

Dans ce cadre, les seules propositions crédibles pour la création d’une agence de notation européenne sont : son audit par un organisme indépendant pour prévenir l’influence exercée par les émetteurs vers les agences et prévenir la communication publique orientée exclusivement vers les meilleures notes et surtout poser clairement les bases d’une démarche scientifique lavée de tout soupçon, c’est à dire par un organisme indépendant.

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