Il était une fois la réforme : comment le professeur Mario Monti réalise ce que le flamboyant Berlusconi n'a pas su faire<!-- --> | Atlantico.fr
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Mario Monti réussira à faire passer ses réformes. Cela ne signifie pas qu’elles produiront les effets escomptés, mais elles entreront dans la vie des Italiens.
Mario Monti réussira à faire passer ses réformes. Cela ne signifie pas qu’elles produiront les effets escomptés, mais elles entreront dans la vie des Italiens.
©Reuters

Andiamo !

L'Italie a réussi vendredi à lever comme prévu 11 milliards d'euros d'obligations à court terme sur le marché de la dette à des taux en forte baisse. Les réformes conduites par Mario Monti semblent porter leurs fruits.

Manuel Maleki

Manuel Maleki

Manuel Maleki est Docteur en Sciences Economiques à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

Il est spécialiste des questions de réformes. Il a travaillé à Londres dans une grande institution financière avant de rejoindre les équipes de la recherche économique du groupe ING en tant que Senior Economiste.

Il s'exprime sur Atlantico à titre personnel.

 

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Mario Monti, Silvio Berlusconi, deux acteurs que feu Sergio Leone n’aurait peut-être pas renié pour une suite de « Il était une fois la révolution » sous le titre « il était une fois la réforme ». Le premier jouant « l’outsider » pétri de grands principes, cérébral mais capable d’agir, le second jouant le "peón" inculte, plutôt opportuniste mais habité par une bonne dose de bon sens populaire. Deux acteurs d’une même problématique : qu’est-ce qui détermine l’acceptation ou le refus des réformes ?

Il ne s’agit pas de juger le bien fondé des choix politico-économiques de Mario Monti et savoir si ses réformes apporteront la prospérité à l’Italie, mais d’analyser les éléments qui nous amènent à penser que Mario Monti réussira à faire accepter ses réformes à son pays.

Le Professeur Monti : un précis d’économie de la réforme

Mario Monti montre une fine compréhension de l’économie politique, toutefois il n’est pas prisonnier de la théorie et sait l’adapter à sa propre situation. Voici quelques points pour illustrer ce propos :

  • Le chef du gouvernement profite d’une fenêtre d’opportunité pour passer son train de réforme, car il semble que les Italiens pensent que la crise est grave, profonde et qu’elle nécessite des réformes pour y faire face. Nous sommes ici en face d’un processus du type « la crise entraine la réforme » (causalité qui est loin d’être si évidente que cela…) ;

    • Il a le soutien plus ou moins explicite des institutions italiennes, européennes et internationales. Les élus italiens sont heureux d’avoir trouvé quelqu’un pour faire le « sale boulot » qu’ils ne voulaient pas assumer pour des raisons électoralistes. De fait, ils n’interviendront dans le débat public que dans le but d’émerger politiquement à la fin de l’ère Monti. Les institutions européennes le soutiennent de par son statut d’ancien commissaire européen, et le savent un défenseur de l’euro. Ses convictions d’économiste orthodoxe rassurent aussi les instances comme le FMI, et les dirigeants allemands ;

  • Sa position d’outsider par rapport à l’échiquier politique pousse la population à lui accorder un crédit, somme tout limité mais vertigineux par rapport à leurs « éternels » politiciens de tous bords. Il ne soulève pas l’enthousiasme qu’ont pu connaitre des leaders populistes d’Amérique du Sud comme Carlos Menem (président argentin) ou Hugo Chavez (président de la République bolivarienne du Venezuela), mais l’hostilité populaire à son encontre semble assez limitée ;

  • Il manie habilement les symboles, même si cela semble simple, il faut noter que peut de décideurs publiques à travers le monde ont décidé de s’octroyer un salaire nul, et d’imposer une stricte discipline à ses ministres. Sa réponse aux attaques portées sur son repas de réveillon montre une grande habilité politique, de même, la façon dont il a « démissionné » son ministre Carlo Malinconico pour des largesses obtenues en 2007-2008 est un exemple du genre. Il a su construire en très peu de temps une image en rupture avec son prédécesseur ;

  • Son plan de réforme présente une véritable intelligence politique, car il mêle réformes macroéconomiques (sur le plan budgétaire par exemple) et réformes microéconomiques, comme sa lutte renforcée contre la fraude. Cette stratégie donne de la cohérence à ses décisions : dès lors, sa volonté de casser les corporatismes - comme le métier de notaire - s’insère dans une vision globale facilement lisible par tous les acteurs. De cette lisibilité née la crédibilité de son action :

    Toutefois, son plan de réforme offre des espaces de vie institutionnelle qui permettent la négociation entre acteurs sociaux (évite ainsi une image trop autocratique), tout en délimitant clairement le cadre temporel, ce qui force les acteurs à trouver un accord.

    • Mario Monti a fait la synthèse de ce que les économistes appellent « la thérapie de choc » et le « gradualisme » dans les réformes, il offre un vaste champ de réformes de façon ample et rapide (à l’instar de ce que certains pays d’Europe de l’Est ont connu dans les années 90), mais il présente aussi un plan économique qui s’inscrit dans la durée, et laisse donc aux agents le temps de s’adapter : par ce comportement, il limite l’incertitude tout en restant crédible.


Les réformes Monti passeront...

L’ensemble de ces éléments pousse à penser que Mario Monti réussira à faire passer ses réformes. Cela ne signifie pas qu’elles produiront les effets escomptés, mais elles entreront dans la vie des Italiens. Il ne faut toutefois pas oublier que le jeu démocratique classique (électoral et parlementaire) reprendra sa place tôt ou tard, et là on pourrait être surpris d’entendre un petit air d’harmonica du Cavaliere.

Enfin, pour conclure, laissons la parole à Nicolas Machiavel, qui a su capturer toutes les dimensions des processus de réformes (les acteurs, les anticipations, l’importance du temps et du mouvement etc.), en seulement quelques lignes. 

« Il n’y a point d’entreprise plus difficile à conduire, plus incertaine quant au succès, et plus dangereuse que celle d’introduire de nouvelles institutions. Celui qui s’y engage a pour ennemis tous ceux qui profitaient des institutions anciennes, et il ne trouve que de tièdes défenseurs dans ceux pour qui les nouvelles seraient utiles. Cette tiédeur, au reste, leur vient de deux causes : la première est la peur qu’ils ont de leurs adversaires, lesquels ont en leur faveur les lois existantes : la seconde est l’incrédulité commune à tous les hommes, qui ne veulent croire à la bonté des choses naturelles que lorsqu’ils ont été bien convaincus par l’expérience ».

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