Ces profs que l’on agresse<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Ces profs que l’on agresse
©

Tar' ta gueule à la récré

De plus en plus jeune, de plus en plus violente : la délinquance des mineurs change de visage. Les professeurs sont en première ligne. Mohamed Douhane, fort de sa longue expérience de terrain, livre une réflexion dans "La délinquance des mineurs". Extraits (1/2).

Mohamed Douhane

Mohamed Douhane

Mohamed Douhane est commandant de police, Secrétaire national du syndicat Synergie officiers et enseignant-conférencier en management de la sécurité et de la gestion de crise.


Voir la bio »

Lundi 24 avril 2006. Lycée Lavoisier de Porcheville, dans les Yvelines. Il est 14 h 30. Les élèves de deuxième année de BEP s’apprêtent à suivre leur cours de « Vie sociale et professionnelle ». A. B., un jeune de dix-huit ans issu de la cité du Val-Fourré, à Mantes-la-Jolie, entre dans la classe. Il lance une chaise sur son enseignante puis la frappe violemment, sous le regard médusé des élèves présents. L’un d’eux intervient pour stopper l’adolescent et éviter le lynchage. L’auteur est immédiatement interpellé par la police, puis entendu. L’agression est inexplicable et inexpliquée. Il n’y avait aucun contentieux entre l’élève et l’enseignante, en poste depuis quelques mois. La violence gratuite, tout simplement !

L’affaire aurait pu en rester là, mais une vidéo circule le soir dans le bus de ramassage scolaire. Plusieurs téléphones portables ont reçu les images de l’agression. Les coups portés par le jeune homme sont d’une extrême violence. On entend les cris de douleur de l’enseignante. Après la découverte de cette vidéo, les enseignants se réunissent et décident de suspendre les cours dès le lendemain. Quelques heures plus tard, des photos tirées de la vidéo paraissent dans la presse locale et nationale. Télés et radios débarquent à Porcheville.

Interpellé au sein même de l’établissement, l’agresseur est dans un premier temps remis en liberté, avec une simple convocation au tribunal. Les parents d’élèves et les enseignants, révoltés, expriment publiquement leur désarroi face à cette décision de justice, qu’ils jugent laxiste. Le lendemain, le procureur de la République réagit contre la décision prise par l’un de ses substituts et ordonne que l’agresseur soit à nouveau interpellé. Placé une seconde fois en garde à vue au commissariat de Mantes-la-Jolie, le jeune A. B. est mis en examen pour « violences volontaires sur personne chargée d’une mission de service public » et placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de résider dans les Yvelines.

Au sein du gouvernement et dans l’Éducation nationale, on s’interroge. Comment protéger la communauté enseignante contre ce type de violence ? La question se pose avec acuité, car depuis quelques années les agressions contre les enseignants se multiplient, toujours plus brutales, et causées par des élèves toujours plus jeunes.

Le 22 septembre 2010, au collège Jean-Perrin à Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, c’est un élève de quatorze ans qui, cette fois, insulte et frappe en plein cours son enseignant de mathématiques. Le seul tort du professeur est d’avoir reproché à son agresseur de trop bavarder en classe et… de mettre les pieds sur la table ! En réponse, il reçoit trois gifles et un coup de genou dans le ventre. L’agresseur prend la fuite pour rejoindre le foyer où il est placé. Il est interpellé par la police et invité à s’expliquer devant un juge des enfants. Très choqués, les enseignants font valoir leur droit de retrait et cessent le travail pendant une journée.

Outre ces violences physiques, les enseignants subissent de la part de leurs élèves de véritables formes de harcèlement. Internet, blogs et réseaux sociaux peuvent être utilisés pour régler des comptes. Les injures, les provocations et les commentaires peu flatteurs envers des enseignants pleuvent sur la Toile. Avec près de 20 millions d’utilisateurs en France, Facebook est certes un outil à la mode pour se faire des amis ou des relations professionnelles, mais il permet aussi d’exprimer sa haine ou son mécontentement à l’encontre de quelqu’un. Les adolescents qui y ont ouvert un compte sont innombrables et certains d’entre eux s’en servent comme d’un véritable défouloir.

Beaucoup de jeunes sont inconscients de l’impact réel des réseaux sociaux. Fascinés par le sentiment de liberté, voire d’impunité, ils n’ont pas conscience du pouvoir de nuisance que procure la diffusion massive de leurs états d’âme ou diatribes à travers la Toile. Pire, ils éludent totalement que le droit à l’oubli n’existe pas sur Internet ! Il n’est d’ailleurs pas rare de voir des élèves se regrouper sur Facebook et aborder des thèmes de manière particulièrement injurieuse et violente.

Parmi les dernières créations en vogue, on peut trouver des sujets de conversation au langage fleuri tels que « Si toi aussi t’as envie de péter la gueule à la prof de français, rejoins-nous ! », ou encore, de façon tout aussi « poétique » : « Couper son prof de maths en rondelles, pour le donner à manger à son chien ! »

L’impunité totale n’est désormais plus de mise et les affaires judiciaires se multiplient, tout comme les plaintes de ces enseignants qui n’acceptent plus d’être continuellement humiliés et provoqués. Ainsi, courant décembre 2009, une enseignante d’anglais d’un collège marseillais a déposé une plainte, suite à des insultes écrites, proférées par des élèves, qui avaient créé un groupe de discussion sur Facebook réclamant son départ. Le monde à l’envers !

__________________________

Extraits deLa délinquance des mineurs : Relever le défi, Bourin Editeur (19 janvier 2012)

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !