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Mike Pence, le vice-président choisi par Trump, est trop anti-gay, même pour les républicains
©REUTERS/Carlo Allegri

THE DAILY BEAST - MAISON BLANCHE 2016 - Qui est Mike Pence ?

Le gouverneur de l'Indiana, un traditionaliste, partagera donc le ticket républicain avec un play-boy auto-proclamé et deux fois divorcé...Sauf qu'il a légalisé la discrimination envers les LGBT par une loi si extrême que même les autres Etats républicains n'en veulent pas.

THE DAILY BEAST/ JAY MICHAELSON

En choisissant Mike Pence comme co-listier pour l'élection présidentielle américaine, Donald Trump flatte l'aile évangéliste des républicains. Mais si on se souvient du désastreux tour de chauffe du gouverneur de l'Indiana face aux courants républicains pro-business et modérés, l'an dernier, à propos des droits des gays, Trump pourrait juste avoir perdu l'élection.

A première vue, le choix de Pence est absolument logique. La plupart des leaders évangélistes ont fait ami-ami avec un Trump deux fois divorcé, courreur, propriétaire de casinos, qui écorche les noms de la Bible et ouvertement non religieux. Mais des voix chrétiennes conservatrices et influentes ont protesté. Comme par exemple Russell Moore, le président de la Commisson d'éthique et de liberté religieuse de la Convention des églises baptistes du Sud —en aucun cas un libéral ni un modéré— qui a publié une lettre ouverte incendiaire dans le New York Times. Trump, naturellement, a riposté sur Twitter, traitant Moore de ''représentant épouvantable des évangélistes”. Et une enquête d'opinion conduite en mai a révélé que 67% des électeurs évangélistes ont une opinion défavorable de Trump (Hillary Clinton a pour sa part 81 % d'opinions défavorables.) Sachant que les évangélistes ont constitué 48 % des électeurs républicains durant la primaire, le chiffre est inquiétant. Après tout, trois courants majeurs constituent la base électorale des républicains : les conservateurs  dits 'fiscaux', pro-business, modérés socialement, ou agnostiques (parmi eux, Romney, Jeb Bush, et d'autres que l'on appelle les RINOS, 'Republicans in name only', les républicains qui n'ont de républicain que le nom). Les populistes de droite/membres du Tea Party/racistes. Et la droite évangéliste.

Contrairement à Newt Gingrich et Chris Christie, Pence est un "culture warrior", un traditionaliste, depuis le début de sa carrière. Comme Samantha Allen le rappelait récemment ici dans le Daily Beast, c'est un politique si farouchement anti-avortement qu'il a même eu droit à une riposte avec son hashtag personnel sur Twitter, lancé par les femmes :  #periodsforpence (les règles pour Pence). Pence milite depuis des années pour des lois parmi les plus restrictives du pays contre l'avortement  et il a voté pour la suppression des subventions à l'organisme de planning familial Planned Parenthood, des années avant que se soit à la mode. 

Ces initiatives ont rendu Pence cher au coeur de la droite évangéliste, et lui ont acquis le soutien de deux courants électoraux républicains sur trois, pour Trump. Et dans l'ensemble, le troisième n'a pas pipé mot quand il a été question des droits de la reproduction. Les chambres de commerce n'ont peut-être pas le zèle anti-avortement du mouvement anti-avortement Family Research Council, mais elles restent plus que disposées à participer à des coalitions à leurs côtés. Interdire l'avortement n'est pas mauvais pour le business, après tout.

Mais la question des LGTB est une toute autre histoire. Quand Pence s'est dressé contre la communauté des LGBT l'an dernier en défendant la loi dite “Religious Freedom Restoration Act” (RFRA),  ou Restauration de la liberté religieuse,  il a permis aux commerces de chasser les clients gay, aux entreprises de refuser une couverture-santé aux LGBT (et aux femmes). De façon plus globale, en faisant un cadeau à la frange anti-gay de la droite évangéliste (on pouvait voir leurs lobbyistes derrière lui tandis qu'il signait la loi), il a provoqué la révolte des entrepreneurs. Non par altruisme, mais par capitalisme. Le tollé soulevé par la loi RFRA de l'Indiana a fait perdre à l'Etat l'organisation de 12 congrès importants, soit un manque-à-gagner estimé à 60 millions de dollars, et un nombre inconnu d'entreprises ont choisi de partir ailleurs. L'Indiana, dont le surnom est le 'Hoosier State' (le Hoosier est l'habitant de l'Indiana, ndr) a été rebaptisé 'Hater State', ou "Etat de celui qui haït". Une étude a chiffré le cout économique de la loi RFRA de Pence à 250 millions de dollars.

Et en effet, tout comme l'opinion publique américaine a radicalement évolué sur le sujet du mariage entre personnes du même sexe, l'évolution de l'Amérique des entreprises sur l'égalité en droits des LGBT a été encore plus remarquable : 89% des entreprises de la liste Fortune 500 interdisent la discrimination basée sur l'orientation sexuelle, alors qu'elle est explicitement autorisée dans l'Indiana. (Dans un autre Etat, la Caroline du Nord, il est même interdit aux communes de prendre des mesures anti-discrimination). Quand les élus de l'Arizona ont voté une loi similaire à celle de l'Indiana, le gouverneur conservateur de l'Etat, Jan Brewer, y a opposé son véto, sous la pression d'organisations comme la National Football League, la NFL, qui a menacé de ne plus organiser le Super Bowl dans l'Arizona.

Bon, la NFL n'est certainement pas une campagne pour les droits de l'Homme. Comme la plupart des fédérations américaines, elle penche vers les républicains, - et même vers les pro-Trump, si les choix de l'ancien coach Mike Ditka sont un indice. Mais les républicains pro-business savent lire les chiffres : cette discrimination sur le lieu de travail coûte à l'économie américaine 64 milliards de dollars par an, et ils savent aussi que 42 % des gays (et 90% des transgenres) disent en avoir été victimes. C'est aussi une simple question de bon sens : si vous tentez d'attirer les employés les plus qualifiés, dire à 5 à 10% d'entre eux qu'ils peuvent subir une discrimination n'est pas une super stratégie de recrutement.

Et pourtant, quand les mêmes intérêts économiques qui ont persuadé Jan Brewer d'opposer son véto à la loi RFRA en Arizona, ont voulu obliger Pence à défaire celle de l'Indiana, il s'en est tiré en proposant un simple amendement d'une phrase qui ne protégeait nullement les LGBT.

Des calibres tels que la NCAA, la fédération sportive qui organise les tournois sportifs des universités, et qui ont proféré les mêmes menaces que la NFL pour l'organisation du Super Bowl, mais pour l'organisation de ses prestigieuses finales de basket, les 'Final Four'. Pence a vu dans leur jeu  - et, sous la couverture de cet amendement d'une phrase, la NCAAa cédé. Mais pas la base des républicains pro-business. Les chambres de commerce se sont opposées à la loi RFRA, parfois avec succès, parfois non, au Texas, en Georgie, en Caroline du Nord, et dans tout le pays. Le language de la “liberté religieuse ” est apprécié par les électeurs de la droite évangéliste, qui se croient sincèrement attaqués par l'Amérique laïque. Mais on sait maintenant que  ''liberté religieuse'' est un nom de code pour autoriser la discrimination contre les gays, les femmes et d'autres. Comme nous l'avons vu de façon spectaculaire au Texas, elle a dressé deux courants républicains l'un contre l'autre : les pro-business modérés et les conservateurs de la 'culture-war' ou guerre culturelle. Le Texas, d'ailleurs, n'est plus le cliché de l'Etat des cowboys, celui de Rick Perry et Ted Cruz. Sa communauté d'affaires aimerait se debarrasser de cette image.  Quand des conservateurs ont proposé  plus de 20 lois anti-LGBT durant la dernière session législative, les républicains pro-business ont fait bloc contre.

En d'autres mots, le choix de Trump pourrait lui exploser dans les mains. Si Mike Pence n'était qu'un militant anti-avortement, ce serait une chose. Mais Trump a choisi la tête d'affiche de la “liberté religieuse" et de la discrimination anti-gay. C'est précisément là que les républicains pro-business avait tracé la ligne rouge. Ajoutez au choix de Pence une “plateforme la plus anti-LGBT de l'histoire du parti” (selon les mots du courageux mais impuissant groupe de républicains, les 'Log Cabin'), les multiples remarques sexistes de Trump sur les femmes, et ses positions extrêmes sur le protectionnisme, très anti-business, et il est facile de voir qu'un ticket Trump-Pence plaira à peu de républicains pro-business. Peu importe ce que les gays pensent de Pence : ils ne vont de toute façon pas voter pour Trump. Mais ce que les républicains modérés et les démocrates pensent compte. Et si on s'en réfère aux événements de l'année écoulée, ils ne pensent rien de bon de la religion comme prétexte à la discrimination. Sur ce point, Pence est un loser. 

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