Alain Madelin : "Les propositions de François Hollande sont à la fois microscopiques et contradictoires avec l’objectif recherché"<!-- --> | Atlantico.fr
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Alain Madelin : "Les réponses économiques - de l’UMP comme du Parti socialiste - ne sont pas à la hauteur de l’enjeu."
Alain Madelin : "Les réponses économiques - de l’UMP comme du Parti socialiste - ne sont pas à la hauteur de l’enjeu."
©Reuters

Etatisme

François Hollande a livré ce jeudi ses 60 propositions pour la France. Pour l'ancien ministre de l'Economie celles-ci "relèvent du bric-à-brac classique des interventions étatiques connues".

Alain Madelin

Alain Madelin

Alain Madelin a été député, Ministre de l'Economie et des Finances et président du Parti Républicain, devenu Démocratie Libérale, avant d'intégrer l'UMP.

Il est l'auteur de Faut-il supprimer la carte scolaire ? (avec Gérard Aschieri, Magnard, 2009).

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Atlantico : François Hollande a présenté ce matin le programme économique qu’il mettrait en place s’il était élu à la présidence de la République au mois de mai. Qu'en pensez-vous ?

Alain Madelin : Les réponses économiques - de l’UMP comme du Parti socialiste - ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Il est vrai que les questions de croissance, de compétitivité et d’assainissement des finances sont au cœur de la campagne présidentielle. Ce qui est une bonne chose car cela nous change de la campagne de 2007 pendant la durée de laquelle je n’avais cessé de pester contre le fait que ces questions de croissance et de compétitivité avaient été occultées par tout le monde. En revanche, même si l’on aborde les bons thèmes, les propositions déclinées relèvent du bric-à-brac classique des interventions étatiques connues.

Le constat est donc le bon mais les propositions ne sont pas à la hauteur de vos attentes ?

Nous ne devons pas aborder ces questions par la lorgnette d’une cotisation chômage ou par l’idée d’un livret d’épargne industriel (qui, au passage, existe déjà avec les ex Codevi - Livret de développement durable - me paraissent remplir le même objectif). Il est nécessaire de l’aborder par des grands axes. Nicolas Sarkozy, François Hollande et François Bayrou sont candidats au poste de président de la République, pas à celui de ministre du Travail.

En simplifiant, il y a un axe Sarkozy qui met aujourd’hui l’accent sur la compétitivité par la réduction du coût du travail et un axe Hollande qui met (à mes yeux, à raison) l’accent sur la compétitivité par l’investissement.

Une fois que l’on a dit cela, il faut quand même noter que les propositions de François Hollande sont à la fois microscopiques et contradictoires avec l’objectif recherché.

A quelle proposition pensez-vous en particulier ?

François Hollande veut prendre 8 milliards sur les grandes entreprises et en rendre 5 pour une politique industrielle tournée vers les PME. Au regard des sommes qui sont investies chaque année dans la compétitivité des entreprises c’est une goutte d’eau dans l’océan. Penser un seul instant que l’on puisse modifier quoi que ce soit en prélevant 8 milliards sur les entreprises et en les transférant sur les PME est une énorme illusion.

Si nous voulons relocaliser l’activité industrielle en France il faut robot-relocaliser (quand les robots de service permettent la relocalisation de l'emploi industrielle). Pour cela, il faut investir massivement.

François Hollande propose de taxer les revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu. Je trouve cela profondément inepte. Expliquons-nous, par le capital il faut comprendre l'épargne, c'est à dire l'argent épargné par les ménages après paiement de l’impôt sur le revenu.

Cette épargne est d'ailleurs soumise à d’autres impôts... Dans ces conditions, pourquoi alors lui demander de repayer in fine un impôt qui serait égal à l’impôt sur le travail ? Ce n’est plus la double peine mais la triple, voire la quadruple peine…

Pour résumer, entre compétitivité par la réduction du coût du travail ou par l’investissement, François Hollande a fait le bon choix. Mais les mesures avancées sont, pour la plupart d’entre elles, des mesures minuscules dont on se moque royalement. Et même, concernant celle sur la taxation identique du capital et du travail, cela annule tous les effets de cette politique de relance de la compétitivité par l’investissement.

Je pense même que c’est de nature à faire fuir les capitaux. Ce sont les capitaux, via les employés, qui font la compétitivité d’un pays et qui font les « bons salaires ».

Où vous situez-vous alors dans cette campagne ?

Dans cette campagne, je ne suis pas engagé en faveur d’un tel ou d’un tel. Je combats la compétitivité par la course au bas salaire et je suis un fervent adversaire de la TVA  sociale. Mais je combats également les mesures extrêmement préjudiciables à l’investissement quoi sont annoncées par François Hollande.

Ce qui est frappant, c’est que la classe politique, à ce jour, n’est pas capable d’articuler un langage moderne sur ce qu’est la création de richesse et d’emploi dans un monde moderne ouvert, où la source principale de la richesse se déplace de plus en plus vers la connaissance.

Nous devons nous consacrer sur l’investissement financier et sur la réorientation des activités de l’Etat vers l’entreprise. En d’autres termes, le recentrage de l’Etat sur ses vrais métiers. Toute une série des activités de l’Etat devrait soit être confiée au privé soit concédée ou déléguée. Il faut réformer par des politiques libérales. Cela ouvrirait, par la concurrence, des fenêtres pour l’innovation.

Il faut aussi assainir le système financier qui permettrait le financement de l’investissement. A l’heure actuelle, il reste encore plus intéressant de placer son argent sans risques dans des obligations d’Etat que d’investir à risques dans des entreprises.

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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