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Complexes et angoissants : comment reconnaître les signes avant-coureurs de la bipolarité
©Reuters

Bonnes feuilles

"Aimer un bipolaire - j'en suis une - n'est pas à la portée de n'importe qui ! C'est qu'il faut apprécier les climats extrêmes, les saisons du Grand Nord, la spéléologie et le parachute ascensionnel. Bref, n'avoir peur de rien, être prêt à tout", affirme Catherine, nous laissant entrevoir la souffrance, et le bonheur aussi, qu'il peut y avoir à aimer un maniaco-dépressif. "Si, à la lecture de ce texte, l'entourage et les patients se sentent davantage soutenus, compris, encouragés, cet ouvrage aura alors satisfait à sa mission première". Extraits du livre "Vivre avec un maniaco-dépressif" de Christian Gay, aux éditions Fayard (1/2).

Christian Gay

Christian Gay

Le Dr Christian Gay est psychiatre. Cofondateur de France-Dépression, il est également l'auteur de plusieurs ouvrages.

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Tous les témoignages concordent : la période précédant la pose d’un diagnostic de trouble bipolaire est pénible et angoissante. Le comportement de la personne change, sans qu’on sache pourquoi. Les informations glanées sur les sites Internet n’apportent pas de réponses claires et adaptées au cas toujours unique et singulier que vivent les familles. S’agit-il d’une crise d’adolescence, d’un moral en dents de scie ou d’un trouble bipolaire? Ce trouble est-il grave ou bénin ? Seul un entretien avec un spécialiste, que l’on peut solliciter en cas de doute ou d’inquiétude, et en-dehors de la présence de la personne présentant les symptômes, peut permettre de faire un premier point.

Une fois la maladie décelée et nommée, le patient et son entourage sont mieux préparés à y faire face. Si certains peuvent bénéficier d’un diagnostic assez précoce, il n’en va pas de même dans la majorité des cas. Des études récentes effectuées par des cliniciens et des associations de patients font apparaître qu’il s’écoule en moyenne huit années avant que le diagnostic ne soit posé, années durant lesquelles interviennent quatre à cinq médecins différents.

Il y a une raison à cela : le diagnostic du trouble bipolaire est particulièrement délicat à poser, car il s’agit d’un trouble très hétérogène dont les symptômes clefs ne sont pas identifiés immédiatement. Seule l’évolution permettra d’évoquer le diagnostic. Les modes d’entrée dans la maladie sont multiples et ne sont pas reconnus immédiatement comme les manifestations d’un trouble bipolaire.

UNE CASSURE DANS SA VIE, UN CHANGEMENT DE CARACTERE

Lorsqu’on lui pose la question : "Qu’est-ce qui doit ou devrait nous alarmer ?", la réponse qui vient à l’esprit du psychiatre est qu’il faut toujours s’inquiéter d’un changement inhabituel de comportement. "Lui qui était si attentif devient tout d’un coup indifférent, préoccupé par sa personne" ; "Elle d’un naturel enjoué, toujours de bonne humeur se montre taciturne, triste, renfermée" ; "Lui d’habitude si calme et bienveillant s’est mué en un être irritable et intolérant", "Elle, tellement sérieuse, économe et raisonnable, désormais panier percé et risque-tout"... Les changements de facette sont multiples, concernent toutes les dimensions de l’existence, et affectent aussi bien les hommes que les femmes.

L’histoire de Marianne est exemplaire à cet égard.

Marianne est une femme enjouée, dynamique,généreuse. C’est son tempérament de base. Elle se consacre à sa famille et a tout de la mère de famille modèle. Très attachée aux "valeurs morales", elle a donné à ses quatre enfants une éducation stricte où la religion avait une place importante. C’est au cours d’une soirée que son comportement attire l’attention.

Depuis quelques jours, elle se montre plus active, plus sociable, mais nul ne s’inquiète de cette dépense d’énergie inaccoutumée, mise sur le compte de son dynamisme habituel. Sa tenue vestimentaire aurait pu constituer un premier signe d’alarme ; une longue robe rouge, fendue sur le côté et un décolleté suffisamment plongeant pour découvrir l’ensemble de sa poitrine. Marianne se sent très à l’aise avec tout le monde, tient son rôle de maîtresse de maison à merveille jusqu’au moment où elle s’en prend à des invités, les critiquant ouvertement : "Vous les culs-bénis, quand est-ce que vous allez retirer vos œillères, la vie est ailleurs, vous devriez baiser un peu plus !" Son mari, persuadé qu’elle a abusé d’alcool, tente de calmer le jeu et lui enjoint d’aller se reposer. Cette attitude directive met le feu aux poudres :"Puisque tu le prends comme cela, lui jette-t-elle, tu vas voir ce que tu vas voir". Marianne se précipite sur la chaîne hi-fi, repère un morceau plus entraînant, augmente le son, monte sur la table après avoir retiré la nappe et se lance dans un strip-tease exécuté dans les règles de l’art, mettant à profit ses vingt ans de cours de danse.

On imagine sans peine les suites de cette soirée, le conflit entre le couple, la honte du mari, les critiques acerbes des invités. Par chance, un cousin psychiatre posa rapidement le diagnostic, ce qui permit d’éviter l’implosion de la famille. Marianne fut hospitalisée le lendemain de cette soirée et retrouva son état antérieur quelque temps plus tard.

Que serait probablement devenu ce couple sans l’intervention du médecin ? Marianne aurait-elle quitté son mari, se serait-elle embarquée dans une histoire d’amour avec le premier venu, aurait-elle dilapidé ses économies et celles du ménage, se serait-elle envolée vers un pays lointain, laissant des enfants déstabilisés et un mari abattu par le chagrin pour elle-même réapparaître, quelques temps plus tard, terrassée par la dépression ? Ce que l’on sait pour sûr, c’est que ce type de scénario est plausible chez les bipolaires non encore diagnostiqués.

Extrait de Vivre avec un maniaco-dépressif de Christian Gay, publié aux Editions Fayard. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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