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Pierre Sarkozy : "Papa, je fais du rap"
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Yo !

"La vie de famille" relate les savoureuses aventures d'une famille un peu à part. L'auteur et narrateur Jean-François Derec avertit :" Toute ressemblance avec des personnages existants dans le quartier de l’Élysée ne serait que pure coïncidence". Extraits (1/2).

Jean-François  Derec

Jean-François Derec

Jean-François Derec, comédien, humoriste, chroniqueur de radio et de télévision, est l'auteur de plusieurs récits et romans. Son ouvrage Le jour où j'ai appris que j'étais juif (Denoël, 2007) fut également un one-man-show à succès.

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Il est verdâtre quand il pénètre dans le bureau des Ambassadeurs. Ça s'enquille mal.

– Qu’est-ce que tu fais là ? Tu n’es pas à la fac ? demande Nico, surpris mais content

– Non, j’avais un break, je voulais t’embrasser…

– Tu as raison, on ne se voit pas assez ! Il l’attrape par l’épaule et le serre contre lui : « Vous me manquez tous ! » Déstabilisé par cette bouffée de tendresse imprévue, Pierre se lance néanmoins. Hélas sans conviction :

– Tiens, au fait, papa, j’ai un truc très important à te dire…Aïe. Pourquoi a-t-il rajouté « très important » ? Aussi sec, Nico se raidit :

– Ah non! Tu veux te lancer dans la politique, toi aussi ? Ne me dis pas que tu vas te présenter contre ton frère !

– Non, tu sais bien que la politique ne m’intéresse pas. Je me suis lancé dans la vie active. Bonne approche. « Très bien ! répond Nico, apparemment enchanté. Au moins Marianne ne pourra plus te traiter de fils à papa ! Dans quel secteur ? »Pierre s’éclaircit la voix et bredouille :

– Heu… Dans la production… de rap…

– Excellent ! Quand certains patrons voyous délocalisent, le fils du Président donne l’exemple et produit des outils français ! Quel symbole ! Je suis fier de toi ! Catastrophe. Il a compris râpes à bois. L’huissier qui entre et annonce « Madame le ministre d’État, ministre de l’Intérieur » annonce également la fin de notre lamentable tentative.

– On se revoit plus tard ! Mais vas-y ! Tiens bon! Lance Nico par-dessus son épaule en accueillant Michèle Alliot-Marie. C’est foutu. On s’en va. Pierre est désespéré. Carla le rassure : « On trouvera un autre moment. Et essaie de lâcher prise, ça t’aidera.

– Mais vite ! Dis-je. Tel que je le connais, il va clamer partout que tu te lances dans l’outillage à main. »Ça ne rate pas. Le lendemain, au restaurant de l’Assemblée, ça trottine menu derrière moi. Je me retourne. Xavier Bertrand me hèle, essoufflé : « Vous êtes au courant ? Le fils du Président a décidé de produire des outils en France !Quel fabuleux exemple pour la jeunesse !

– Et surtout quel beau symbole pour la France qui se lève tôt ! » renchérit Nadine Morano, qui arrive sur ces entre faites. Balkany, qui ne veut jamais être en reste, traverse la salle, fondant sur nous : « Il sera aussi grand dans l’industrie que son père en politique ! Ce sera le Steve Jobs de l’outillage ! » assène la voix de stentor. Séguéla s’y met aussi. Pendant un tennis avec Clavier, Barbelivien et Jacques Attali (qui ne veut plus jouer, son maître d’hôtel n’étant pas là pour lui ramasser les balles),il nous annonce, avec cet enthousiasme proverbial qui le caractérise, qu’il a trouvé un slogan pour Pierre : « “Outillage de qualité ? Non aux chinoiseries, oui au Sarkozy !”

[…]C’est trop lourd à porter. Des idées folles percutent son esprit torturé. Organiser une visite bidon dans une usine dont il soudoierait le vrai propriétaire. Fuir à l’étranger. Mourir. Il ne répond plus au téléphone. Sa boîte vocale est saturée de messages. Estrosi : « Mon chef de cabinet m’informe que tu ne le rappelles pas. Que se passe-t-il ? ça urge. » Nico : « Estrosi me dit qu’il n’arrive pas à savoir où se trouve ton usine ! J’attends des explications. »

– Il faut crever l’abcès, affirme Carla devant un thé vert chez Isazu, le salon de thé japonais du moment (8 € la lampée).Elle a raison. Tant pis pour la casse. Avec l’aide de quelques vrais fidèles dont Jack Lang, Barbelivien, Enrico Macias, Hortefeux, je décide de prendre Nico entre quatrez’yeux, juste après sa séance de relaxation avec son coach. Ramolli du périnée, il sera mieux à même de percevoir le message filial. Avec moult circonvolutions, circonlocutions, périphrases, euphémismes et apocopes, nous parvenons à lui faire comprendre que Pierre parlait, non d’outillage, mais de musique. Sa réaction se décompose en trois phases.

Phase 1 : l’incrédulité. Il se met à rire : « Excellent ! Elle est où, la caméra ? »

Phase 2 : l’accès maniaco-dépressif : « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu ? Pourquoi mes enfants se retournent contre moi, toujours ? » Le voilà qui se met à cavaler dans les cuisines de l’Élysée à la recherche d’un four pour se mettre la tête dedans. « Laisse, c’est un micro-ondes », dit Macias à Lang qui essaie de l’en extirper en le tirant par le bas du pantalon.

Phase 3 : l’abattement. Il se laisse tomber sur une chaise Paulin (4 500 € pièce, édition limitée) : « Pourquoi moi ? Pourquoi il ne m’a rien dit ? »Il a quand même la présence d’esprit de remarquer : « Qu’est-ce qu’on est mal assis sur ces merdes ! C’est à cause de Mitterrand. Pour aider les créateurs de gauche ! Mon cul, oui ! Je ne peux même pas les faire enlever, on va crier au caprice à la Pompadour! »Carla le recadre :

– C’est un peu ta faute, Pierre ne peut jamais te parler

– Moi, on peut jamais me parler ? Carla, tu ne peux jamais me parler ? Et là, vous ne me parlez pas ? Et Poutine ne me parle pas ? J’ai dialogué ce matin avec lui pendant une heure au téléphone et, croyez-moi, il n’est pas facile ! Carla lui explique la légère différence qu’il y a entre dialoguer avec Poutine et parler à ses enfants.

– Je ne les ai pas assez aimés, c’est ça… C’est à cause de la politique, cette salope qui m’a bouffé ma vie ! Je démissionne !

– Ne ramène pas toujours tout à ta personne, le sermonne Carla. Pierre n’agit pas pour ou contre toi. Il veut juste s’exprimer, c’est sa voie, ne le brime pas, laisse-le se libérer…

– Je vais être ridiculisé à l’international.

– Ça ne peut pas être pire ! Laissé-je échapper.

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Extraits de La vie de familleEditions du Moment (19 janvier 2012)

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