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Incompréhension, solitude, souffrance : la difficile quête des surdoués pour établir un lien avec les autres
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Bonnes feuilles

Depuis des années, Monique de Kermadec est à l'écoute de la solitude et de l'extrême difficulté à s'intégrer des adultes surdoués. Elle explore ici la souffrance particulière de ces personnalités à part et ses conséquences sur la famille, la profession, ou l'amour. Et propose d'y remédier par un travail de reconnaissance de la souffrance, par l'acceptation de son abandon, par le travail de résilience. Extrait de "L'adulte surdoué à la conquête du bonheur" (1/2) de Monique de Kermadec, aux éditions Albin Michel.

Monique de Kermadec

Monique de Kermadec

Monique de Kermadec

Psychologue clinicienne et psychanaliste, spécialiste de la précocité et la réussite chez l'enfant et l'adulte. Elle est l'auteur de Le petit surdoué de six mois à six ans et de Pour que mon enfant réussisse parus chez Albin Michel.

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De quoi, dans leur grande majorité, les adultes en surefficience intellectuelle se plaignent- ils ? Tout d’abord, d’un vif sentiment d’incompréhension, et d’incompréhension réciproque. Ils le ressentent dans toutes les sphères de leur vie, en famille, au travail et en société. Ils décrivent une grande difficulté à s’intégrer dans cette société, à s’adapter aux clés et aux modèles qu’elle leur pose comme idéaux, en même temps qu’ils se sentent incompris, mal jugés, voire rejetés par leur entourage. Mais s’agit- il simplement d’un sentiment d’incompréhension ?

En vérité, ce qui les fait souffrir, et qui ressort chez tous les patients qui ont fréquenté mon cabinet quand ils analysent les arcanes de leur douleur, depuis les âpres récriminations familiales à la mise au ban dans leur entreprise, c’est leur difficulté à établir un lien avec les autres. Cette difficulté est d’autant plus insurmontable que les modèles de réussite et les conseils de cliniciens qui conviennent au plus grand nombre ne peuvent pas aider leur personnalité paradoxale. Bien au contraire : s’ils les suivent, ces prescriptions creusent l’abîme entre eux et le monde, puisqu’elles proposent une conformité aux modèles normaux auxquels ils échappent. Dès lors, dans sa tentative de s’y conformer, l’adulte à haut potentiel ne peut que rencontrer l’échec et, de cet échec, tirer un sentiment accru de souffrance.

Cette souffrance est due à ce sentiment de solitude et à la conviction d’être définitivement un étranger dans son monde. Dès lors, elle aboutit presque toujours à ce que l’adulte à haut potentiel adopte un réfl exe identitaire : il se réfugie dans sa souffrance pour s’en faire une armure qui, pense-t- il, le protégera contre les agressions du monde.

Il devient un intégriste du constat de Maurice Blanchot : « Oui, penser c’est obligatoirement souffrir. » De là, il franchit le dernier pas qui l’amène à croire qu’on est surdoué parce qu’on souffre.

Il faut dès lors que le clinicien apprenne au surdoué à abandonner sa souffrance comme on abandonne une demeure, à la déposer comme on rend les armes, et à se reconsidérer non pas comme un as, mais comme un individu singulier capable de renouer avec le monde, aussi compliqué soit- il, des liens qui sont essentiels à l’équilibre de tous, individu normal ou à haut potentiel intellectuel.

La solitude

"Plus j’avance vers moi, plus je me sens seul" Françoise Dolto

La première démarche à entreprendre est d’essayer de repérer sa part de responsabilité dans cette solitude indubitable que la très grande majorité des surdoués se plaignent de ressentir souvent depuis le plus jeune âge. Comment ne l’éprouveraient- ils pas, dotés comme ils le sont d’une hypersensibilité au monde qui les entoure, et d’une hypermotivité qui ne cède jamais ? Qui, plus qu’eux, peut la ressentir au sens même du mot, tel qu’il est défi ni : « Un état ponctuel ou durable d’un individu qui n’est engagé dans aucun rapport avec autrui » ? Effrayante, ressourçante, angoissante, ou attendue, cette solitude est chez eux souvent vécue dans sa double composante : désirée et recherchée, elle peut être la patrie du penseur, de l’artiste et du créateur, un temps de repos pour laisser l’hyperactivité de ses pensées s’atténuer et une réflexion construite, non plus anarchique, prendre place ; mais elle peut être découler d’un isolement affectif, de l’absence douloureuse de la voix de l’autre. Est- ce un truisme de répéter qu’on peut se sentir très seul au milieu d’une multitude ? Qu’on peut aussi se sentir seul parce qu’on ne parvient pas à se trouver soi- même, tout en restant prisonnier de cette mystérieuse tautologie : « Je suis seul à être moi » ?

Françoise Dolto a souligné que ce sentiment de solitude était commun à toute l’espèce humaine, et que cette solitude était le propre de chaque personne lorsqu’elle traverse une période de mutation. Et il est vrai qu’unique sur cette terre, conjonction d’une infinité miraculeuse de hasards, l’être humain ne peut déléguer à aucun autre l’expérience de sa propre vie – sauf à se décerveler en se bourrant de drogues et de psychotropes. Pour autant, chez les surdoués, cette solitude reste singulière, et il faut se garder de se contenter d’en poser le constat sans chercher à en déterminer l’origine. Cette solitude si souvent éprouvée par eux, d’où vient elle et comment peut- elle accélérer les effets aggravants ?

Extrait de L'adulte surdoué à la conquête du bonheur de Monique de Kermadec, publié aux éditions Albin Michel. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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