Le plan d'action des "riches" pour le rester et éviter de finir lynchés<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le plan d'action des "riches" pour le rester et éviter de finir lynchés
©

L'esquive

La spéculation sur les places boursières n'étant plus vraiment en odeur de sainteté, les riches ont dû trouver un moyen plus "acceptable" de s'enrichir, et de préserver ainsi leur position sociale.

Anthony  Mahé

Anthony Mahé

Anthony Mahé est sociologue à l'ObSoCo (Observatoire Société et Consommation). Il est spécialisé dans les domaines de l'imaginaire de la consommation et de la sociologie du quotidien. Il a réalisé une thèse de doctorat sur le recours à l’endettement bancaire à l'Université Paris-Descartes.

Voir la bio »

Jusqu’alors à l’abri des tumultes de la crise financière qui bat son plein, la classe la plus aisée de la société ne pouvait qu’attendre patiemment que l’orage passe. Mais devant la persistance de l’émiettement d’un système spéculatif qui a fait la fortune de bon nombre, c’est tout un pilier de la société qui s’effondre avec.

On ne le dit pas assez mais le propre d’une société, de la société en général, est la recherche d’un ordre. Quand un désordre menace, c’est le propre de l’homme et de son évolution, l’homme s’adapte, il mue, il déplace les bornes. Il en est de même pour les structures de la société : ceux qui ont le pouvoir et les privilèges cherchent à les conserver, fut-ce en changeant radicalement de masque !

Il est intéressant de voir comment s’opère un glissement, des micros-changements, qui pourraient bien faire en sorte de maintenir voire accentuer la disparité, entre riches et pauvres. Plus qu’une menace d’explosion sociale évoquée par certains, il y a surtout un mouvement de déplacement orchestré, en grande partie inconsciemment, par ceux qui détiennent les clés du capital et soutenu tacitement par le « peuple » et les politiques. Il y a trois étapes clés pour comprendre ce mouvement qui est en jeu.

Etape 1 : La doléance

Les politiques sont un peu comme des shamanes des sociétés tribales. Prenons le cas du candidat à la présidentielle François Hollande. Il explique lors de son  premier grand meeting que son véritable ennemi est « sans nom et sans visage » et qu’il s’agit de la finance ! Il nomme malgré tout  la menace et cristallise ainsi le « bouc émissaire » qu’il va falloir expier de la cité. On en a bien profité, maintenant il faut s’en débarrasser, au moins symboliquement, c’est-à-dire dénoncer. Tout le monde reprend en chœur.


Etape 2 : La rédemption

Pendant ce temps-là, ceux qui craignent d’être assimilés aux responsables de ce système financier et de son « fiasco » commencent à faire vœux de rédemption (puisqu’il n’y a ni nom ni visage la manœuvre prend tout son sens). Par exemple, les plus grandes fortunes de France ont proposé une contribution supplémentaire et souscrivent à un impôt exceptionnel après s’être joyeusement gavé des bienfaits du système financier et de sa politique fiscale. On parle d’investir dans l’économie « réelle » et on valorise le patriotisme économique. Mais comme cela ne semble pas sauver l’économie, cela ne suffit pas.

Etape 3 : Rétablir la similitude

Les placements et l’enrichissement sur les places boursières étant pointés du doigt, et de plus en plus « risqués » par ailleurs, l’un et l’autre n’étant pas nécessairement dissociés, on observe quelques modifications des comportements des épargnants. Entendons par là les épargnants qui ont un peu plus qu’un simple livret A, soit un nombre un peu plus grand que les grandes fortunes évoquées ci-dessus. Que se passe-t-il ? Des migrations de capitaux venant des placements boursiers vers des produits dits « liquides » comme des comptes à terme ou des livrets d’épargnes rémunérées. Des migrations vers les investissements immobiliers également, la pierre sacrée et quelques valeurs refuges comme l’or. Comportement raisonnable en temps de crise bien sûr. Oui, la raison est ce qui reste à l’homme pour expier ses fautes. On tend vers tout ce qui est contraire à la spéculation boursière pour aller vers le concret, le matériel, le tangible… le commun. On tend vers le sens commun, ce qui est partagé par tous, légitime donc. Ainsi, ceux qui détiennent le plus de capitaux les « diluent » d’une certaine manière dans ce qui fait sens commun et qui semble échapper à la critique sociale: le livret d’épargne, la pierre, l’or.

Voici synthétisé ce que le philosophe Georges bataille appelle « la part maudite » de l’économie, idée selon laquelle il faut se débarrasser à un moment donné d’un excédent accumulé pour rétablir l’ordre. Ce surplus qui suinte aujourd’hui dans notre système peut être symbolisé par la spéculation boursière.

Ainsi l’ensemble du corps social, riches, moins riches et pauvres, par la voie des politiques et des médias, est en train de s’auto-administrer un répulsif pour dégurgiter ce surplus. Ce répulsif est composé de Morale (notre société enracinée dans son judéo-christianisme n’en manque pas), de Raison et de Vertu. Beau combat que voilà engagé mais, à la fin, les riches le seront encore. Seule la forme de leur richesse aura changé… 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !