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Le démenti cinglant du New York Times au rêve de Manuel Valls de voir Paris remplacer Londres dans le cœur des financiers
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Atlantico Business

En proclamant que Paris pourrait tirer parti du Brexit, Manuel Valls (comme Anne Hidalgo avant) prend ses désirs pour des réalités. C’est impossible, et le "New-York Times" le démontre.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Au lendemain du Brexit, les milieux financiers internationaux, qui pour la plupart ont élu domicile à Londres, sont entrés en réflexion pour essayer d'imaginer l’avenir.

Aucun d’entre eux n’a pensé que c’était la fin du monde annoncé, mais tous ont vu qu’à partir du moment où Londres quittait l’Union européenne, il faudrait s'attendre à trois conséquences. Sans préjuger des négociations qui pourront avoir lieu.

1ère conséquence, l'Union européenne réimposera des droits de douane ou quelques taxes qui seront appliqués aux produits et services vendus en Europe et provenance de la Grande-Bretagne. Alors ça, peut être un retour aux taxes d’entrée, ça peut être, aussi une contribution forfaitaire au fonctionnement de l’Union qui sera demander aux Anglais en échange du droit de commercer et de circuler, un peu comme la Suisse qui paie son droit de faire des affaires avec l'Union sans en faire partie. 

2ème conséquence, l'éventualité de la suppression du passeport économique et financier qui permettait à toute entreprise installée à Londres d’accéder au grand marché de façon automatique. 

3ème conséquence, des restrictions ou règlementations qui peuvent freiner ou renchérir la circulation des hommes entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne.

Actuellement, la page est complètement blanche, mais il est évident que ce Brexit va rendre plus difficile le travail et le commerce à partir de la Grande-Bretagne. Résultats : les investisseurs, les entreprises, les banques regardent déjà s’ils n’auront pas intérêt à venir camper au cœur de l'Union plutôt que de rester dans les îles britanniques.

C'est Anne Hidalgo qui a, la première, encouragé des campagnes de communication pour dire que Paris et l’Ile-de-France étaient en mesure de les accueillir. Manuel Valls vient ce week end d’expliquer que Paris pouvait tirer parti du Brexit, à condition de faire quelques réformes (quel chantier !) et a déroulé le tapis rouge aux investisseurs installés à Londres.

Les journées économiques d’Aix-en-Provence ont été, par ailleurs, en partie occupées par l'analyse des effets de ce Brexit sur la future localisation des centres économiques et financiers.

Les grands patrons français, qui sont déjà installés à Londres, sont très prudents. Les hommes politiques, comme Emmanuel Macron, n’hésitent pas à en faire un objectif de campagne. 

Les choses ne seront pas aussi faciles que les hommes politiques (Manuel Valls, Emmanuel Macron en tête) l‘annoncent. La localisation dépend d’un très grand nombre de facteurs.

Le New York Times, très attentif à ce qui se passe en Europe et particulièrement à Londres, a publié une enquête auprès des grands investisseurs mondiaux pour savoir quelles seraient les grandes capitales européennes capables de devenir le centre du pouvoir économique et financer. Le résultat n’est surprenant qu à moitié, et devrait conduire les Français à plus d’humilité et de pragmatisme. Faire moins de promesses et plus d’efforts.  

D’abord, le New York Times a défini les critères sur lesquels les investisseurs faisaient leur choix. Par ordre de priorité :

1er critère, il faut parler l’anglais. L’usage général de la langue anglaise est absolument indispensable à tous les niveaux de la société. Dans la vie professionnelle comme personnelle et quotidienne; 

2ème critère, il faut un écosystème règlementaire mais porteur dans le domaine fiscal, social et administratif, et surtout pas dissuasif; 

3ème critère, des équipements collectifs de transport, des potentiels immobiliers de bureau et des offres de service de santé et d’éducation;

4ème critère, une offre culturelle, et touristique de qualité.

La lecture de ces critères classés par les investisseurs qui, peut être, feront leurs valises pour déménager, prouve bien que la France ne sera pas le premier choix et pour cause : on ne parle pas assez l’anglais, et le poids de la fiscalité et des règlements est trop lourd.  Pour le reste, la France a une offre formidable, des musées, des spectacles et des restaurants, mais c’est aussi le pays où les jours de grèves dans le service public sont les plus nombreux au monde et où les hôpitaux sont le plus encombrés même si la qualité des soins est remarquable.

Le classement des villes "capitales de l’Europe du futur", établi par les investisseurs de New York et de Londres est le suivant :

1er choix : Amsterdam aux Pays-Bas. On y parle l’anglais et l’allemand, les voies de communication sont excellentes et l’environnement fiscal et règlementaire ne prend pas la tête. Amsterdam est déjà, aujourd’hui, la ville choisie par beaucoup d'entreprises françaises pour y établir leur direction générale;

2ème choix : Francfort, en Allemagne, qui abrite déjà la Banque centrale européenne et qui pourrait accueillir sans problème les activités de compensation en euro qui sont actuellement effectuées à Londres. Mais pas seulement, Francfort est déjà une capitale financière européenne. Sa population est de 2,5 millions habitants;

3èmee choix : Vienne, parce que 65% des Autrichiens parlent l'anglais et le climat des affaires, les équipements aéroportuaires sont très performants. L'art de vivre y est trèsriche et reconnu dans le monde entier;

4ème choix : Dublin, la capitale irlandaise qui est, pour le monde anglo-saxon la mieux placée pour remplacer Londres. L'anglais est partagé par tout le monde et l’Irlande a les clefs de l’Union européenne dans un environnement fiscal encore plus clément que celui proposé par la Grande-Bretagne;

5ème choix : Paris, enfin qui n’arrive donc qu’en 5ème position, principalement parce que moins de 20% des Français parlent anglais. Plus grave, une majorité des Français qui ne parlent pas l’anglais estiment qu’ils n'ont pas à le faire et pensent même que c’est au reste du monde à s’adapter. Pour les investisseurs, et même les jeunes diplômés, cette idée que le monde doit s’adapter à la France et non l’inverse est d’une arrogance stupide qui explique en partie le retard français dans la course à la modernité;

6ème choix : Luxembourg. Les habitants du Luxembourg sont les plus riches d'Europe, ils parlent deux langues et le Grand-Duché est déjà au carrefour de l'Europe, une capitale financière bien équipée. Le Luxembourg a tout ce qu'il faut, les banques, les avions, les trains et les autoroutes pour relier l’ensemble des villes européennes. Seul ombre au tableau, il faut aimer la pluie, mais à Londres aussi;

7ème choix : Varsovie. Un droit du travail très flexible, un niveau d’éducation très élevé, une porte ouverte sur les pays de l’Est et une culture très riche. Il faudra à l'avenir regarder le développement des grandes capitales de l‘ancienne Europe de l’Est;

8ème choix : Milan. L‘Italie attire toujours les étrangers mais plus pour les vacances, le football ou la qualité des fashion weeks que pour les affaires. En plus, on y parle encore moins bien l’anglais qu’à Paris;

9ème choix : Barcelone, les jeunes traders plébiscitent Barcelone mais pour les week-ends ou les vacances. Le souvenir des jours passés à l’auberge espagnole dans le cadre d’Erasmus, sans doute !

10ème choix : Lisbonne, là encore pour le climat, les équipements de golf et les facilités fiscales, les équipements collectifs mais tout cela c’est plus pour les retraités, les rentiers que pour les jeunes actifs de l’industrie financière ou digitale; 

11ème choix, Lyon, Genève, Berlin, Edimbourg, Bruxelles, Madrid, toutes ces villes ressortent, mais pas forcément pour y accueillir des centres d’affaires internationaux comme ceux de Londres. 

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