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Fiscalité : quand les riches sont la cible, les classes moyennes trinquent
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Pavé de bonnes intentions

Faire payer les riches, pourquoi pas ? Mais l'examen de ces quarante dernières années montre que cette option est loin d'être le chemin le plus court pour lutter contre les inégalités.

Daniel Tourre

Daniel Tourre

Daniel Tourre est notamment l'auteur de Pulp Libéralisme, la tradition libérale pour les débutants (Tulys, 2012) et porte-parole du "Collectif Antigone". 

 

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Atlantico : Nicolas Sarkozy a affirmé qu'en souhaitant instaurer la progressivité de la CSG, la suppression du quotient familial, et l'instauration d'une nouvelle tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu, François Hollande s'est livré à "une attaque absolument sans précédent contre les classes moyennes". Qu'en est-il ?

Daniel Tourre : C’est la mise en scène d’une dispute. La réalité, c’est que les classes moyennes sont déjà attaquées depuis plusieurs mandats par un système fiscal et social d’une complexité stupéfiante. Plus personne ne comprend rien au mille feuille de prélèvements obligatoires truffé de paliers, d’exceptions ou d’assiettes variables.

Cette ultra-complexité ne sert qu’à quatre groupes :

  • La classe politique et syndicale qui conserve son pouvoir en arrosant ou en asséchant différents groupes organisés en échange de leurs votes ;
  • Les experts fiscalistes qui connaissent les chemins de sortie de ce labyrinthe instable et changeant tous les ans ;
  • Les plus riches qui peuvent s’offrir les services de ces experts ;
  • Et parmi les pauvres, les inactifs qui disposent du temps pour optimiser les aides qu’ils reçoivent.


Les classes moyennes actives, qui n’ont ni les moyens de s’offrir des experts fiscalistes, ni le temps ou le profil pour optimiser les aides, sont les grands perdants de cette "usine à gaz". Il ne s’agit pas d’un problème conjoncturel, mais structurel : la complexité ne peut profiter qu’à ceux qui la génèrent et qu’à ceux qui ont l’argent, le temps ou l’expertise pour naviguer au travers de maquis. Ceux qui sont occupés à gagner leur vie modestement et élever leur famille ne peuvent que subir.

D’autant que ceux qui font des lois peuvent être influencés par des groupes de pression plus documentés qu’eux pour se tailler une niche fiscale sur mesure. Là encore, ce ne sont pas les classes moyennes qui sortent gagnantes de ce jeu d’ombre.

Concernant plus particulièrement la réforme proposée par François Hollande sur l'ajout d'une nouvelle tranche d'imposition sur le revenu (taxation à 45% pour une personne touchant 150 000 euros par an). S'agit-il d'une mesure potentiellement efficace ?

Depuis sa création en 1914, l’impôt sur le revenu a déjà été porté à des niveaux beaucoup plus élevés. En 1982 par exemple, le taux maximal était de 65%, tout en étant déjà à l’époque atténué par diverses niches fiscales.

Aujourd’hui, il est encore très élevé tout en étant par ailleurs truffé de 400 niches fiscales, mises en place par la classe politique elle-même pour s’attirer les faveurs d’une clientèle électorale, ou pour prétendre piloter l’économie. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas spécifique à la France. Aux USA, Warren Buffet, l’un des hommes les plus riches de ce pays, racontait qu’il payait environ 17,4% d’impôt sur ses revenus, tandis que les salariés qui travaillaient pour lui l’étaient entre 33 et 41%...

Il semble d’ailleurs que ceux qui nous gouvernement - à droite comme à gauche, et sans être riches - n’hésitent pas à utiliser largement eux-mêmes ces mécanismes. La SCI (société civile immobilière), « la Sapinière » de François Hollande et Ségolène Royal, comme le statut d’exploitant agricole de François Bayrou, avait donné lieu à de savoureux articles dans Le Canard Enchaîné.

Les niches fiscales que François Hollande se propose de limiter (assurances vies, emploi à domicile) sont des réductions qui ne sont pas spécifiques aux « riches ». Il s’agit finalement d’augmenter encore davantage la pression fiscale sur les classes moyennes, en expliquant que les plus aisés verront aussi leurs impôts augmenter. Belle consolation !

Au lieu de faire joujou avec des nouveaux tuyaux dans l’usine à gaz, la classe politique, gauche comme droite, ferait de mieux de simplifier ce qui existe, diminuer massivement les dépenses de l’Etat et baisser les impôts de tout le monde.

De toute manière mathématiquement, l’effet de l’augmentation des impots sera marginal dans la diminution de la dette. La fortune cumulée des 500 personnes les plus riches de France (194 milliards d’euro) est 8 ou 9 fois inférieure à la dette de notre pays. Le grand sujet devrait être la diminution des dépenses et il n’est pratiquement pas abordé.

Que nous enseignent les expériences passées en matière d'ajout de nouvelles tranches d'imposition sur le revenu ?

En 1974, Giscard d’Estaing avait passé le nombre de tranches de 8 à 13, les années suivantes ont surtout été marquée par l’augmentation des mesures dérogatoires, donc de la complexité.

La réalité est que les très riches passent de toute manière au travers des mailles du filet avec la complexité fiscale ou juridique. Le fait est que s’il n’y avait pas ces trous, ils partiraient de toute manière ailleurs devant le niveau confiscatoire des prélèvements.

Les classes moyennes supérieures qui ne peuvent pas s’échapper, adoptent un comportement moins productif qui finalement diminue le rendement de l’impôt à moyen terme. Pourquoi travailler plus pour payer beaucoup beaucoup plus ? Certains étatistes font tourner des moulinettes fictives pour démontrer le contraire, mais leurs modèles sont plus proches du scientisme que de la réalité.

Il est à noter que cette forte progressivité de façade de l’impôt est de toute manière le signe d’un État qui n’est plus là pour assurer seulement les fonctions régaliennes, des services publics ou aider ceux qui mettent un genou à terre. C’est le signe d’une prétention de la classe politique de modeler la société selon ses plans à coup de tronçonneuse fiscale approximative.

La justice sociale apparaît ainsi sous son vrai visage. Se sentir généreux un jour tous les cinq ans en votant comme il faut, puis passer les cinq années suivantes à maximiser les aides et minimiser sa contribution.

Vous critiquez les dirigeants de droite comme de gauche, mais que préconisez-vous ?

Simplifier et diminuer la pression fiscale générale. Remplacer l’impôt sur le revenu, CSG et CRDS par un impôt unique sur une base unique, la totalité des revenus, sans aucune niche fiscale. En 2007, l'impôt sur le revenu rapportait 57 milliards d’euro, la CSG 78 et  le CRDS 5.

La même année, les revenus des ménages étaient de 1650 milliards (984 en salaires, 125 venant du patrimoine, 291 vient des revenus mixtes et 250 milliards viennent des retraites). (source : Jacques Bourdu et son livre La flat tax)

Même sans diminuer la pression fiscale, avec une flat tax ("impôt à taux unique", en français) d’environ 10 % pour l’intégralité des revenus nous obtenons un rendement équivalent à celui de notre usine à gaz actuelle. On agrège son salaire, les revenus du patrimoine, les retraites de l’année et on paye 10%.

Cela a des multiples avantages. D’abord, c’est un impôt qui est cohérent avec l’égalité devant la loi. Tout le monde contribue d’une manière proportionnelle à ses revenus à l’effort collectif. Fini les calculs à deux bandes lors des élections pour augmenter les impôts du voisin et diminuer les siens. Les riches payent autant que les classes moyennes ou les pauvres. C’est clair, net et sans bavure.

Sa simplicité diminue les risques de fraude et donc la bureaucratie pour la détecter. Elle économise un temps et des ressources considérables pour tenter de diminuer ses impôts coté particuliers comme pour les prélever coté administration. Fini l’avantage comparatif des riches ou des inactifs sur les classes moyennes actives.

Sa stabilité permet à chacun d’être rassuré son avenir et sera une incitation au développement économique. Et on retire à la classe politique un outil supplémentaire pour faire semblant de piloter l’économie avec un doigt dans le vent et des arrières pensées électorales.

Les seuls vrais perdants de ce système ne seraient pas les pauvres qui payent de toute déjà plein pot, mais ceux qui profitent de la complexité (classe politique, syndicats, les experts et les ingénieurs sociaux ). La flat tax casserait aussi les rêves socialistes d’un Etat bâtisseur de société par le haut grâce à la science fiscale. Tant pis. Ou plutôt tant mieux.

Cette flat tax existe déjà dans de nombreux pays en particulier à l’Est (Estonie 24%, Russie 13%, Serbie 14%, Ukraine 13% ) et ils s’en portent très bien.

Cette réforme n’est évidement qu’un pan des réformes à mettre en œuvre pour que les classes moyennes retrouvent les fruits de leur travail et un plus grand contrôle de leur vie. La reprise en contrôle direct par les classes moyennes du financement de leurs soins et de leur retraite permettra aussi de les soulager.

A ma connaissance, en France, le Parti libéral démocrate est le seul à proposer une mesure de ce type dans son programme

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