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Une hausse des taux qui anéantirait l’économie française : l’épée de Damoclès dont François Hollande était l’un des rares à avoir très justement compris qu’elle était virtuelle
©Reuters

Effet ciseau

Alors que les taux sont historiquement bas, certaines personnalités politiques s'inquiètent des conséquences désastreuses que pourrait avoir une remontée des taux. De son côté, Français Hollande continue de miser sur la faible probabilité qu'un tel scénario se produise pour emprunter et accroître la dette de l'Etat.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Alors que les taux sont historiquement bas, certaines personnalités politiques s'inquiètent des conséquences désastreuses que pourrait avoir une remontée des taux. Quelles seraient les conséquences d'un tel scénario ?

Philippe Crevel : Il faut distinguer deux cas : d'une part, une remontée progressive et longue des taux d'intérêt, d'autre part, une remontée brutale et incontrôlée des taux d'intérêt. 

Dans le premier cas (remontée lente et progressive des taux), cela signifierait le retour modéré de l'inflation, la poursuite de la reprise économique avec en parallèle l'assainissement des finances publiques au niveau de la zone euro et au niveau mondial. C'est le meilleur scenario possible, et dans ce cas-là, il est assez logique et sain que les taux remontent car les fondamentaux de l'économie seraient en amélioration. 

Dans le deuxième cas (une remontée brutale et incontrôlée des taux), plusieurs causes pourraient provoquer une telle augmentation. Une crise financière avec une rupture de la confiance qui est aujourd'hui déjà assez frêle, une crise économique (du fait par exemple d'un Brexit généralisé), une crise sociale, politique dans un Etat membre important (France, Italie, Espagne). 

La première conséquence serait un choc obligataire, mettant à mal les banques et les compagnies d'assurance. Deuxième conséquence : l'éclatement de la bulle immobilière avec une chute des valeurs immobilières importante. Troisième conséquence : un ralentissement économique par arrêt des investissements du fait de l'augmentation du prix de l'endettement. Quatrièmement, une augmentation des taux mettrait en difficulté un certain nombre d'Etats : en France, 4 à 6 milliards d'euros seraient dépensés pour payer les intérêts en plus. Les états du sud de l'Europe et même la France pourraient donc être mis en difficulté en cas de relèvement brutal des taux d'intérêt. 

Quelle est la probabilité qu'une telle remontée ait lieu ? A l'inverse de ses opposants, peut on estimer que François Hollande profite d'une situation qu'il semble estimer être à faible risque ?  

La probabilité que les taux remontent est pour le moment faible, du fait de l'intervention de la BCE qui d'une part, a des taux négatifs, et d'autre part, pèse de tout son poids sur les taux longs en rachetant de la dette publique voire des obligations d'entreprise. Par ailleurs, il y a une coordination entre les banques centrales (FED, BCE, Banque d'Angleterre) pour assurer en permanence la liquidité des places financières et du marché interbancaire. 

La survenue d'une crise obligataire et d'une remontée des taux ne peut intervenir qu'en cas de choc non anticipé, non prévisible. Or, dans un système extrêmement volatile se caractérisant par une très forte aversion aux risques, un tel scénario n'est pas néanmoins complètement impossible.

François Hollande profite de la situation des taux faibles qui favorise l'emprunt pour l'Etat et pour l'ensemble des acteurs économiques. Mais il devrait en profiter pour réduire l'endettement et assainir l'état tout en faisant des réformes. On peut se demander s'il ne gaspille pas les bienfaits des taux bas et s'il n'a pas une politique de la facilité, ce qui placerait la France en difficultés en cas de retournement des taux. 

Cette faiblesse des taux sera-t-elle durable ? Se dirige-t-on vers une situation rappelant celle du Japon qui, malgré un niveau d'endettement supérieur à 200% du PIB, continue d'emprunter à des taux proches de 0% ? 

Les taux bas doivent durer au minimum jusqu'en mars 2017. La BCE a indiqué qu'elle maintiendrait ces taux bas autant de temps qu'il le faudrait. Compte tenu de la situation budgétaire d'un certain nombre d'états européens, il est probable que les taux d'intérêt réels soient maintenus bas jusqu'en 2018-2019.

Le parallèle avec le Japon est évident. Comment sort-on de cette situation ? Les taux bas sont à la fois un remède et le symptôme du mal : c'est un remède pour faire de la croissance et pour réduire le coût de l'endettement ; c'est le symptôme d'un dysfonctionnement de l'économie. C'est aussi une drogue car il est très difficile de vivre sans, le Japon en est la preuve, les Etats-Unis eux-mêmes avec 2% de croissance et le plein emploi n'arrivent pas à respecter le calendrier de relèvement des taux qui avait été fixé par la FED en 2015. 

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