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L'Europe des maillons faibles ou des bons voisins ? Comment le Brexit pourrait permettre à l’UE d’inventer un modèle d’association avec des pays proches mais difficilement intégrables
©Reuters

Adhésion virtuelle

Pour Sinan Ülgen, chercheur au sein du think tank Canergie, le Brexit, même s'il risque de provoquer une période de turbulences, peut également constituer une opportunité de redéfinir les relations et les cadres d'association entre l'Union européenne et des pays comme la Turquie.

Sinan  Ülgen

Sinan Ülgen

Sinan Ülgen est chercheur visiteur à Carnegie Europe à Bruxelles.

Ses recherches se concentrent sur les conséquences de la politique étrangère de la Turquie pour l’Europe et les Etats-Unis ainsi que la politique nucléaire et les aspects économiques et sécuritaires des relations transatlantiques.

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Atlantico : Dans quelle mesure le Brexit, même s'il risque de provoquer une période de turbulences, peut-il également constituer une opportunité de redéfinir les relations entre l'Union européenne et ses voisins proches ?

Sinan Ülgen : Au début, effectivement, on s'attend plutôt à une période turbulente, dans la mesure où l'essor que pourrait donner le Brexit aux partis populistes et d'extrême droite risquerait d'endommager les relations entre l'Union européenne et ses voisins proches, notamment la Turquie car les relations UE-Turquie continuent à reposer sur une perspective d'adhésion.

Si les Britanniques érigent un accord sui generis c’est-à-dire un accord qui d'un côté assure l'intégration continue du Royaume-Uni au sein du marché unique et de l'autre définit une relation institutionnelle permettant au Royaume-Uni d'avoir un levier d'influence ou une participation aux décisions communautaires qui affectent le marché unique, cela pourrait devenir un modèle de relation pour les voisins proches et en particulier la Turquie. 

Ce qui importe, c'est de savoir si la négociation entre l'UE et le Royaume-Uni pourrait aboutir à un modèle de relation qui soit différent de celui qui s'applique à l'espace économique européen. En effet, pour des pays comme le Royaume-Uni ou la Turquie – c’est-à-dire de grands pays qui ont une histoire impériale  la relation qui s'applique aux pays de l'espace économique européen – c’est-à-dire un accès au marché unique en contrepartie d'une application de politiques décidées de et par Bruxelles  n'est pas un modèle politiquement envisageable et acceptable.

Il s'agit de savoir si le Brexit offre l'occasion de concevoir un modèle hybride d'adhésion virtuelle. Si tel est le cas, il s'agirait d'une avancée par rapport aux modèles existants de relation entre l'UE et ses voisins proches. 

Si l'objectif des partisans du Brexit (maintien de l'accès au marché unique sans avoir à appliquer le droit européen) semble impossible à atteindre, comment pourrait se décliner l'association entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ? Une association de type gagnant-gagnant est-elle envisageable et à quelles conditions ?

Ceci reste à définir, pour le moment trois modèles existent. Premièrement, le modèle de l'espace économique européen qui crée une situation de dépendance totale de ces pays vis-à-vis de l'Union européenne : les membres de l'espace économique européen doivent nécessairement s'accommoder des politiques décidées à Bruxelles sans avoir la possibilité d'influencer les décisions.

Deuxièmement, le modèle suisse : des négociations sur base d'accords bilatéraux. Mais l'Union a clairement signifié qu'un tel modèle n'était pas transposable à d'autres pays, d'autant plus que ce modèle est assujetti à des défis politiques et on s'interroge sur la volonté suisse de poursuivre dans cette voie. 

Troisièmement, des accords de libre-échange avec certains pays tiers et une logique d'intégration moins approfondie que celle de l'espace économique européen sans accès garanti au marché unique.

Il s'agit donc de voir si un modèle hybride qui s'approche de l'adhésion sans être une adhésion formelle peut être imaginé : il combinerait un volet marché unique et un volet coopération institutionnelle qui rééquilibrerait  la relation de pouvoir, l'influence et la prise de décision à Bruxelles. C'est véritablement ce volet institutionnel qu'il faudra approfondir. 

Un tel modèle ne serait pas seulement gagnant-gagnant pour le Royaume-Uni et l'UE, mais pourrait devenir un modèle d'association pour d'autres voisins proches de l'UE. 

En définissant de nouvelles options d'engagement et de nouveaux cadres d'association, l'Union ne risque-t-elle pas néanmoins d'encourager les renationalisations et de se transformer progressivement en "Europe à la carte" ?   

Pas nécessairement car il va demeurer un grand écart politique entre le fait d'être membre à part entière de l'UE et associé à l'UE.

Les membres continueront à être enrichis et dotés d'instruments politiques beaucoup plus approfondis et d'une plus grande capacité d'influence à Bruxelles que ce que permettrait le statut d'associé. 

Le modèle hybride ou le modèle d'associé virtuel devra aller au-delà de la forme que prend la relation politique actuelle entre l'UE et les pays de l'espace économique européen. En effet, en ce qui concerne la capacité d'influence des décisions à Bruxelles, ce modèle sera entre une adhésion à part entière et le modèle qui s'applique à l'espace économique européen.  

Propos recueillis par Emilia Capitaine

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