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Hier Black-Blanc-Beur … Aujourd'hui Black-Black-Blanc (un tout petit peu) … Et Bleu-Blanc-Rouge c'est pour quand ?
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Souvenirs, souvenirs

L'équipe de France a toujours été haute en couleurs. Il y en a deux qui manquent toujours à l'appel.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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La nostalgie est un sentiment couronné de lauriers par les poètes. Elle porte en elle le charme discret des regrets amoureux et permet de verser des larmes pures sur le temps qui passe. La nostalgie c'est beau. Mais on peut, Jacques Brel a tout dit sur la question, être beau et con à la fois. Euro oblige, on entend ici et là les sanglots longs des violons qui jouent, avec la délicatesse d'une grosse caisse, une partition intitulée "1998".

Ah la belle année que cela fut ! Ah quelle merveilleuse soirée que celle du 12 juillet de cette année quand une foule émue et chaleureuse prit place sur les Champs Elysées pour acclamer les nôtres ! Un journaliste inspiré (ou un communiquant doué) trouva alors la formule magique : Black-Blanc-Beur. Oui, tous ensemble fraternellement unis ! Un remake de la nuit du 4 aout 1789 avec l'abolition des privilèges et son cortège d'émotions. L'événement fut, en guise d'eau bénite, aspergé d'un mélange sirupeux et sucré : lait de coco, sirop d'orgeat et des zestes de loukoums.

Il nous fut annoncé qu'avec cette intégration réussie, la nation était réconciliée. Que le métissage était le carburant nécessaire d'une force collective retrouvée. L'exemple venait d'ailleurs d'en haut, avec le mélange réussi d'un Jospin et d'un Chirac.

Un journal envoya une jeune et jolie journaliste couvrir l'événement. Comme on savait que les banlieues allaient affluer à Paris, elle fut choisie à dessin : serre-tête sur ses cheveux blonds, jupe droite. Elle revint les yeux illuminés par la tendresse. Non, on ne lui avait pas mis la main aux fesses. Non, elle n'avait pas été traitée de pute… Et elle écrivait un article orgasmique, avec cette phrase historique : "ils sont si mignons !" Puis, quand les lampions de la fête furent éteints, les choses rentrèrent dans l'ordre du réel. Chacun retourna chez soi. Qui dans le 93. Qui dans les beaux quartiers. Qui sur la Rive gauche. Il ne s'était rien, strictement rien passé le 12 juillet 1998.

Mais les mythes, tout comme les impostures, ont la vie dure. Pendant des années, et jusqu'à aujourd'hui, les médias usèrent et abusèrent du Black-Blanc-Beur (BBB). Parce que le vivre ensemble était devenu un catéchisme obligé. On s'aperçut quand même que les Black-Blanc-Beur jouaient parfois dans l'équipe du RFC (Racaille Football Club). Que le rap leur était plus familier que la Marseillaise. Qu'il leur arrivait de marquer de nombreux buts chez une charmante personne du nom de Zahia… En dépit de tout cela, le BBB, même défraichi, continua à trotter sur son petit bonhomme de chemin.

La preuve la plus éclatante en fut donnée par Karim Benzema, beur revendiqué, qui exhala sa souffrance de ne pas avoir été sélectionné en équipe de France. Le malheureux - on finirait par l'oublier - était quand même empêtré dans une sordide affaire de chantage qui lui avait valu d'être mis en examen. Il décida sagement de se battre sur un autre terrain : c'est la pression des "racistes" affirma-t-il, qui l'avait écarté du 11 de France. C'était parce qu'il était arabe. Jamel Debbouze et plusieurs autres volèrent à son secours. La France est en crise, mais la connerie se porte très bien.

Un rapide coup d'œil sur l'image officielle de l'équipe de France montre que le beur y est devenu très rare. En revanche (en échange ?) le Noir occupe presque tout l'espace de la photo. C'est raciste de promouvoir ainsi des footballeurs noirs ? Pas vraiment. Mais c'est raciste d'écarter un homme qui a des comptes à rendre à la justice, alors que son étiquette beur aurait dû lui valoir l'immunité ?

Et puisque le Black-Blanc-Beur est encore en odeur de sainteté, et que donc on peut parler des couleurs, on s'autorisera à penser que notre équipe est aujourd'hui Black-Black-avec-un brin-de-Blanc. Bizarrement, aucun joueur blanc n'a crié au racisme parce qu'il n'avait pas été sélectionné. Nous ce qu'on espère, c'est une équipe Bleu Blanc Rouge, quelle que soit la sa composition ethnique.

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