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De Colombey à la célébration de l’appel du 18 juin, la semaine d’imposture gaulliste de François Hollande
©Reuters

Gaullisme de contrefaçon

Alors que François Hollande s'est rendu cette semaine à Colombey-les-deux-Eglises pour se recueillir sur la tombe du général De Gaulle, la pratique du pouvoir du président français, notamment en matière de défense, est bien loin de rappeler celle du général.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Le général de Gaulle, qui était d'un naturel pessimiste, dit une fois qu'il n'excluait pas que son œuvre soit un jour entièrement détruite.

C'est presque fait aujourd'hui avec François Hollande. Non que ses prédécesseurs n'aient pas contribué à la déconstruction progressive de l'œuvre du général, mais parce que l'actuel président a, sur le sujet essentiel de la défense, parachevé cette déconstruction à un degré jamais vu jusque-là.

Certes, la constitution de la Cinquième République est toujours là, mais altérée de tant de manières qu'on la reconnaît à peine. Pas seulement du fait des réformes (dont le quinquennat instauré par Chirac ou la réforme Sarkozy du 21 juillet 2008), mais aussi par la jurisprudence de plus en plus étendue du Conseil constitutionnel et la reconnaissance de la supériorité absolue du droit européen, dont, pour sa part, l'Allemagne s'est bien gardée.

Mais la déconstruction est allée plus loin encore sur le plan militaire et diplomatique.

Le fondement de la pensée du général de Gaulle était l'indépendance nationale, non point comme une fin en soi ni pour que le pays vive dans l'isolement, mais pour qu'il soit au contraire libre de déployer dans le monde entier une diplomatie de la main tendue sans la contrainte d'alliances exclusives.

Il y a à cette attitude une raison essentielle : le but du "prince" (au sens large : tout gouvernant) étant la poursuite du bien de la communauté dont il a la charge, toute autre considération que la poursuite de ce bien, que ce soit la pression d'une puissance étrangère, une idéologie poursuivant des objectifs propres (construire le socialisme, construire un ordre mondial supranational ou tout autre utopie) ne saurait que fausser cette recherche, et donc se traduire par un désavantage pour le pays considéré.

Si les attributs cardinaux de la souveraineté sont la monnaie, le droit, la défense et la diplomatie, il faut bien dire que les pronostics du général de Gaulle selon lequel leur abandon aboutirait à un préjudice pour l'intérêt national sont largement réalisés.

Le coût de la dépendance

Sans revenir sur le principe de l'euro, on notera que sa gestion par une banque centrale européenne échappant largement à tout contrôle n'est pas, il s'en faut de beaucoup, la solution la plus favorable aux intérêts français. Il n'y a d'ailleurs a priori aucune raison qu'elle le soit.

Mais la question fondamentale est celle de la défense et, par là, de la diplomatie.

En faisant voter selon une procédure accélérée, pratiquement sans débat, la loi du 20 avril 2016 autorisant l'adhésion de la France au protocole sur les quartiers généraux militaires internationaux créés en vertu du traité de l'Atlantique Nord, François Hollande a entériné la mise sous dépendance presque totale de notre défense vis-à-vis de l'Alliance atlantique (on peut supposer que le nucléaire en demeure exclu, mais est-ce sûr ?). Il est allé plus loin encore que Sarkozy qui, tout en revenant dans le dispositif militaire intégré, avait su garder une marge de manoeuvre. Il n'y a pas - est-il nécessaire de le dire ? - de défense européenne, l'expression militaire de la construction européenne étant désormais l'OTAN.

Au même moment, la France se trouve engagée dans une politique de renforcement des forces occidentales aux frontières de la Russie et de soutien actif au gouvernement actuel de l'Ukraine. Cela correspond à une stratégie de tension qui suit peut-être les intérêts de notre allié américain, encore que ce ne soit pas l'avis d'un Donald Trump, mais pas forcément ceux des Européens, singulièrement des Français, alliés historiques des Russes. L' "agenda" ouvertement affiché des néoconservateurs américains, dont l'influence est toujours prédominante, est de creuser un fossé, le plus profond possible, entre l'Union européenne et la Russie. Beaucoup croient qu' au contraire l'intérêt de l'Europe occidentale et singulièrement de la France est de développer des liens avec la Russie. Se jetant les yeux fermés dans le piège, l'Union européenne, et la France avec elle, ont été conduits, sous l'instigation de Washington, à prendre des sanctions qui nuisent gravement à leur économie.

Ainsi, tout risque de se passer exactement comme De Gaulle l'avait prévu dans sa conférence de presse du 21 février 1966 :

"Et voici que des conflits où l'Amérique s'engage (...) risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une extension telle qu'il pourrait en sortir une déflagration générale. Dans ce cas, l'Europe dont la stratégie est dans l'OTAN celle de l'Amérique serait automatiquement impliquée dans la lutte, alors même qu'elle ne l'aurait pas voulu. Il en serait ainsi pour la France si l'imbrication de son territoire, de ses communications, de certaines de ses forces, de plusieurs de ses bases aériennes, de tel ou tel de ses ports dans le système militaire sous commandement américain devait subsister plus longtemps".

De même au Proche-Orient, la France, Sarkozy d'abord, Hollande ensuite, s'est laissée aller, très au-delà de ce qu'exigeait la fidélité à l'OTAN, à suivre une politique néoconservatrice visant à démocratiser de force tous les pays arabes - et de fait à détruire tous les Etats organisés autres que les monarchies les plus rétrogrades. Une politique déshonorante car elle était directement contraire aux intérêts des chrétiens d'Orient, protégés par ces Etats, et que la France avait la mission immémoriale de soutenir, une mission que même les gouvernements les plus anticléricaux de la IIIe République s'honoraient de remplir. Une politique directement contraire à nos intérêts puisque les guerres que nous avons contribué à susciter se sont traduites par l'afflux de réfugiés en Europe et que les mouvements islamistes que nous avons soutenus sont responsables de la vague terroriste qui nous touche au premier chef.

La doctrine de Hollande, si tant est qu'on puisse parler de doctrine, est à l'opposé de celle du général de Gaulle : pour lui, la France n'a plus de rôle propre à jouer. L'avenir est qu'elle s'intègre à l'Union européenne d'un côté et à l'OTAN de l'autre : au diable ses amitiés historiques. Si elle est intervenue au Sahel, malgré les réticences très fortes du président français qui avait juré qu'il ne le ferait pas, c'est moins comme un acteur autonome que comme un sous-traitant de l'Alliance atlantique dans une zone que les Français maîtrisent mieux que d'autres - et d'ailleurs à la suite des désordres que l'intervention de l'OTAN en Libye avait mis sur le continent africain.

Autant la politique d'indépendance du général de Gaulle avait valu de prestige à la France sur tous les continents (même aux Etats-Unis, si l'on considère les égards qu'eut Nixon pour lui) , autant celle de Hollande vaut aujourd'hui à notre pays un mépris universel, les uns le tenant désormais comme quantité négligeable, les autres déplorant qu'il se trouve indigne du rôle qu'ils attendent de lui.

Il ne faut pas s'étonner que les intérêts fondamentaux de la France se trouvent mis à mal du fait d'une telle politique. Le voyage de Hollande à Colombey ressemble, dans un tel contexte, à une imposture dont, en réalité, personne n'est dupe.

Forum sur la politique étrangère de la France - 18 juin 2016

Espace Varenne - 18 rue de Varenne - 75007 Paris

PEUT-ON ENCORE LIBÉRER LA FRANCE ?

Le coût de la dépendance, les moyens de l'indépendance

Avec Roland Hureaux, Hervé Juvin, Richard Labévière, David Mascre, Francis Choisel, Jean-Michel Quatrepoint , Amiral Jean Dufourcq, Alfred Gilder, animé par Eric Branca

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