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63% des sympathisants PS considèrent qu’Arnaud Montebourg incarne bien les valeurs et les idées de la gauche mais seuls 22% des Français croient en sa capacité à sortir le pays de la crise
©Reuters

Info Atlantico

Selon un sondage IFOP pour Atlantico, 45% des Français considèrent qu'Arnaud Montebourg est capable de proposer des solutions nouvelles. Néanmoins, seuls 22% pensent qu'il est capable de sortir le pays de la crise. Ainsi, si on lui attribue certaines novations, l'idée que ses propositions novatrices soient suffisantes ou efficaces pour mettre fin à la crise est très loin d'être reconnue.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Atlantico : Quels sont les principaux enseignements de ce sondage ? 

Jérôme Fourquet : L'enquête que nous avons réalisée sur l'image de Montebourg montre que celui-ci bénéficie d'une image globalement positive. 

Plusieurs points forts ressortent : premièrement, il est vu comme une personnalité qui serait en rupture et qui apporterait un élément de nouveauté dans le paysage politique puisque 44% des Français pensent qu'il est différent des autres personnalités politiques et 45% pensent qu'il est capable de proposer des solutions nouvelles. C'est un élément fort de son image qu'il a déjà commencé à cultiver et sur lequel il peut manifestement s'appuyer. Le deuxième pilier, c'est son ancrage à gauche : 49% des Français considèrent que Montebourg incarne bien les valeurs et les idées de la gauche. Le troisième pilier est sa compétence en matière économique qui est reconnue par 43% des Français. Enfin, on lui reconnait une certaine proximité et empathie vis-à-vis de ses concitoyens : 41% pensent qu'il est à l'écoute des Français, et 39% qu'il est proche de leurs préoccupations. 

En revanche, seulement 36% considèrent qu'il est sincère : on peut effectivement s'interroger sur la sincérité de son parcours et se demander si son retrait de la vie politique puis son retour rapide ne sont pas perçus comme une manœuvre politique et  tactique. On peut néanmoins nuancer cette critique car si on posait la même question sur d'autres personnalités politiques, les scores seraient probablement aussi faibles compte tenu du climat de profonde défiance vis-à-vis de la classe politique. Par ailleurs,  seuls 35% des Français estiment qu'il a de l'autorité, ce qui est problématique car il veut porter une posture un peu gaullienne dans une période marquée par des troubles sociaux et sécuritaires importants, et qu'il veut se positionner en rupture par rapport à François Hollande qui apparait comme étant non détenteur de cette forme d'autorité naturelle. Il s'agit donc d'un élément important à cultiver et Arnaud Montebourg a manifestement encore beaucoup de chemin à parcourir.

Enfin, si une partie des Français lui reconnaissent une compétence en économie et une propension à mettre sur la table des idées nouvelles (ce qui est loin d'être négligeable), il y a toutefois un profond scepticisme sur sa capacité à sortir le pays de la crise (puisque cette attribution ne lui est associée qu'à hauteur de 22%). Encore une fois, on peut nuancer cette faiblesse car il est fort probable que peu de responsables politiques seraient mieux notés là-dessus. C'est néanmoins dommageable car il construit toute une partie de son discours autour de la sortie de crise, affirme être en rupture, revenir avec des idées nouvelles après avoir vécu de l'intérieur le naufrage du quinquennat. Le redressement productif, le made in France, le patriotisme économique… Au travers de ces outils pour sortir le pays de la crise, Arnaud Montebourg montre qu'il a un plan, une stratégie industrielle, économique et politique. Or, aujourd'hui, si on parvient à le créditer de certaines novations, l'idée que ces solutions novatrices soient suffisantes ou efficaces pour nous tirer de la crise est très loin d'être reconnue. 

Dernier aspect : l'évolution dans le temps. Quand on regarde comment les choses ont évolué par rapport à il y a un an en août 2015 (au moment où il reçoit Yanis Varoufakis à Frangy-en-Grèce), on constate que son image s'est plutôt améliorée pendant cette petite et courte traversée du désert politico-médiatique (avec  néanmoins des arrêts dans un certain nombre d'oasis médiatiques puisqu'il nous a habitué à des sorties assez tonitruantes et remarquées à échéance régulière au cours de cette période). On voit que cela a eu un impact plutôt positif puisque tous ses traits d'image sont à la hausse.  Sur la compétence en économie, il progresse de 7 points, de 36 à 43%, ce qui est un point important puisqu'il veut mettre en scène et à profit son statut de dirigeant et salarié d'entreprise privée, qualité que peu de ses semblables peuvent également revendiquer. On a également une progression de 6 points sur l'item "il sait où il va", là aussi, alors qu'il y a un an on se demandait si ses intentions étaient vraiment claires, on se sent aujourd'hui moins perdu sur sa volonté et le projet qui l'anime. Sur la capacité à proposer des solutions nouvelles, on voit également une progression de 5 points. 

Vous avez également comparé les traits d'image d'Arnaud Montebourg et de l'actuel locataire de Bercy, Emmanuel Macron. Dans quelle mesure les deux hommes se différencient-ils ? 

Le climat dans lequel Montebourg évolue est un climat marqué par la défiance et par des recherches d'alternatives à gauche dans l'éventualité d'une nouvelle candidature de Hollande. Il y a eu une grande séquence médiatique autour du remplaçant de Montebourg à Bercy, Emmanuel Macron. Nous avions la possibilité de comparer leurs images respectives sur un certain nombre de caractéristiques, puisque nous avions effectué une enquête à quelques jours d'intervalle sur l'image de Macron. Sur les dimensions les plus personnelles (sympathique et courageux), les deux hommes sont à égalité.

Si Montebourg bénéficie d'une certaine image de renouveau et de capacité à se différencier des autres responsables politiques (c'est ce caractère différent et un peu extérieur au monde politique qu'il a essayé de cultiver en sortant), il est néanmoins surclassé par Macron sur cet aspect. Les deux hommes ont un parcours inverse : Montebourg a une longue carrière politique derrière lui et est récemment sorti de la vie politique, tandis que Macron n'a jamais été élu et vient de rentrer en politique. Au final, celui qui apparait comme étant le plus différent des autres responsables politiques demeure Macron pour 53% des Français, ce qui représente un différentiel de 10 points par rapport à Montebourg. Le différentiel est encore plus accusé sur une dimension centrale, la capacité à sortir le pays de la crise, puisqu'on est presque dans un rapport de 1 à 2 : 22% pour Montebourg, 37% pour Macron.  

En revanche, sur la dimension "proximité aux Français", Montebourg devance Macron de 6 points. La dernière enquête sur Macron montre qu'il a perdu beaucoup de points sur ce terrain ces dernières semaines suite à ses sorties controversées (l'affaire du costard notamment) et à l'affaire de son ISF, deux polémiques qui l'ont éloigné des Français en termes d'image. Néanmoins, Montebourg ne surclasse pas autant Macron sur cet item que ce dernier ne le fait sur le renouveau et la sortie de crise. 

Alors que selon un sondage BVA pour la presse régionale et Orange, Jean-Luc Mélenchon égalerait voire dépasserait François Hollande au premier tour de l'élection présidentielle, et au regard des bons scores de Montebourg auprès des sympathisants de gauche, Montebourg incarnerait-il une alternative à Mélenchon ?

Alors que l'on a une gauche aujourd'hui extrêmement divisée, fracturée (comme on l'a vu ces derniers jours dans la rue, comme on l'a vu lors des élections partielles où les reports entre les différents électorats entre les deux tours sont loin d'être optimums), un élément intéressant ressort : la capacité à incarner les valeurs et les idéaux de la gauche de Montebourg. En effet, il fait un score identique et relativement conséquent dans les trois familles politiques : Front de gauche, PS et Europe Ecologie les Verts. 

On voit également que sur un certain nombre d'éléments où il est assez fort, il y a un jugement convergent des différents électorats de gauche. Sur sa compétence en économie, il fait des scores au-dessus de 50% avec 64% au Front de Gauche où une grande partie des sympathisants doivent encore avoir en tête son discours sur la démondialisation et le made in France. En revanche, sur bon nombre d'items (écoute, sincérité, et capacité à sortir le pays de la crise), c'est d'abord au Front de gauche et au PS qu'il marque des points, plus que chez EELV. 

Au regard des intentions de vote, il n'incarne pour l'instant pas une alternative à Mélenchon mais s'il se lance, son créneau est entre le PS et le Front de gauche, plus que du côté des verts et a fortiori plus que du côté du centre-droit, lui qui se revendique d'une certaine forme de gaullisme. Autant Macron est audible à droite, autant Montebourg l'est beaucoup moins.  

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