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Nuit Debout : dis-moi qui tu hais, je te dirai qui tu es
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La France au bord de la crise de nerfs

“Nous ne voterons plus PS” est le nom de la campagne lancée par François Ruffin, réalisateur de "Merci Patron !" et figure de proue de Nuit Debout. Il invite les "citoyens de gauche" à refuser le vote utile.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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J'avais plutôt de la sympathie pour le mouvement des Nuits debout jusqu'à ce qu'ils expulsent Alain Finkielkraut. 

Un mouvement de jeunes qui résistent au mondialisme déchaîné, qui, inquiets de leur avenir, ne souhaitent pas le démantèlement du Code du travail, pourquoi pas ? 

J'aurais pourtant dû me méfier : même si la gauche n'est pas tendre pour ses adversaires (moins que la droite, souvent naïve ou complexée), l'extrême-gauche est presque toujours haineuse et sectaire. 

Non par méchanceté mais parce qu'elle est plus que d'autres idéologue. L'idéologie a ceci de particulier que, à partir d'une vision ultra-simplifiée du réel, elle divise l'humanité, sans nuances, entre bons et mauvais : dès lors que quelqu'un se trouve identifié de près ou de loin au bord des mauvais, il doit faire l'objet de la haine la plus absolue. Le cercle des bons, c'est peu ou prou ceux qui partagent cette haine. Place de la République, un service d'ordre musclé expulse ceux qui ne n'en sont pas. 

Qu'a-ton reproché à Alain Finkielkraut ? Sûrement pas son souci du peuple qui est authentique, ni sa position sur les auteurs de la loi El Khomri que l'on peut supposer négative. Son refus d'une éducation nationale de plus en plus alignée sur des normes marchandes (méthodes standard, évaluations, etc.), non plus. Ses positions pro-israéliennes, peut-être, mais il n'en a semble-t-il, pas été question lors de son expulsion. Ce qu'on lui a reproché d'abord, c'est d'avoir pris au sérieux "l'identité malheureuse" des Français - et des autres Européens : un soupçon de sentiment national ou à tout le moins de compréhension pour ceux qui en ont encore, suffit pour être suspect.

Sylvain Baron, militant souverainiste bien inoffensif, a été logé à la même enseigne. Etienne Chouard, homme de gauche authentique, lui aussi sincère et soucieux des souffrances du peuple, a compris : il n'a pas tenté de s'approcher : "ils vont me chasser en disant que je suis d’extrême droite".

Qu'un certain nombre d'intellectuels ou d'hommes politiques, précisément ceux que le peuple ne laisse pas indifférents, aient considéré que le fait national ne devait pas être méprisé ou ramené grossièrement à une forme de fascisme, au fameux "populisme", n'entre pas dans leur réflexion sommaire.

Certes ceux qui devraient être leurs vrais adversaires : les Macron, les Valls, les Juppé, tous plus ou moins centristes bon teint et défenseurs de l'Europe, du mondialisme, de la lex americana - et de la loi El Khomri, ne se risqueront pas, eux, dans la galère de la place de la République. Par prudence mais aussi parce que la rencontre avec un mouvement populaire ne les intéresse sans doute pas beaucoup. 

Mais la cible de la Nuit debout n'est pas là : elle est le fascisme, pas le vrai, mais le fantasmé : "Ce qui se passe est une forme subtile de maccarthysme, mais au lieu d’attaquer tout ce qui est suspect de communisme, on attaque tout ce qui est suspect de fascisme ou d’antisémitisme." (Jean Bricmont).

Les contradictions de l'altermondialisme 

Frédéric Lordon, économiste anti-euro et hostile au mondialisme, gourou falot du mouvement va, lui, l’universitaire démocrate, jusqu'à justifier ces exclusions. Il résume à lui seul les contradictions de cette mouvance qui sont celles de l'altermondialisme : ses tenants ne sont pas contre le mondialisme (ce serait être fasciste), ils en veulent seulement un autre. Ils pensent qu'on peut échapper à la tyrannie de la finance internationale et à l'ultralibéralisme par une nouvelle organisation mondiale : a minima, ils prôneront la liberté totale d'aller et de venir des migrants et donc de la main d’œuvre et consentiront à l'abaissement des nations. En tous les cas, ils tiennent pour ennemis ceux qui ne veulent pas de cet abaissement. 

L'important dans ce mouvement est là : ce n'est pas qu'il profère telle ou telle diatribe contre l'Europe des marchands ou la tyrannie de la finance, c'est qu'il soit d'abord et avant tout contre la nation. 

Il est du même côté que le mouvement, bien mystérieux, des Antifas qui s'est fait une spécialité de casser et provoquer des violences à l'encontre des manifestations de droite, généralement pacifiques, comme la Manif pour tous, dont l'objet, quant au fond, n'a pourtant rien à voir avec le fascisme.

Il est du même côté que le mouvement encore plus mystérieux des No Borders qui, venu d'on ne sait où, fondé on ne sait où, fomente à Calais ou ailleurs des manifestations violentes en faveur des "migrants" et surtout contre les populations locales. 

On croit savoir que ce dernier mouvement est soutenu par George Soros qui n'est pas précisément un ennemi de la finance mondiale et par sa Foundation for an Open society qui vise l'abolition des frontières en Europe, et a promu les femens qui, sous prétexte de féminisme, ont multiplié les profanations visant les Églises chrétiennes et, par delà, ce qui reste de la civilisation européenne. 

Aux États-Unis, des think tanks ont mis au point au fil des ans une technique destinée à faire de la subversion de manière plus rationnelle qu'autrefois. Ces techniques ont été rodées dans les révolutions oranges de l'Europe de l'Est et les printemps arabes.

Elles semblent être mises en œuvre dans les Nuits debout, si vite et si efficacement organisées, au moins pour semer le trouble. 

Il ne semble pas en effet que l'objectif du mouvement - et de ceux qui le soutiennent en coulisse - soit vraiment de renverser Hollande. Peut-être veut-on seulement lui donner un avertissement, lui rappeler qu'on le tient, ou alors canaliser le mécontentement de l'immense majorité de la population qui chez nous s'exprime de plus en plus par le vote Front national. Pour éviter cette captation par la droite extrême, jugée sans doute plus menaçante pour le système, il s'agirait d'en faire au contraire une contestation d’extrême gauche comme Podémos ou Syriza, ce dernier semblant aussi être sorti tout armé (et doté de moyens) du front de Jupiter. Le revirement de Tsipras montre combien, dès lors qu'on a affaire à un idéologue antinational et mondialiste, il est facile de le retourner. De manière significative Varoufakis, qui pourtant s'est rallié à l'euro et a donc renié lui aussi le mouvement social dont il est issu a été bien accueilli par les manifestants. 

Les idiots utiles de la finance mondiale 

Pourquoi l'altermondialisme est-il moins dangereux pour l'ordre établi que l'antimondialisme ? Parce qu'il est complètement illusoire : rêver de contenir ou contrôler les forces de la finance internationale par un retour aux Etats-Nations est déjà une entreprise bien difficile, peut-être désespérée. Rêver de contrer l'internationale du capitalisme par l'instauration d'un pouvoir international des travailleurs s'était déjà avéré impossible en 1914 ou 1917 quand les forces dites ouvrières étaient infiniment plus fortes. Aujourd'hui, il ne s'agit que d'une parfaite utopie.

Dès lors que les manifestants sont d'abord antifas et secondairement antimondialistes, ils sont utilisables par les Bill Gates et George Soros qui, sous différents alibis généreux : la préservation de l'environnement pour le premier, l'ouverture totale des frontières ou le féminisme débridé pour le second, veulent d'abord préserver le capitalisme mondial. 

"Misère de la philosophie, philosophie de la misère", disait Marx pour déplorer la pauvreté intellectuelle des socialistes de son époque. Que dirait-il aujourd'hui face à un mouvement comme celui dont nous parlons? Plus que de la colère, c'est peut-être en définitive de la commisération que nous devons éprouver face à ce mouvement de contestation. S'il se trouve privé de vocabulaire et de moyens d'analyse pour exprimer une cause qui, au fond, est juste, l'école des Meirieu et Vallaud-Belkacem, elle aussi voulue par le capitalisme mondial, y est sans doute pour quelque chose. 

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