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Taux d'intérêt au plus bas : et pourtant, nombreux sont encore les Français à ne pas pouvoir accéder à la propriété (voici pourquoi)
©Reuters

Explications

Jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les taux immobiliers ont été aussi bas. Derrière cette chute historique se cache (en partie) la hausse des prix du marché. Plus les prix augmentent, plus les conditions de financement baissent, et inversement.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : A 1,77% en moyenne au mois de mai 2016, les taux immobiliers n'ont jamais été au plus bas depuis la Libération. Alors que le hausse des prix de l'immobilier, en France, a pris naissance à la fin des années 1990, avant l'essoufflement de la fin des années 2000, quelles part de "responsabilité" attribuer aux conditions de financement dans ces mouvements ? A quel point la baisse des taux et l'allongement de la durée de financement ont-ils contribué à la hausse immobilière des vingt dernières années ?

Philippe Crevel : La hausse des prix de l’immobilier à partir de la fin des années 1990 n’est pas directement liée à la baisse des taux d’intérêt qui s’est amplifiée après la grande cise de 2008. De 1996 à 2016, les prix ont plus que doublé. Sur Paris, les prix ont été multiplié par trois. La baisse des taux d’intérêt réels (taux d’intérêt – taux d’inflation) ont compensé en partie cette valorisation de la pierre. En effet, une baisse de 1 point de taux d’intérêt réduit de près de 8 % le coût d’achat d’un bien immobilier qui serait acquis que par emprunt. En revanche, l’allongement de la durée des emprunts joue à l’inverse, en augmentant leur coût.

La désinflation a également profondément modifié le marché. Jusque dans les années 1990, les acheteurs de biens immobiliers pouvaient accepter des taux élevés car, de toute façon, le montant du capital remboursé s’érodait rapidement. Avec des taux d’inflation de plus de 10 %, l’amortissement s’en trouvait facilité. En outre, l’augmentation des salaires facilitait également ce mouvement de hausse.
Avec la crise économique qui touche certaines agglomérations, les prix immobiliers se sont stabilisés en France depuis trois ans. L’indice des prix de l’immobilier est ainsi passé de 108 à 104 de 2013 à 2016 (indice 100 en 2010 – source INSEE).

Quelles sont les autres causes qui expliquent une telle hausse des prix ? De la même façon, l'accélération de la baisse des taux a-t-elle permis au marché immobilier de se préserver d'un crash ?

La grande hausse dans les années 2000 de l’immobilier a été provoquée par un déséquilibre entre l’offre et la demande. La population française continue à augmenter ce qui exige un accroissement continu du nombre de logements. Par ailleurs, la France continue à s’urbaniser. La population se concentre de plus en plus au sen des grandes agglomérations. Les villes de moins de 70 000 habitants se vident au profit des grandes métropoles. Par ailleurs, la multiplication des divorces accentue le besoin en logements. Il faudrait construire 500 000 logements en France or, on a les pires difficultés à franchir la barre des 300 000. Il manquerait de 800 000 à plus d’un million de logements.
Les aides fiscales sont également responsables de la hausse des prix de l’immobilier. Un récent rapport de la Cour des Comptes avait souligné que les professionnels de l’immobilier intégraient dans les prix les gains fiscaux procurés par les dispositifs gouvernementaux.
La baisse des taux a certainement empêché une chute des cours immobiliers après la grande récession de 2008/2009. Elle a maintenu en respiration artificielle le marché. Néanmoins, le durcissement des conditions d’accès au crédit a réduit le nombre des ménages qui peuvent bénéficier de taux historiquement bas. Les primo-accédants éprouvent plus de difficultés pour bénéficier d’un emprunt. Les apports personnels doivent être plus importants. La baisse des taux d’intérêt a conduit à un important flux de renégociation de prêts. Près de 40 % des prêts à l’habitat étaient en 2015 des prêts de renégociation.

Quels sont les risques pour le marché à voir les taux d'intérêts remonter brusquement ? Faut-il s'attendre à une baisse des tarifs, le cas échéant, comme dans le cadre des vases communicants ? A l'inverse, serait-il souhaitable de voir les établissements financiers revoir leurs conditions de financement, dans un sens plus restrictif, afin de préserver le marché immobilier d'un retour de la hausse, comme cela peut être constaté sur le marché britannique ?

Le marché français de l’immobilier n’est pas un marché hypothécaire et les crédits sont à taux fixe. De ce fait, la situation française ne peut pas être comparée à celle de l’Espagne ou des Etats-Unis d’avant 2008. Une forte et brutale hause des taux d’intérêt réels aurait comme conséquence de bloquer le marché. En l’état actuel, une remontée brutale des taux signifierait qu’il y aurait une crise en France. Dans ce cas-là, il est fort probable que l’immobilier soit touché. Néanmoins, il pourrait jouer le rôle de valeur refuge ce qui pourrait atténuer l’impact d’une telle hausse.
La question aujourd’hui n’est pas de restreindre l’accès au crédit mais de peser de manière structurelle sur les prix. L’immobilier est trop cher en France et capte une part importante de la richesse au détriment du financement des entreprises. A cette fin il faudrait relancer la construction de logements dans les grandes agglomérations, voire relancer l’idée de créations de villes nouvelles. Près de 8 millions de personnes seraient confrontées à des problèmes de logement. Depuis trente ans, les pouvoirs publics tentent d’accroître le parc de logements sociaux et de réglementer l’investissement locatif privé. Or cette politique échoue. Elle exclut les classes moyennes des centres villes car elles ne peuvent ni accéder aux logement, ni acquérir des logements hors de prix. Par ailleurs, la multiplication des règles foncières a institué une pénurie de terrains. Du fait de la croissance des prix de l’immobilier, les dépenses de logement des ménages français se sont fortement accrues lors de ces vingt dernières années. Les jeunes actifs peuvent consacrer plus de 30 % de leur budget pour se loger. Il donc important de jouer sur l’offre !

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