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À qui la faute si des centaines de migrants meurent en mer ? La nôtre et en tout cas celle de ceux qui nous gouvernent
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L'Europe terre promise ?

C'est une très lourde et terrible responsabilité qu'ont prise les capitales européennes en leur disant "Venez".

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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L'histoire est d'actualité. Une jeune femme se met en tête d'avoir un enfant qui ressemblerait à Karim Benzema. Ce dernier étant inaccessible, elle s'adresse à un organisme qui propose des étalons masculins sélectionnés. Elle fait part de ses desiderata. Et on lui promet de trouver l'oiseau rare. Le jour dit, à l'heure dite, on sonne à sa porte. Elle ouvre et tombe nez à nez avec un grand blond aux yeux bleus. "Il doit y avoir une erreur", balbutie-t-elle. "Pas du tout", répond le reproducteur. "Laissez-moi faire, vous serez satisfaite". Les choses se font.

Neuf mois plus tard, la jeune femme accouche d'un joli bébé qui ressemble à Karim Benzema. Éperdue de reconnaissance, elle appelle le reproducteur. "Bravo. Mais comment cela a-t-il été possible ?". Le monsieur répond : "Quand je rentre chez moi, à la radio on parle de Karim Benzema, à la télévision on parle de Karim Benzema, les journaux ne parlent que de Karim Benzema. Alors vous comprenez, Karim Benzema j'en ai plein les c… !".

La même histoire peut se raconter avec Black M. Pendant des semaines, on nous a empoisonnés avec les élucubrations et les éructations de deux types un peu connus parce qu'ils gagnent de l'argent, l'un en tapant dans un ballon, l'autre en rappant dans un micro. Ils ont aussi en commun de cracher sur la France. Alors oui, on en a plein les c… Il est peut-être temps de se nettoyer en parlant de millions d'anonymes pour lesquels la France et l'Europe en général demeurent une terre désirée et désirable.

La Méditerranée charrie par centaines leurs cadavres. Des hommes, des femmes et des enfants. Des dizaines de petits Aylan. Mais cette fois-ci pas de photo symbolique pour remuer les tripes et les cœurs des dirigeants et des populations européennes. D'ailleurs, s'il y avait des photos, croit-on qu'elles seraient publiées ? L'implacable loi du "déjà vu, et ça lasse" dicte en maître sa conduite à la routine de l'information.

Alors ils meurent en silence et dans une glaçante indifférence générale. Oubliés – c'est la vie et c'est la mort – les torrents lacrymaux et compassionnels qui coulèrent impétueusement il y a quelques temps en Europe. Au baromètre des émotions qui mesure la mauvaise conscience européenne, la valeur du migrant est en chute libre. À qui la faute si des migrants périssent en essayant de gagner l'Italie, l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne ?

Le bon sens commun qui pave tous les chemins de la platitude de ses idées reçues nous indique que les migrants fuient la guerre, les massacres, la faim et la maladie. Et que les responsables de la tragédie sont à chercher parmi les factions sauvages qui déchirent la Syrie et l'Irak. Cette évidence paresseuse a toute la saveur fade d'une lapalissade. Les migrants, bien sûr, ne quittent pas leur pays de gaieté de cœur.

L'Europe (en tout cas la plupart des pays européens) a pleuré, hypocrite, toutes les larmes de son corps sur le destin de ces personnes déplacées. Elle leur a dit "Venez, venez, on vous attend" dans toutes les langues et sur tous les tons possibles. Dans cette compétition émotionnelle, c'est Angela Merkel, la chancelière allemande, qui a gagné la médaille enviée des bons sentiments.

Tous ces appels ont été entendus par des millions de pauvres gens. Et ils se sont mis en route par mer et par terre. Sur leur chemin, ils ont laissé des morts, des blessés, des malades. Ils avaient entendu qu'on voulait d'eux. Et l'appel du Pape dans ce sens les a fortement encouragés. Alors, ils meurent par centaines sur la route de ce qu'ils croyaient être le bonheur et qui n'est plus qu'un chemin de croix.

Aucun des dirigeants européens n'ose leur dire la vérité. "Non, vous n'êtes pas les bienvenus". "Non, nous n'avons pas les moyens de vous accueillir"."Venez si vous y tenez, mais nous vous renverrons chez les Turcs, que nous payons grassement pour qu'ils vous parquent chez eux". En se taisant lâchement, les dirigeants européens portent la responsabilité de morts tragiques et d'infinies détresses humaines.

L'honnêteté (mais ce mot existe-t-il encore en français ?) voudrait qu'on dise aux migrants de se ruer vers les frontières de l'Arabie Saoudite. C'est à côté. Pas de mer cruelle à traverser. Il y a là-bas non loin de La Mecque, dans une localité nommée Mina, une gigantesque ville de tentes climatisées.

Elles peuvent accueillir jusqu'à 4 millions de personnes. Pourquoi pas 4 millions de migrants ? Parce que ces tentes sont là pour les pèlerins du Hadj, qui chaque année pendant 5 jours viennent tourner autour de la Kaaba. Cinq jours seulement ! Au regard de la tragédie vécue par des millions de musulmans victimes des abominations syriennes et irakiennes, peut-être que les autorités saoudiennes pourraient, à titre exceptionnel, suspendre le Hadj et laisser les tentes à ceux qui en ont le plus besoin. Allah est miséricordieux, non ? Et il doit quand même aimer les siens ?

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