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Vous avez réussi dans la vie ? Alors voilà pourquoi vous avez déjà gagné à la loterie sans le savoir
©Reuters

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A y regarder de plus près, il semblerait que la figure du "self-made-man" tienne plus du mythe que d'autre chose. Le "facteur chance" aurait, selon plusieurs études, beaucoup plus d'impact sur la réussite sociale que ce qui est communément imaginé. Pourtant, cette réalité gagnerait à être mieux connue.

Riadh  Lebib

Riadh Lebib

Docteur en neuropsychologie. Diplômé en Thérapies Comportementales et Cognitives (TCC). Ses thématiques de recherche portent principalement sur les comportements humains rationnels et irrationnels en étudiant leur impact sur les prises de décision en situation de calme ou de stress.

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Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Atlantico : De nombreuses études, telle que celle du Department of Economics University of California, Santa Barbara, intitulée "What Makes a Leader? Relative Age and High School Leadership" (Voir ici) ou encore celle du Department of Economics University, Los Angeles, intitulée "What's in a surname ? The effect of the surname initials on academic success" (Voir ici), démontrent que les personnes ayant réussi dans la vie doivent beaucoup plus au "facteur chance" qu'elles ne le pensent. Existe-t-il, concrètement, des "facteurs chance" qui aident à la réussite sociale sans que les sujets en aient conscience ?

Pierre Duriot : Il est clair qu'il existe de nombreux "facteurs chance" dont on a pas conscience qui favorisent la réussite sociale. Prenez par exemple l'insertion des jeunes sur le marché du travail. L'étude "What Makes a Leader? Relative Age and High School Leadership" (Voir ici) démontre que les enfants nés en juillet seront toujours les plus jeunes de leur classe, donc moins matures et moins aptes à assumer des responsabilités comme d'être élu délégué de classe, ce qui les suivra dans toute leur scolarité, et leur fera statistiquement accéder, toujours selon l'étude, à des moins bons postes sur le marché du travail qu'un enfant né en janvier.

Parmis les nombreux facteurs chances dont les jeunes diplômés n'ont pas conscience lorsqu'ils entrent sur le marché du travail, on peut aussi citer le physique. Il a été prouvé par de nombreuses études que les personnes au physique désavantageux ou en surpoids sont moins embauchées que les autres. Une fille trop jolie peut aussi être discriminée à l'embauche, car son directeur des ressources humaines la verra comme un potentiel problème, risquant de transformer les relations professionnelles en relations de séduction. Vous pouvez aussi ressembler à une personne qui rappelle des mauvais souvenir à votre recruteur (son ex-femme, un ex-patron tyrannique), et ne pas être embauché à cause de cela. A l'inverse, il est connu que les recruteurs qui se reconnaissent en vous (loisirs, lieu de résidence, milieu social), seront plus prompts à vous embaucher.

On peut ensuite citer l'influence du prénom, comme le démontre l'étude "What's in a surname ? The effect of the surname initials on academic success" (Voir ici). Une Caroline aura plus de chances d'etre embauchée qu'une Fatima par exemple, car elle n'a pas un nom à consonance arabo-musulmane, donc ne risque pas de revenir de son mariage voilée et de déclencher un possible contentieux juridique qu'une PME ne sera pas capable de supporter financièrement.

L'heure de l'entretien d'embauche peut aussi jouer en votre faveur ou en votre défaveur. Vous aurez un interlocuteur beaucoup plus attentif si vous passez en début de matinée, que si vous passez en fin de matinée, car le recruteur aura faim, sera moins frais et donc vous écoutera moins.

En résumé, même si elles n'y sont pour rien, une jeune Caroline, au physique banal, qui passe son entretien d'embauche à 9h30 du matin aura beaucoup plus de chances d'être embauchée qu'une Fatima, trop jolie, qui passe son entretien d'embauche à 11h45, et ce même si elles ont toutes les deux rigoureusement la même formation et les mêmes compétences.

Les personnes ayant réussi socialement ont-elles toutes le même degré d'inconscience de l'impact du "facteur chance" sur leur vie ?

Riadh Lebib : Il est clair que dans la grand majorité des cas, le "facteur chance" est très largement sous-estimé par les personnes ayant réussi socialement. Mais cela dépend aussi de leur profil psychologique. Concernant le rapport à la chance, je pense qu'il faut en distinguer trois.

Le premier profil psychologique type sont des personnes qui ont un "contrôle perçu" interne et un fort "sens de la cohérence". En d'autres termes, ce sont des personnes qui pensent avoir le contrôle des événements qui leur arrivent, et pour qui le sens de leur vie n'est dû qu'à elles-mêmes. Chez ce type de profil psychologique, l'importance du facteur chance dans la réussite sociale est totalement ignorée, puisque ce sont des personnes qui considèrent qu'elles sont maitres de leur destin, et ce même si elles sont nées en juillet et qu'elles s'appellent Fatima. 

Le deuxième profil psychologique type, qui est l'opposé du premier, sont des personnes qui ont un "contrôle perçu" externe et un faible "sens de la cohérence". En d'autres termes, ce sont des sujets qui n'ont pas le sentiment d'avoir de prise sur ce qui leur arrive, et qui, en cas de réussite et de félicitations, sont enclins à répondre "qu'ils n'y sont pour rien", et que, justement, ils n'ont eu "que de la chance". Ce sont aussi des personnes qui n'ont pas le sentiment d'avoir donné eux-mêmes du sens à leur vie, pour qui "c'était le destin".

Enfin, il existe un troisième profil psychologique type, qui est un mixte des deux premiers. Ce sont des personnes qui ont un "contrôle perçu" interne et un faible "sens de la cohérence". En d'autres termes, elles pensent qu'elles ont réussi dans la vie grâce à leur propre volonté, mais qu'elles ont aussi eu "une bonne étoile", qu'elles ont conscience d'avoir eu de la chance, c'est-à-dire d'avoir rencontré un bon compagnon de vie, de ne pas avoir eu de problèmes de santé, d'avoir eu des enfants au caractère facile, etc.

Une étude intitulée "Gratitude as moral sentiment: emotion-guided cooperation in economic exchange", publiée sur US National Library of Medicine National Institutes of Health (voir ici) démontre que les personnes ayant conscience d'avoir eu de la chance dans la vie sont plus à même de s'engager pour le bien de la communauté que les personnes qui pensent qu'elles ne doivent leur réussite qu'à elles seules. Pouvez-vous expliquer ce mécanisme psychologique ?

Riadh Lebib : Le fait de prendre conscience que tout n'est pas dû à nos propres actions mais que nous avons aussi eu "une bonne étoile", ce qui correspond au troisième profil psychologique type décrit plus haut, nous poussent à œuvrer pour le bien commun. Lorsque l'on a ce type de profil, on a tendance a vouloir aider son prochain, car on peut transmettre le message aux personnes dans le besoin que tout n'est pas de leur faute, et que, si elles se prennent en main, "la roue peut tourner". Elles ont un message réconfortant à délivrer, avec leur exemple de vie réussie pour l'appuyer.

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