Robert Ménard, la "droite Béziers" et la droite tout court : l'interview qui risque de faire grincer les dents au FN comme dans les chaumières des écuries de la primaire<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Robert Ménard, la "droite Béziers" et la droite tout court : l'interview qui risque de faire grincer les dents au FN comme dans les chaumières des écuries de la primaire
©Reuters

Grand entretien

Le séminaire de Béziers prend fin ce dimanche 29 mai, après trois jours de rencontre mouvementés pour les différentes droites de France. Son organisateur, Robert Ménard, n'exclue absolument pas de jouer sur son rendez-vous pour peser sur la primaire Les Républicains.

Robert Ménard

Robert Ménard

Robert Ménard a été journaliste et fondateur de Reporters Sans Frontières (RSF).

Président de l'association de 1985 à 2008, il a dirigé un centre d'accueil pour les journalistes à Doha (Qatar) de 2008 à 2009.

Il a été élu en avril 2014 maire de la ville de Béziers

Voir la bio »

Atlantico : Du 27 au 29 mai, vous avez organisé plusieurs débats entre "représentants" de la droite à Béziers pour élaborer des propositions en vue de l'élection présidentielle de 2017. Vous avez déclaré : "Il ne s'agit pas pour nous de mener un séminaire, un colloque ou un club de réflexion. L'objectif est d'imaginer cinquante mesures de rupture que la droite devrait porter". Qu'est-ce qui manque selon vous aux offres politiques existantes et qui justifient d'élaborer un programme alternatif ?

Robert Ménard : Il me semble qu'aujourd'hui, aucun parti n'est porteur des réponses que la crise que nous traversons exige. 

Certains marqueurs de droite sont aujourd'hui absents du débat politique. Il manque par exemple des positions fermes sur des thèmes forts comme la famille, l'immigration, l'école, l'économie… Et le problème de la droite de gouvernement actuelle, c'est que même quand elle en a, elle est largement décrédibilisée auprès de l'opinion qui se rappelle qu'il y a encore 5 ans, elle était au pouvoir. 

Monsieur Juppé a été au pouvoir, Monsieur Fillon nous dit qu'il n'en pensait pas moins pendant ses cinq années à Matignon, mais pourquoi avoir fait le choix de rester ? Quant à Monsieur Sarkozy, je suis de ceux qui lui ont fait confiance en 2007 et qui s'en sont mordus les doigts. Le Front national, s'il a les positions que l'on pourrait attendre d'un parti de droite sur bien des sujets, il n'est pas crédible sur d'autres comme sur les questions économiques.  

Pendant ces trois jours, nous avons donc élaboré ces marqueurs qui permettent de différencier la vraie droite de la gauche, pour voir qui parmi les candidats pourra les reprendre.

Quel agenda avez-vous prévu après ces quelques jours, quelle sont les prochaines étapes ? 

D'ici à l'élection présidentielle, nous ferons la promotion de notre travail pour que ces marqueurs soient pris en compte.

Nous ferons donc la promotion de nos idées, en étant omniprésents pendant la primaire de la droite notamment, pour se faire entendre, faire de "l'agitprop" comme disent les gauchistes. C'est l'occasion pour les candidats de la primaire de dire s'ils sont d'accord sur telle ou telle mesure, et s'ils ne le sont pas, nous leur rappellerons qu'ils ne sont pas de droite. 

D'ailleurs, certains candidats à la primaire n'ont pas osé venir à Béziers mais m'ont dit toute leur sympathie pour notre démarche. Il existe une véritable opportunité de faire quelque chose.

François Fillon, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé… Comment pensez-vous que votre démarche sera prise, alors que certains candidats ont déjà présenté l'essentiel de leur programme ?

Je vous rappelle que Nicolas Sarkozy a gouverné la France pendant 5 ans… Alors oui, tout le monde peut changer, mais il faut voir. Avec les marqueurs émis, ils seront au pied du mur, et nous verrons donc si les candidats de la droite sont vraiment de droite. 

Ce n'est pas pour rien si nous avons demandé a Denis Tillinac d'ouvrir ces trois jours de débat. Comme il le dit dans son dernier ouvrage, il existe bel et bien un imaginaire de droite, des valeurs de droite, et nous n'avons pas à en avoir honte. Nous avons au contraire toutes les raisons de réaffirmer le clivage droite-gauche. Je ne suis pas sûr que Nathalie Kosciusko-Morizet soit vraiment de droite. Et je crains que M. Juppé soit la copie conforme de M. Hollande s'il arrive au pouvoir, j'ai quelques souvenirs de l'époque où il était Premier ministre…

A travers le mouvement "Oz ta droite", vous présenter en 2017 est-il une option envisageable ? Qui soutiendriez-vous sinon ? 

"Oz ta droite" n'est ni un parti politique, ni un mouvement politique mais un mouvement citoyen qui dans mon esprit doit être là pour faire connaître ses propositions de toutes les façons possibles, en imaginant des modes d'action différents, comme un Podemos de la vraie droite française.

Quant à moi, je suis maire de Béziers, et le combat qui m'intéresse est celui de ma ville. Je souhaite qu'elle aille mieux que lorsque je suis arrivé. Si je m'implique dans le débat national, c'est parce que j'ai la chance d'entretenir des relations convenables avec l'ensemble de cette droite, et donc de pouvoir les rassembler pour qu'ils se parlent, en leur faisant oublier leurs querelles de boutique et leurs chapelles respectives. Il y a encore des résistances à l'union pourtant nécessaire de toute la droite en 2017, mais nous avons pour objectif de l'imposer à ceux qui les refusent.

C'est d'ailleurs ce que nous faisons à Béziers, avec des élus du FN, des Républicains, des partisans de De Villiers, de Dupont-Aignan, et d'autres sans étiquettes comme moi… 

Comment interprétez-vous l'étrange retrait du Front national en pleine crise sociale, avec le projet de loi Travail notamment ?

Le discours du Front national est ce qu'il est. Mais lorsque j'entends Florian Philippot qualifier la loi El Khomri "d'infâme", qu'il laisse ce vocabulaire à la CGT et au Parti communiste ! Ces mots sont caricaturaux car cette loi tente d'apporter des réponses à des problèmes qui ne viennent pas de Bruxelles, mais qui sont bien de chez nous comme la bureaucratie française, l'étatisme, la multiplication des normes françaises… Je n'étais pas un opposant forcené à cette loi car on peut s'en servir comme d'une première étape pour aller dans le bon sens. 

De l'autre côté, la CGT règle ses comptes avec le PS qui l'a trahi comme il a trahi toute la gauche. Et le gouvernement tolère cette violence qui est pourtant insupportable. Je vous rappelle que l'ensemble des syndicats représente moins de 8% des salariés en France… Comment peuvent-ils se permettre de faire de la politique ? C'est une hyper minorité qui prend en otage l'économie française. De ce côté-là, nous attendons effectivement un message plus clair de la part du Front national.

Mais mon vrai désaccord avec une partie du FN tient en cela : je ne souhaite pas suivre le slogan "ni droite ni gauche", je souhaite être tout à droite ! 

Quels enseignements tirez-vous de cette situation de blocage pour le prochain quinquennat ?

Cela montre le manque de détermination et de courage du gouvernement. Les Français attendent d'un chef de l'Etat qui affirme quand il le faut l'autorité de l'Etat, et qui joue le consensus quand il le faut. 

La situation est paradoxale car nous avons aujourd'hui un gouvernement qui est autoritaire et qui n'entend pas les Français, lorsque par exemple ils manifestent contre le mariage pour tout en ne menaçant pourtant pas l'économie du pays, et qui ne fait pas preuve de fermeté avec ses ex -et probablement futurs aussi- petits copains. Le Premier ministre, qui nous a habitué aux effets de menton, devrait transformer la rhétorique en actes réels…

La stratégie de la "France apaisée", qui a été choisie par le Front national en début d'année, répond-elle au diagnostic que vous posez sur les maux de la droite française ?

Non si la "France apaisée" est un moyen, mais je l'approuve bien sûr si elle est une fin. Pour cela il faut réaffirmer l'autorité de l'Etat, rétablir la justice qui ne doit plus être terrorisée par des petits caïds de banlieues, ou par la presse… Nous avons besoin d'hommes politiques qui ne sont pas gouvernés par la lecture du Monde : la politique de la France ne se décide pas dans les salles de rédaction ! C'est au peuple français que nous devons rendre des comptes, et non aux instituts de sondages, aux rédactions ou à Bruxelles. Il faut dire stop aux intermédiaires qui agissent comme des parasites de la démocratie.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !