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Alain Juppé en baisse chez les jeunes, Nicolas Sarkozy lâché par les plus âgés : ce clivage générationnel qui pèsera sur la primaire de droite
©Reuters

Qui votera pour qui ?

D'après un récent sondage IFOP-Fiducial, alors qu'Alain Juppé était jusqu'ici largement en tête dans les intentions de vote à la primaire de la droite, l'écart entre celui-ci et son principal concurrent, Nicolas Sarkozy, s'est resserré au cours du dernier mois. Une progression qui demeure insuffisante pour l'ancien Président dont les scores auprès de l'électorat âgé, véritable bastion de la droite, sont faibles.

Frédéric Dabi

Frédéric Dabi

Frédéric Dabi est directeur général adjoint de l'Ifop et directeur du pôle Opinion et Stratégies d’entreprise.

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Atlantico : Alors qu'Alain Juppé et Nicolas Sarkozy font la course en tête depuis plusieurs mois dans les intentions de vote pour la primaire de la droite et du centre, comment a évolué le rapport de force entre ces deux candidats tout récemment ?

Frédéric Dabi : On constate à la fois un resserrement et une stabilité du rapport de force. 

Resserrement car les derniers résultats de l'enquête IFOP-Fiducial pour iTELE /Paris Match/Sud Radio montrent que l'avance d'Alain Juppé sur Nicolas Sarkozy se réduit et passe de 11 à 8 points (37-26 pour Juppé au moins d'avril, 35-27 au mois de mai). Il y a rarement eu un écart aussi ténu entre les deux candidats. 

Néanmoins, au-delà de ce resserrement relativement ténu, depuis le mois de janvier, il y a une stabilité relative du rapport de force qui conserve les mêmes caractérisations.

En effet, deux éléments caractérisent l'avance d'Alain Juppé : 

1) Une avance d'Alain Juppé auprès des électeurs certains d'aller voter à la primaire. Celle-ci est avant tout liée au fait qu'Alain Juppé "surperforme" auprès des électorats périphériques (les gens de gauche et les sympathisants du centre qui vont voter à la primaire). En effet, Alain Juppé a 35 points d'avance sur Nicolas Sarkozy à gauche et 49 points d'avance au centre. 

2) Un score quasiment à égalité depuis le mois de février entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé dans le "cœur de cible" (les sympathisants LR). Ces derniers sont les plus nombreux à affirmer être tout à fait certains de voter à la primaire. En effet, au regard de l'indice de participation, sur 100 électeurs à la primaire certains d'aller voter, quasiment 1 sur 2 se déclare proche des sympathisants LR et, parmi ces sympathisants LR certains d'aller voter, les intentions de vote sont les mêmes pour les deux candidats (34-34). 

Certes, l'enquête du mois de mai a révélé une légère évolution du rapport de force avec un écart qui s'est resserré, mais globalement les caractéristiques de l'avance de Juppé que je viens d'évoquer incitent à une grande prudence de la part des commentateurs, d'autant plus qu'il y a encore des inconnues sur l'offre électorale. En effet, il y a peu de chances que l'on retrouve les 12 candidats actuels sur la ligne d'arrivée : les règles de la primaire, à savoir avoir le soutien d'une vingtaine de parlementaires, vont "écrémer" le nombre de candidats. 

On observe qu'entre avril et mai 2016, Alain Juppé a perdu 7 points (de 33% à 26%) d'intentions de vote chez l'électorat CSP-, alors que dans le même temps Nicolas Sarkozy a enregistré une hausse de 6 points (de 30% à 36%) sur ce même secteur. De même, Alain Juppé a perdu 4 points entre avril et mai chez les 18-24 ans (de 24% à 20%), alors que Nicolas Sarkozy semble sur une pente ascendante (de 34% à 42%). Comment expliquer ce clivage sociologique et son accélération au cours de ces dernières semaines ?

Il faut être relativement prudent sur ces évolutions. D'une part, si cette enquête repose sur un échantillon extrêmement gros (8000 personnes), seuls 10% des gens déclarent aller voter à la primaire. Au final, on a un échantillon utile de 800 personnes, ce qui est suffisant pour avoir une idée du rapport de force global mais pousse à être prudent sur les différences sociologiques.

Néanmoins, sur la longue durée, Alain Juppé recule chez les CSP-. Cela s'explique par le fait qu'il s'adresse aux électeurs de la France qui va bien, de la France du "oui". Les CSP- sont les électeurs de la France du "non" et les enquêtes de popularité montrent qu'Alain Juppé est en retrait auprès de ces catégories. Il est toutefois trop tôt pour dire si Nicolas Sarkozy est "fort" dans cet électorat d'autant plus que c'est l'un des premiers électorats à l'avoir quitté pendant son mandat : les enquêtes de popularité montrent qu'en termes de confiance, les sarkozystes issus des catégories populaires (ce que l'on appelait les sarkozystes de gauche) sont les premiers à l'avoir quitté. 

Nicolas Sarkozy fait un bon score de premier tour chez les jeunes, les moins de 35 ans, où il enregistre 14 points de plus que sa moyenne. Néanmoins, je serais encore plus prudent car les moins de 24 ans représentent un petit segment et le fait qu'Alain Juppé y ait perdu 4 points n'est absolument pas significatif. 

Inversement, concernant l'électorat de plus de 65 ans, primordial chez Les Républicains, la stabilisation semble l'emporter, avec un écart allant du simple au double en faveur d'Alain Juppé (42-23 en avril et 41-21 en mai). De la même façon, Nicolas Sarkozy est le seul candidat, parmi les favoris, à obtenir une sous-performance chez les plus de 65 ans par rapport à son score général. Faut-il y voir le signe que Nicolas Sarkozy sera contraint d'orienter sa campagne très différemment de ses principaux concurrents ?

S'il y a un clivage sociologique entre l'électorat Juppé et l'électorat Sarkozy, c'est un clivage générationnel. Depuis que nous menons des baromètres avec Fiducial pour iTELE, Paris Match et Sud Radio, Alain Juppé est systématiquement nettement en tête face à Nicolas Sarkozy chez les 65 ans et + et même chez les 50 ans et +. Spectaculairement, dans la dernière enquête, Alain Juppé devance Nicolas Sarkozy de 20 points. 

C'est un double avertissement pour Nicolas Sarkozy, car les 65 ans et + sont la catégorie reine de la droite. Ce réservoir majeur de la droite lui a d'ailleurs permis de faire un score tout à fait honorable au premier tour de l'élection présidentielle. Au regard de l'indice de participation et de la structure des électeurs, c'est au sein des 65 ans et + que se trouvent le plus grand nombre d'électeurs potentiels. On peut même élargir aux 51 et + : sur 100 électeurs de la primaire, 57 ont plus de 50 ans. 

Si l'on se fie à un autre indicateur électoral, les intentions de vote nationales présidentielles sur tous les candidats, on remarque depuis deux enquêtes que Nicolas Sarkozy recule dans son socle (les personnes âgées de plus de 65 ans). Est-ce lié à l'envie de ne pas voir Nicolas Sarkozy être à nouveau candidat ? Est-ce que les personnes âgées considèrent qu'il a fait un mandat décevant ? Ou plutôt, et c'est cette dernière hypothèse qui me semble être la plus intéressante, est-ce que ces personnes âgées ont trouvé un candidat qui leur ressemble d'un point de vue générationnel, à savoir Alain Juppé ? On constate en effet que dans les intentions de vote, Alain Juppé réalise son meilleur score dans ce segment-là de la population (il fait quasiment 8,5 fois plus que Nicolas Sarkozy). 

Je ne pense pas que Nicolas Sarkozy orientera sa campagne très différemment mais il est évident qu'il doit parler à cet électorat âgé, les rassurer sur son envie, les rassurer sur le fait qu'il a pris du recul par rapport aux errements de son mandat, aux critiques faites sur son quinquennat (ce qu'il a commencé à faire avec son livre). Par ailleurs, il ne s'agit pas d'un rapport Sarkozy/personnes âgées dans l'absolu mais de montrer que Nicolas Sarkozy vaut mieux que son principal concurrent, c'est selon moi le cœur de la bataille. 

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