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Dans les coulisses du bras de fer Hollande Valls sur la loi El Khomri
©Reuters

Coup double

François Hollande semble n'avoir plus d'autre choix que de reculer sur la loi Travail afin de faire taire la grogne sociale avant l'Euro 2016, mais Manuel Valls ne veut pas en entendre parler. Conséquence : en coulisses, la tension entre le Président et son Premier ministre est à son comble.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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"Manuel rêve de partir depuis longtemps, marmonne un ancien membre du gouvernement. Il voulait déjà le faire en novembre, les attentats l'en ont empêché. Il y a, à nouveau, réfléchi au moment de l'écriture de la loi El Khomri". Ce mardi soir, alors qu'une réunion se tient à l’Élysée, l'entourage du Premier ministre se prépare à un nouveau coup de sang. "Avec Hollande, Manuel ne sait jamais sur quel pied danser. Le Président peut tout à fait préparer le retrait de la loi, ou de l'article 2, et ça il ne l'acceptera pas", explique un proche qui ne prononce pas le mot de démission mais le laisse lourdement sous-entendre. Et en effet, au même moment, à l’Élysée, autour du président de la République, le scénario de la réécriture fait son chemin.

Le lendemain, quelques ballons d'essai sont lancés. Le premier par Bruno Le Roux qui explique qu'il est possible de faire évoluer l'article 2. Puis c'est au tour de Frédérique Espagnaque, très proche aussi de François Hollande, d'estimer la réécriture de l'article 2, indispensable. Fin de non recevoir de Manuel Valls l'après-midi à l'Assemblée : il n'y aura pas de réécriture.

Mais pourquoi donc défendre ce texte que certains disent déjà à moitié vide ? Les proches de Manuel Valls font la moue : "d'accord, il n'y a plus grand-chose mais il porte une philosophie essentielle. Donner la primauté à l'accord d'entreprise plutôt qu'à l'accord de branche, c'est une réforme essentielle, c'est d'ailleurs pour ça que les syndicats grincent des dents. Ils sentent bien que les organisations nationales sont en train de perdre la main sur les organisations locales et ça ils ne peuvent pas l'accepter. Mais nous, si on renonce à cette philosophie, on renonce à tout".

Mais le chef de l’État semble lui aussi avoir fait son choix. Michel Sapin, son ami de trente ans, en remettait une couche ce matin sur LCP : « Peut-être qu'il faut toucher à l'article 2 sur certains points. Il faut regarder tout cela dans le détail et en finesse". C'est donc un nouveau bras de fer dans lequel viennent de se lancer le chef du gouvernement et le président de la République. Et la question qui se pose à François Hollande peut se résumer ainsi : doit-il reculer au risque de perdre et son premier ministre et sa crédibilité ou doit-il tenir alors que la mobilisation s'amplifie et que l'Euro 2016 commence dans un peu plus de 15 jours ?

Roger Karoutchi en salivait d'avance mercredi en imaginant des forces de l'ordre tiraillées entre le déblocage des raffineries et la surveillance des fan-zones. Intenable pour le gouvernement qui espérait, encore hier, que le mouvement s’essouffle et attendait beaucoup des discussions avec Jean-Claude Mailly, le patron de FO avec qui les liens ne sont pas rompus contrairement à la CGT qui refuse tout dialogue. François Hollande réussira-t-il à retenir Manuel Valls encore quelques temps à Matignon ? Le premier ministre semble déterminé mais s'interroge encore, selon ses proches, sur le coût politique d'un départ qui signifirait que sa ligne politique est intenable et signerait l'échec, momentané, de son courant politique.

Mais une autre réflexion entre en ligne de compte car Manuels Valls sait qu'une nouvelle tempête l'attend avant l'été. En effet, le parcours de la loi El Khomri n'est pas terminé. Le texte va être entièrement réécrit au Sénat, a annoncé, hier, le sénateur Karoutchi. Il va ensuite revenir devant l'Assemblée avant la mi-juillet. Le gouvernement devra alors, à nouveau, dégainer le 49.3. Une motion de censure sera inévitablement déposée en retour. Trouvera-t-elle une majorité? "Si la gauche dépose une motion de censure, je la voterais, expliquait mardi un député de droite. Peu importe le texte, l'important c'est de faire tomber ce gouvernement". Ce député affirme ne pas être seul à y réfléchir. Le lendemain, en effet, Eric Ciotti et Guillaume Larrivé, tous deux proches de Nicolas Sarkozy, annonçaient leur intention de faire de même. Les amis de Manuel Valls n'avaient pas prévu ça. Lorsque les premières rumeurs leurs arrivent aux oreilles mardi en fin de journée, ils tombent des nues : "Pourquoi les sarkozystes font-ils ça, qu'est-ce qu'ils ont à y gagner ? »... Mais il leur faut à peine quelques secondes pour comprendre que si une motion de censure était votée, le président de la République, faute de majorité à l'Assemblée, n'aurait d'autre choix que de dissoudre. Des élections législatives seraient organisées trente à quarante jours plus tard, que la droite emporterait inévitablement. Qui serait alors appelé à l’Élysée ? Le chef de la nouvelle majorité : Nicolas Sarkozy. Exit les primaires.

C'est ce que Ségolène Royal appellerait du donnant-donnant. François Hollande se débarrasse de Manuel Valls, gagne un an pour se refaire une santé avant la présidentielle et Nicolas Sarkozy se remet en scène et élimine Alain Juppé. Un scénario qui arrangerait tout le monde, sauf Manuel Valls qui aurait donc tout intérêt à partir... maintenant.  

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