Résultat de la révolution culturelle féministe : le couple mère-enfant a tendance à être "victimisé" et le père à être "diabolisé"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Résultat de la révolution culturelle féministe : le couple mère-enfant a tendance à être "victimisé" et le père à être "diabolisé"
©Reuters

Bonnes feuilles

Extrait de "Materner ou éduquer ? Refonder l'école", de Jean Gabard, aux éditions de Paris 1/2

Jean Gabard

Jean Gabard

Après une jeunesse marquée par la culture libertaire soixante-huitarde, Jean Gabard a enseigné pendant 30 ans en collège et lycée. Passionné de voyages et de sciences humaines, il se consacre maintenant à l’écriture et à l’animation de conférences-débats en France, en Belgique, en Suisse… sur l’éducation des enfants, les relations hommes-femmes... A déjà publié aux Éditions de Paris : "Le féminisme et ses dérives / Rendre un père à l’enfant roi". 

Voir la bio »

Des familles trop complaisantes

Avec la fin des pénuries, la famille a tendance à se replier sur elle-même. Celle-ci n’est plus destinée à assurer l’avenir de la société mais plutôt à représenter un rempart contre elle. Les enfants ne sont plus les fruits du hasard que l’on élevait comme on pouvait mais d’une volonté qui peut même s’exprimer comme un "droit". Moins nombreux et programmés, ils sont précieux. Ils focalisent l’attention de tous dans une période où le pouvoir d’achat permet de leur apporter tout ce dont ils ont besoin et même davantage.

L’enfant, autrefois doublement dominé par le père et par l’adulte, sort grand bénéficiaire de la révolution culturelle féministe qui suspecte toute hiérarchie et rétrograde les hommes. Il fait figure, avec la femme, de victime innocente qu’il faut maintenant protéger. Avec le jeunisme, il n’est plus un homme en devenir mais "l’avenir de l’homme", la merveille suprême. Pour l’adulte qui n’a plus d’idéal et qui a peur de la mort, il apparaît comme une valeur refuge. Face à la raison et à l’intellect déconsidérés, il est la pureté. De sa bouche sort la vérité. Quand le lien conjugal, reposant sur le sentiment, par définition instable et fugitif, a tendance à se distendre, l’enfant représente une attache sûre et devient le pivot de la famille. Considéré comme une personne à égalité avec l’adulte, il bénéficie d’un regard qui n’est plus celui d’un père qui le stimule pour le faire grandir mais d’une "maman" qui ne cherche qu’à l’accompagner et le combler. 

Le métier de parents qui se transmettait de génération en génération devient un métier nouveau à découvrir. Les règles à suivre pour élever un enfant, qui paraissaient immuables, n’ont plus cours. Ce dernier doit bénéficier d’une éducation bienveillante, basée sur l’écoute, le dialogue et la protection. Même si l’interdit n’est plus totalement interdit, il est toujours suspecté d’entraver son développement harmonieux. Parce que l’égalité s’est imposée comme un dogme et "parce qu’il le vaut bien", notre société rousseauiste est prête à lui accorder les droits des adultes sans forcément lui demander les devoirs. 

Depuis que l’origine divine de tout pouvoir sur terre n’est plus une évidence, les pères ont perdu leur prestige et la Révolution leur a coupé la tête. Leurs derniers soubresauts d’autoritarisme au XXe siècle ont fini de discréditer leur "autorité paternelle". Celle-ci a cédé la place à une "autorité parentale» qui doit légalement appartenir "aux pères et aux mères" et même maintenant "aux parents".

Alors que l’opinion est entrée en guerre contre les vieux démons de la société patriarcale que sont le fascisme et le machisme, le couple mère-enfant a tendance à être "victimisé" et le père à être "diabolisé". La paire parentale avec sa hiérarchie laisse la place à une équivalence interchangeable, un pilotage bicéphale de deux parents parfois incapables de s’accorder sur la répartition des pouvoirs et sur une éventuelle autorité sur les enfants. Le plan vertical est abandonné pour un idéal horizontal où les différences parents/enfants comme les différences hommes/femmes se dissipent ou même s’inversent. L’autorité parentale, quand elle s’exerce, "s’exprime de moins en moins en termes de pouvoir, de plus en plus en termes de devoir ».

Rejetant l’éducation traditionnelle où l’enfant n’avait aucun droit mais seulement des devoirs d’obéissance voire de soumission, les nouveaux parents se préoccupent plus que jamais des questions d’éducation et sont prêts à apprendre les nouvelles méthodes favorisant l’autonomie.

Mieux informés et soucieux de bien faire, les nouveaux parents pensent trouver un équilibre entre amour et autorité, entre complicité et autonomie. Ils veulent corriger les défauts d’une éducation à leurs yeux toujours trop répressive. Sans être permissifs, ils revendiquent un style d’éducation et de comportements bienveillants d’où est bannie toute violence. Se nourrissant des découvertes en neurosciences, ils connaissent mieux la psychologie de leur enfant et le prennent davantage en compte. Ils apprennent à décoder ses émotions et s’adaptent à ses besoins. Ils font preuve de chaleur, de compréhension et de soutien. S’inspirant de la psychologie humaniste, ils adoptent une position non directive mais constructive. Cette parentalité positive doit permettre, avec des relations plus sereines, de retrouver l’harmonie familiale. Ce maternage, qui peut être "exclusif" ou "intensif", doit favoriser le lien d’attachement et la socialisation. Les pratiques "maternantes" rendent les parents plus présents avec l’enfant, plus attentifs, plus à l’écoute de ses demandes afin de mieux les interpréter et mieux y répondre.

La famille moderne devient une "république d’égaux", un espace social mouvant, façonné au gré de rapports parfois de copinage entre des individus autonomes qui négocient sans cesse leurs droits. La défense de la cause de l’enfant consiste souvent à faire passer l’enfant d’abord et à le surprotéger par crainte de le négliger. Comme "il a bien le temps de souffrir quand il sera plus grand", il doit profiter du moment présent, tant qu’il le peut. Il n’est plus question de réprimer des pulsions qu’il n’aurait plus mais au contraire de prêter l’oreille à ce qui ne serait que des besoins et d’y répondre. Sa satisfaction immédiate devient une preuve d’amour et une obligation.

Pour les parents "maternants", l’amour suffit, l’amour fait tout. Il se peut cependant qu’une "hyper psychologisation" leur fasse perdre confiance en eux et, par peur de mal faire, les laisse attentistes ou dans la séduction pour maintenir l’entente et être aimés. Pour ne pas utiliser une autorité basée sur le pouvoir, un nouveau rapport semble cependant prendre la place de l’ancien en jouant non sur la force mais sur l’affectif même si dans ce registre, la manipulation peut devenir encore plus perverse. Comment en effet pouvoir réagir contre "big mother" qui n’est qu’amour et ne veut que du bien ?

Extrait de "Materner ou éduquer ? Refonder l'école", de Jean Gabard, aux éditions de Paris, mai 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !