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Quatre jours avec Manuel Valls en Israël et dans les territoires palestiniens : retour sur une mission diplomatique impossible
©Reuters

Un pas de plus vers la paix ?

Après un voyage de quatre jours en Israël et dans les territoires palestiniens, le bilan du Premier ministre est moins mauvais que ce qui avait été envisagé, même si aucune avancée diplomatique n'a eu lieu.

Frédéric Encel

Frédéric Encel

Frédéric Encel est Docteur HDR en géopolitique, maître de conférences à Sciences-Po Paris, Grand prix de la Société de Géographie et membre du Comité de rédaction d'Hérodote. Il a fondé et anime chaque année les Rencontres internationales géopolitiques de Trouville-sur-Mer. Frédéric Encel est l'auteur des Voies de la puissance chez Odile Jacob pour lequel il reçoit le prix du livre géopolitique 2022 et le Prix Histoire-Géographie de l’Académie des Sciences morales et politiques en 2023.

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Atlantico : Manuel Valls était du samedi 21 mai au mardi 24 mai en voyage officiel en Israël et dans les territoires palestiniens. Vous faisiez partie de la délégation qui l'a accompagné. Quel bilan dressez-vous du déplacement du Premier ministre ?

Frédéric Encel : Bilan le plus positif possible, du moins au regard ce qu'on pouvait en espérer... C'est-à-dire que le Premier ministre s'est beaucoup déplacé : il a visité des sites high tech comme la toute nouvelle centrale solaire d'Ashdod et des pôles universitaires - ainsi à Tel Aviv, aux côtés de l'Association des Amis français de l'Université, où il a reçu une prestigieuse distinction et rencontré des dizaines de professeurs et d'étudiants -, ou encore le Mémorial mondial de la Shoah à Jérusalem, Yad Vashem. Partout l'accueil a été excellent, y compris de la part de hautes personnalités politiques israéliennes comme Shimon Péres ou de journalistes de renommée tel que Paul Amar de I24News. 

J'ajoute que cela ne l'a pas empêché d'être également très bien reçu du côté palestinien, preuve que ceux qui ont stigmatisé Manuel Valls pour son prétendu déséquilibre en défaveur du camp palestinien se trompent lourdement.   

En même temps, sur le plan strictement diplomatique, aucune avancée n'a eu lieu. Pouvait-on raison raisonnablement l'espérer ? Non, car d'une part le contexte ne s'y prêtait pas (suite au votre français de la résolution lamentable sur Jérusalem, et critiquée du reste par Manuel Valls), d'autre part ce n'est pas à Matignon mais à l'Elysée que se décide la politique extérieure de la France, enfin et surtout Benyamin Netanyahou est un nationaliste ayant constitué une coalition gouvernementale à son image et refusant catégoriquement la positon de Paris. Le chef du gouvernement français ne pouvait donc obtenir mieux...

Sans surprise, l'initiative française d'organisation d'une conférence internationale pour la paix au Proche-Orient a été rejetée par le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, qui a qualifié "toutes les conférences internationales à la manière onusienne de diktats internationaux". Dès lors, quels pourraient être les débouchés politique et diplomatique du projet français ? 

Justement, question centrale ! Comme universitaire spécialiste du Proche-Orient (c'est à ce titre que j'ai été invité dans la délégation), je suis de très près les prises de position des hauts responsables politiques français et occidentaux sur ces questions brûlantes ; or je n'ai jamais entendu Manuel Valls affirmer autre chose que la nécessité de voir advenir la solution à deux Etats côté à côté avec Jérusalem comme capitale partagée. Avec donc, naturellement, l'arrêt de la construction dans les implantations. On est là extrêmement proche de la position officielle de l'ONU, et certainement pas de celle du gouvernement israélien actuel ! J'ai d'ailleurs moi-même entendu le Premier ministre le réaffirmer publiquement et à trois reprises en Israël - autrement dit avant même de se rendre à Ramallah - devant des auditoires pas nécessairement acquis d'office... Fondamentalement, et même s'il s'agit à l'évidence d'un ami de l'Etat juif, Manuel Valls exprime une position objectivement très équilibrée et, me semble-t-il, constructive.    

Manuel Valls était ce mardi 24 mai en visite dans les territoires palestiniens. Il a notamment déclaré : "La colonisation doit cesser", "il faut aider l'Autorité palestinienne". Dans quelle mesure ces déclarations du Premier ministre rééquilibrent-elles la position de la France au Proche-Orient, actuellement perçue à tort ou à raison comme partiale (en faveur d'Israël) ? 

Comme je vous le disais, le gouvernement israélien actuel est très nationaliste, et son chef maintient mordicus que les deux parties doivent négocier face à face. De fait, les Israéliens - même à gauche naguère - ont toujours craint de se voir imposer des concessions. Cela vient de leur isolement régional et de la rareté de leurs soutiens extérieurs. Cela dit, le rejet de l'initiative française par Netanyahou s'inscrit aussi dans sa volonté de ne pas laisser les Européens supplanter les Américains dans leur rôle d'intercesseur ou de médiateur. Et de ce point de vue là, structurellement, l'initiative française a peu de chances d'aboutir. Mais après tout, dans un contexte à la fois de relatif repli américain et de retour en force politique et militaire de la France au Moyen-Orient (et au Sahel), pourquoi ne pas la tenter ? Certes, le chaos se retrouve à l'heure actuelle dans le monde arabe (Yémen, Libye, Irak...), et cinq années de répression et de guerre civile en Syrie ont déjà tué bien plus qu'au cours des 70 années de conflit israélo-arabe, toutes guerres et violences confondues ! Mais ce n'est pas une raison pour négliger complètement le nécessaire règlement du conflit israélo-palestinien. C'est aussi cela qu'est venir dire Manuel Valls en Israël.

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