+30% sur le prix de l'électricité d'ici 2016 : la faute à l'investissement dans les énergies renouvelables<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
D’ici 2016, le prix de l’électricité devrait augmenter de 30% en France, selon la Commission de régulation de l’énergie.
D’ici 2016, le prix de l’électricité devrait augmenter de 30% en France, selon la Commission de régulation de l’énergie.
©Reuters

Haute tension

La Commission de régulation de l'énergie vient d'annoncer que le prix de l'électricité pourrait augmenter de 30% d'ici 2016. La faute aux importants investissements qu'entraînent le développement des énergies durables... et, indirectement, à Fukushima.

Emmanuel Grand

Emmanuel Grand

Consultant en stratégie au sein d'un grand groupe de conseil. Emmanuel Grand intervient pour des missions de conseil sur l'ensemble des problématiques énergétiques auprès des autorités publiques et des entreprises du secteur de l'électricité et du gaz.

Il a publié L'Europe de l'électricité et du gaz (Economica, décembre 2011).

 

Voir la bio »

Atlantico : D’ici 2016, le prix de l’électricité devrait augmenter de 30% en France, selon la Commission de régulation de l’énergie. En cause, d’importants investissements. De quoi s’agit ? Ne pouvions-nous pas anticiper ces dépenses ?

Emmanuel Grand : Ces investissements sont de trois ordres. Le coût du développement des énergies renouvelables, la rénovation des réseaux électriques et enfin le renforcement de la sécurité du parc des centrales nucléaires existantes.

En réalité, l’investissement dans le renouvelable est parfaitement anticipé. Il s’agit d’une partie du programme du Grenelle de l’Environnement. En ce qui concerne les réseaux, les actifs engagés dans ces domaines ont un temps de vie très longs, ce qui permet d’anticiper leur remplacement et leur amortissement. Par contre, le renforcement de la sécurité du nucléaire est une conséquence directe et imprévue suite à la catastrophe de Fukushima.

Suite à Fukushima, un programme d’audit de la sureté des centrales nucléaires françaises a été réalisé. Dans ce cadre, il y a eu des préconisations d’un renforcement des mesures de protection contre les accidents. Ces décisions réclament des investissements qui seront répercutés sur le coût de l’électricité.

Sommes-nous réellement certains que remplacer le nucléaire au profit d’autres moyens de production de l’énergie coûterait plus cher ?

Les coûts liés au remplacement du nucléaire restent sujet à controverse. On pourrait dire que nous avons aujourd’hui des centrales prévues pour fonctionner des dizaines d’années et qu’une grande partie de l’investissement nécessaire à leur fonctionnement a déjà été réalisé. Grâce à ces installations, nous avons un coût de production relativement faible par rapport à d’autres technologies.

Remplacer ce mode de production déjà amorti entraîne un besoin d’investissements et donc une augmentation de la facture. Pour la première fois en France, nous voyons apparaître sur la facture électrique le coût des investissements requis pour développer les énergies renouvelables. Nous découvrons concrètement le coût de promesses effectuées au cours du Grenelle de l’Environnement. D’autres pays comme l’Espagne ou la République Tchèque, face à ce coût, ont effectué des arbitrages qui ont considérablement ralenti les programmes dans le domaine de l’énergie durable.

C’est une vraie question : combien sommes-nous prêts à payer pour consommer de l’énergie verte ? Nous pourrions souhaiter que ce soit ce choix, plutôt que la hausse en elle-même, qui soit mis en avant dans les discours publics. Dans tous les cas, l’un est l’autre sont indissociables. On ne peut pas développer les énergies renouvelables sans en payer le coût.

La France a promis de réduire ses émissions de CO2 mais aussi à augmenter la part des énergies renouvelables d’ici 2020. Elle est à présent engagée dans ce destin commun européen. Elle ne pourra plus, dans le cadre actuel, renoncer à ces investissements.

Cette augmentation annoncée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) est indicative. C’est l’Etat qui fixe le prix et EDF peut encore réclamer une hausse des tarifs. Quelles évolutions peut-on attendre ?

En France, les tarifs réglementés sont toujours in fine une décision politique. Le parallèle avec les prix du gaz est intéressant : ils ont connu plusieurs formules de calcul ces dernières années, qui ont souvent été revues lorsqu’elles entraînaient des augmentations de prix trop importantes. Il y a une volonté politique historique systématique de limiter la hausse des tarifs de l'énergie, et son impact sur le niveau de vie des Français.

Les tarifs annoncés risquent donc d’être différents de ceux qui seront réellement adoptés. Philippe de Ladoucette, le président de la CRE, a bien précisé que ces évaluations ne prenaient pas en compte les potentielles décisions politiques. Lorsque ces hausses seront sur le point d'être actées, il y aura un débat au cours duquel les cartes risquent d’être rebattues.

En matière de tarifs, comment nous situons-nous par rapport à nos grands voisins européens ? Payent-ils l’électricité au même prix ? Sont-ils confrontés à des hausses semblables ?

En Europe, il y a une diversité dans la manière dont le prix de l’électricité est calculé. Dans certains pays, il existe une prédominance du tarif avec un fournisseur d’électricité majeur et des prix fixés par l’Etat. C’est le cas en France. Dans d’autres pays, il y a une vraie libéralisation des tarifs, comme au Royaume-Uni.

Le prix de l’électricité est d'abord une conséquence du modèle industriel de production de l’énergie. En France, nous avons un prix de l'électricité inférieur d’un quart par rapport à la moyenne européenne. C’est le résultat du choix du nucléaire dans les années 1970-1980. Ce choix, qui nous a amené à un niveau de production d’électricité dépendant à 75% du nucléaire, a eu un impact positif sur le plan économique : les coûts sont peu élevés.

Ni la manière de calculer les prix, ni les intervenants sur les tarifs, n’ont un impact aussi important que ce choix industriel historique.

Il a par contre limité le développement de productions non-nucléaires, comme par exemple  le solaire et l’éolien, dont la part française est beaucoup plus faible qu’en Allemagne. Ce pays a pris une position de leader dans plusieurs domaines de l’énergie renouvelable. La France ne s’est pas affirmée comme un grand acteur européen sur ces technologies.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !