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Internet : le grand bond en arrière ? Comment la surveillance et les piratages en série ont déjà commencé à nous faire renoncer aux usages que nous avions adoptés sur le web
©Reuters

Sauve-qui-peut !

Ils quittent les réseaux sociaux, ne font plus leurs courses en ligne et cessent de lire les sites d'information. Une nouvelle étude américaine de la ational Telecommunications and Information Administration (NTIA) vient de démontrer que les internautes ne se sentent plus en sécurité sur le Web, au point de préférer s'en déconnecter, ce qui commence à avoir des impacts économiques importants dans les sociétés passées au tout numérique.

Jean-Paul Pinte

Jean-Paul Pinte

Jean-Paul Pinte est docteur en information scientifique et technique. Maître de conférences à l'Université Catholique de Lille et expert  en cybercriminalité, il intervient en tant qu'expert au Collège Européen de la Police (CEPOL) et dans de nombreux colloques en France et à l'International.

Titulaire d'un DEA en Veille et Intelligence Compétitive, il enseigne la veille stratégique dans plusieurs Masters depuis 2003 et est spécialiste de l'Intelligence économique.

Certifié par l'Edhec et l'Inhesj  en management des risques criminels et terroristes des entreprises en 2010, il a écrit de nombreux articles et ouvrages dans ces domaines.

Il est enfin l'auteur du blog Cybercriminalite.blog créé en 2005, Lieutenant colonel de la réserve citoyenne de la Gendarmerie Nationale et réserviste citoyen de l'Education Nationale.

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Atlantico : Une nouvelle enquête (voir ici) effectuée sur 41.000 ménages américains qui utilisent Internet vient de démontrer qu'ils l'utilisent de moins en moins, car ils ne se sentent plus en sécurité sur le web. Quelles sont précisément leurs inquiétudes ? (collecte de données personnelles par les grandes entreprises et la NSA, vol d'identité, piratage de carte bancaire...)

Jean-Paul Pinte : On le sait Internet est devenu un cyberespace où se font et se défont les réputations mais aussi un espace indélébile dans lequel peu d’internautes ont pris conscience des métadonnées générées par leurs pérégrinations sur la toile. Pour peu d’entre eux ils connaissent les impacts sur leur vie privée et ont décidé il y a longtemps de ne pas avoir de vie numérique et donc de ne pas s’afficher dans des réseaux sociaux comme Facebook. Ils tardent même à  utiliser les services numériques que l’administration leur propose progressivement.

Ils ont raison quelque part car les systèmes numériques et les applications actuelles sur le Net et sur leurs smartphones génèrent des algorithmes qui construisent peu à peu leur ADN numérique.

Ces interactions qui créent ces métadonnées dont ils ne peuvent avoir une réelle prise de conscience se passent le plus souvent entre les sites utilisés et les interactions des applications sur leurs Smartphones.

Il faut en effet savoir qu’avec quelques éléments laissés sur la toile sans le savoir il est facilement possible pour une personne mal intentionnée de se recréer une identité en quelques minutes. D’autres pourraient aussi se charger de vous faire une toute autre réputation sur Internet. En termes de paiement en ligne, certains ont peur aussi de se retrouver dans les casinos du Darkweb. La mode est aussi aujourd’hui orienté vers le vol ou kidnapping de données avec chantage à la clé.

Certains ménages indiquent même avoir choisi de ne plus du tout utiliser Internet, notamment parce qu'ils trouvent les moyens de se protéger des menaces du web trop complexes. Est-ce une réalité selon vous ? Quels exemples peut--on citer ?

Ne plus utiliser Internet semble irréel car nous sommes allés trop loin dans son développement. Internet a en fait été créé sans intégrer la dimension sécurité et les menaces sont aujourd’hui plus grandes. Elles touchent tous les domaines de notre cybersociété.

Les modes opératoires évoluant les cyberdélinquants ont malheureusement toujours ce coup d’avance. Les techniques d’ingénierie sociale utilisées sont de plus en plus sophistiquées et difficiles à comprendre surtout quand elles sont comme aujourd’hui le fruit de groupes bien organisés.

Il est difficilement imaginable aussi de penser que tous les utilisateurs d’Internet aient demain cette culture du fonctionnement de la toile pour s’en protéger.  Cela reviendrait pour chacun de connaître dès qu’il pratique le numérique tous les filons qui vont de la surveillance d’un mail et de sa provenance, à la surveillance du défacement de sites, en passant par la gestion de son ADN numérique et ce, tout en se méfiant de ce que deviennent ses données personnelles lorsqu’elles sont par exemple issues de transactions bancaires.

Le simple fait de penser que de faux liens puissent se cacher dans un autre lien ou qu’un internaute puisse cliquer sur un lien sans savoir lire une adresse URL est la meilleure preuve que l’Internet est bien plus complexe que l’on ne croit.

Dans quelle mesure pensez-vous qu'un tel phénomène de "déconnexion" soit susceptible de se développer en France ? Pourquoi ? 

Tout ceci me rappelle ce qui se passait avec la télématique en son temps. Le minitel rose existait et avait fait de ce dernier une mauvaise réputation à l’outil comme aujourd’hui les sites X et la pédopornographie peuvent le faire sur la toile.

Seuls ceux à mon sens ayant vécu une mauvaise histoire sur Internet telle une usurpation d’identité, un cyberharcèlement voire encore une arnaque sur leur compte sont à même de juger des réels dangers du Web. Cela ne leur empêchera pas de subir le tsunami numérique de ces dernières années. Rappelez-vous ne serait-ce que pour votre déclaration d’impôt il y a encore quelques année on vous récompensait de 20 euros pour télé-déclarer. Bientôt on vous pénalisera si vous ne déclarez pas vos revenus sur Internet. Ceci est le meilleur exemple d’impossibilité de déconnexion de notre société. L’administration est en train de tout faire pour que nous soyons tous en réseaux. L’exemple de l’Open Data est aussi à citer avec nos données de santé qui sont partagées par le corps médical. Allons plus loin encore de nombreuses sociétés ne peuvent plus faire marche arrière car ils ont intégré dans leur stratégie pour leur survie parfois le numérique. Rajoutons à cela les milliards d’objets connectés à l’aube de 2020 dont toute notre société pourra tirer les avantages en termes de médecine par exemple ou encore de gestion des handicaps pour ne citer que ces exemples.

Le travail réside dans une confiance de plus en plus grande envers la sécurité des services utilisés et passe nécessairement par un lourd travail de sensibilisation de tous les niveaux de notre société.

Quelles conséquences cette tendance peut-elle avoir sur une société de plus en plus orientée vers le tout numérique (impact économique, désocialisation...) ?

Une telle tendance de déconnexion faisant suite à une perte de confiance envers le réseau Internet serait un échec global pour la société française et son économie. Je n’ai d’ailleurs jamais imaginé ce type de scénario car il serait signe d’une séparation de la France d’un maillage mondial datant de plus de 20 ans où de nombreux enjeux économiques ont pris place justement grâce au numérique.

Une société à deux voire plusieurs vitesses verrait alors le jour créant une nouvelle fracture numérique dans notre société ne serait-ce qu'au niveau culturel. Il est en effet impensable d’entrevoir que tout un pan de la société française puisse rester sur le côté d’une nouvelle révolution annoncée depuis près de  25 ans.

Le concept de citoyenneté numérique est à développer. La volonté de former des E-citoyens responsables semble  la seule échappatoire pour notre société.

Le sujet vous intéresse ?

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