Départs en série et postes laissés vacants à l’Elysée et dans les ministères : quand les élites refusent de couler avec le navire de la présidence Hollande<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Départs en série et postes laissés vacants à l’Elysée et dans les ministères : quand les élites refusent de couler avec le navire de la présidence Hollande
©Rémi Mathis / CC BY-SA 3.0

Monsieur le Président, je vous fais une lettre…

A un an de la présidentielle, plusieurs conseillers ministériels et de l'Elysée ont ou vont quitter leurs fonctions. Si cette vague de départs est en partie liée à un phénomène normal de roulement dans les effectifs, elle témoigne également d'une faible confiance de ces cadres dans les chances de réélection de François Hollande.

Xavier Saincol

Xavier Saincol

 Xavier Saincol est haut fonctionnaire. Il s'exprime ici sous pseudonyme.

Voir la bio »

Atlantico : 10 cadres de l'Elysée et plusieurs cadres ministériels ont ou vont quitter leurs fonctions. Au-delà du phénomène d'usure, comment expliquer ces vagues de départ ? Est-il possible d'y voir une forme de peur face à une défaite inéluctable de François Hollande en 2017 ?

Xavier Saincol : L'explication est à plusieurs niveaux. D'un certain point de vue, elle est tout à fait normale. Il est logique et habituel qu'il y ait un roulement dans les effectifs du cabinet du président de la République. La plupart des conseillers ne sont pas des personnalités politiques, visant une carrière électorale. Le passage dans l'équipe rapprochée du président est une étape pour eux. Dans notre système français, elle constitue même un tremplin destiné à obtenir une promotion. Les mouvements interviennent tout au long du quinquennat mais ils s'accélèrent à la fin. Ils signifient que les conseillers veulent capitaliser sur leur passage à l'Elysée pour en tirer un profit maximum. C'est le cas de la conseillère justice qui est nommée au Conseil d'Etat par exemple. Le moment est propice car nous ne sommes pas encore dans la campagne électorale mais allons y entrer. Aujourd'hui, il est encore temps de penser aux nominations. Après, en septembre, une fois la campagne quasiment lancée, les esprits seront ailleurs. D'autant plus que la concurrence pour les postes sera vive : les membres de cabinets de Matignon vont eux aussi chercher des postes et de même ceux des ministères... Pour se recaser, le moment est idéal. Après, il sera trop tard...  La peur d'une défaite inéluctable transparaît cependant dans certains départs. Celui du directeur de cabinet le préfet Lataste est étonnant. Le directeur de cabinet est un poste clé à la présidence de la République, chargé de diriger le Palais. Il est habituellement un fidèle du chef de l'Etat et le suit jusqu'au bout à l'image de Christian Frémont sous Nicolas Sarkozy. Il assure la continuité au Palais pendant que le président et le secrétaire général sont à fond dans la politique. Ce départ du second plus haut fonctionnaire de la présidence, qui veut retrouver un poste de préfet, ne donne pas l'impression d'une grande confiance dans les chances de réélection de François Hollande.

Certains postes vacants ne seraient pas remplacés. Lesquels ? Est-ce lié à un défaut de candidats ? S'agit-il d'une situation "normale" en raison de l'échéance de 2017, ou faut-il voir une défiance spécifique par rapport à la présidence Hollande ?

Un défaut de candidat ? Cela me surprendrait beaucoup car le passage par l'Elysée est une telle fierté, une telle promotion et une expérience au coeur du pouvoir tellement passionnante qu'il se trouve toujours des candidats pour ce type de poste dans la haute fonction publique, même pour une brève période d'un an. L'accélération des mouvements semble bien liée à l'échéance 2017. Elle tend à confirmer que François Hollande sera bien candidat à sa succession. L'Elysée se met peu à peu en ordre de marche pour la campagne électorale. Les plus tièdes se retirent et ne resteront bientôt que les plus ardents partisans de la réélection du chef de l'Etat. Les techniciens disparaissent du paysage et le temps est désormais aux politiques. Voir dans ces mouvements un signe de défiance envers le chef de l'Etat me semble difficilement généralisable. Au cabinet élyséen se trouvent des inconditionnels qui lui doivent tout. Cependant, il y a une exception : le départ du général Benoît Pugat. Après avoir fait son devoir de haut gradé de l'armée pendant quatre ans, lui qui fut aussi chef de l'Etat major particulier de Nicolas Sarkozy, semble signifier qu'il ne veut pas être mêlé ni de près ni de loin à une éventuelle campagne de François Hollande. Le départ de ce grand soldat, alors que la France est engagée sur de nombreux fronts et qu'il ne lui restait qu'un an pour achever sa mission peut en effet, semble-t-il, s'interpréter comme une prise de distance.

A un an de la présidentielle, quels dysfonctionnements ces départs non remplacés pourraient-ils provoquer ? 

Le non-remplacement des partants sur certains postes n'a strictement aucune importance et ne créera aucun dysfonctionnement. Le mouvement en cours est le signe que le temps des sujets de fond et des réformes est révolu. Un an à l'avance, les esprits sont déjà à la bataille politique. Or une partie des conseillers a pour seule vocation de suivre des dossiers techniques, lois ou déccrets en préparation. Ceux-là n'ont plus rien à faire à l'Elysée et ils s'en retirent en essayant de capitaliser au mieux leur passage. Ne vont rester peu à peu que ceux qui vont s'investir dans la campagne présidentielle : préparation des discours, organisation des meetings, etc. L'Elysée commence sa grande transformation en ce moment : la machine de gouvernement se mute en machine de guerre électorale. Cette transformation va s'accélérer à la rentrée de septembre. Il y a là d'ailleurs une vraie déviance de la vocation de l'Elysée qui ne tient pas à la seule personnalité de François Hollande. La Maison de la France appartient à tous les Français et devrait donner un exemple d'impartialité. Or, elle devient peu à peu dévoyée en un vulgaire QG de campagne. Toute la logique des institutions et la perversion de la présidence de la République est en filigrane de cette évolution. En principe le président de la République est le guide de la Nation, au dessus des partis et des contingences politiciennes. Il tend à devenir un politicien lambda, chef de parti en quête de sa réélection. On voit ici comment l'oeuvre du Général de Gaulle est trahie chaque jour.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !