Famille, identité sexuelle, religion : non, l’égalité en droits n’exclut pas de règler différemment des situations différentes<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Histoire
Famille, identité sexuelle, religion : non, l’égalité en droits n’exclut pas de règler différemment des situations différentes
©Reuters

Bonnes feuilles

Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, Daech publiait un communiqué par lequel il revendiquait les attaques à l’encontre du peuple qui "porte la bannière de la Croix en Europe" et se félicitait d’avoir pu tuer plus des centaines de "croisés". L'auteur considère que si nous ne voulions plus reconnaître nos racines chrétiennes, l’ennemi nous a cruellement rappelés à nos origines. Extrait de "Charnellement de France" de Charles Beigbeder, aux éditions Pierre-Guillaume de Roux 2/2

Charles Beigbeder

Charles Beigbeder

Charles Beigbeder est président de la Fondation du Pont-Neuf. Président de sa holding industrielle et financière, Gravitation SAS, Charles Beigbeder est engagé dans plusieurs mouvements liés à l'entreprise et à la vie de la cité.
Voir la bio »

Pour une égalité en droits qui reconnaisse les différences de situation objectives

Fondée sur l’égalité de dignité de chaque personne humaine, l’égalité en droits ne postule pas que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » comme le prétend l’article 1er de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen mais affirme - ce qui est différent -, qu’ayant la même dignité foncière, rien n’empêche théoriquement qu’ils n’aient les mêmes droits. Cela signifie qu’il n’y a pas de barrières de caste ou d’ordre qui réserveraient certains métiers ou certains droits à des privilégiés, sur le fondement de l’hérédité ou de l’argent. Mais cela ne veut pas dire que dans une situation concrète, chacun doive bénéficier des mêmes droits. Les hommes ne sont pas égaux en droits effectifs, à la naissance comme durant leur vie, mais la société laisse à chacun une égale possibilité de se déployer ; c’est l’égalité des chances à laquelle je demeure attaché. 

Il n’y a qu’un seul tempérament à cette égalité en droits, rappelé à l’article 1er de la déclaration des droits de l’homme : « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune », c’est-à-dire sur des critères qui renvoient au bien commun, et non à la naissance et aux privilèges de caste, comme sous l’Ancien Régime. Explicitant ce postulat, le Conseil constitutionnel juge de manière constante que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ». C’est en vertu de ce raisonnement que le Parlement aurait dû réserver le mariage et l’adoption aux couples constitués dans l’altérité sexuelle, qui sont une situation objectivement différente de celle des couples de même sexe qui ne peuvent donc se voir octroyer les mêmes droits. Mais, comme il a été rappelé ci-dessus et sans rentrer à nouveau dans un débat qui a mobilisé le début du quinquennat de François Hollande, nos contemporains ont fait l’impasse sur la notion de nature humaine et partent du principe que les délibérations d’une assemblée ne sauraient être dictées par aucune norme extérieure qui éclaire son libre-arbitre, que celle-ci découle de la nature ou qu’elle provienne de l’histoire. C’est donc en toute logique qu’ils ont entrepris de remodeler le droit de la famille à leur guise dans un constructivisme juridique qui est en fait un art de la déconstruction. Leur ardeur s’étend d’ailleurs jusqu’à remettre en cause l’identification sexuelle de la personne à travers l’importance accordée au genre, qui, à la différence du sexe biologique, est « la perception subjective que l’individu a de lui-même, sans lien avec son sexe biologique. Ce genre suffirait à définir l’identité sexuelle, non plus comme homme ou femme mais en termes d’homosexuel ou d’hétérosexuel » selon les théoriciens s’inscrivant dans le droit fil des études de Judith Butler. Ainsi, sous prétexte de lutter contre les discriminations que subissent les femmes, on en vient à nier l’altérité fondatrice entre les hommes et les femmes.

Ce même travers égalitaire niant les réalités profondes de notre identité conduit aussi les hommes politiques à placer toutes les religions sur un même pied d’égalité sans considération de la place éminente de l’une d’entre elles dans la constitution de notre identité. Je ne veux, en aucun cas, établir une hiérarchie des religions ou conférer des droits différents aux personnes en fonction de leur pratique religieuse. Mon propos n’est pas religieux mais culturel. En effet, le christianisme n’est pas seulement une religion pratiquée par certains de nos concitoyens ; il est aussi le cadre culturel qui donne des repères à l’ensemble de la société, croyants comme non-croyants. Notre calendrier est établi à partir de la naissance du Christ, notre journée de repos hebdomadaire est le dimanche et nos prénoms sont principalement chrétiens. Noël n’est pas la fête des chrétiens mais celle de tous les Français ; Notre-Dame de Paris n’est pas un monument réservé aux chrétiens mais un symbole éminent de notre identité, où se sont déroulés tous les grands évènements de notre histoire nationale (premiers États généraux du royaume ouverts par Philippe-le-Bel en 1302, sacre de Napoléon en 1804, Magnificat en l’honneur de la libération de Paris en 1944) et qui a inspiré à Victor Hugo l’un de ses plus grands chefs d’œuvre. Notre art est pétri de références chrétiennes et l’on ne comprendra rien aux peintures du Louvre ou aux vitraux de nos églises sans un minimum de connaissances religieuses. 

Nos villages rappellent cette profonde osmose de la foi chrétienne avec notre histoire. Comme l’a écrit Denis Tillinac dans un appel que j’ai signé, « croyants, agnostiques ou athées, les Français savent de la science la plus sûre, celle du cœur, ce qu’incarnent les dizaines de milliers de clochers semés sur notre sol par la piété de nos ancêtres : la haute mémoire de notre pays. Ses noces compliquées avec la catholicité romaine. Ses riches heures et ses sombres aussi, quand le peuple se récapitulait sous les voûtes à l’appel du tocsin. Son âme pour tout dire. De Michelet à Marc Bloch, aucun de nos historiens n’a méjugé cette évidence. Les maires de nos communes rurales, fussent-ils allergiques au goupillon, entretiennent tous leur église avec une sollicitude filiale. Elle ennoblit leur village ; à tout le moins, elle le patine et ils en conçoivent une fierté légitime. L’angélus que sonnent nos clochers scande le temps des hommes depuis belle lurette. Sur celui du tableau de Millet, il a beau n’être qu’un point infime à l’horizon, il atteste une pérennité culturelle par-delà les aléas historiques ».

Notre vision du monde, enfin, a été profondément pétrie par le christianisme : notre civilisation a fait émerger la notion de personne, là où d’autres cultures font primer la communauté sur l’individu, elle a généré une vision originale de la femme qui a favorisé son émancipation, quand d’autres la maintiennent dans la servitude, elle a enfin organisé un système unique de relation entre le pouvoir religieux et le pouvoir civil : la laïcité. Ceux qui s’en revendiquent aujourd’hui pour exclure le fait religieux de la vie publique oublient que c’est du christianisme qu’elle est issue. Il est paradoxal de vouloir renforcer la laïcité en la retournant contre la culture qui l’a fait naître et l’a rendue possible. On ne scie pas une branche sur laquelle on est assis. Comme le rappelle l’historien Jean-François Chemain, « les principes républicains, dont la laïcité fait partie, sont les fruits du christianisme. Ils sont aujourd’hui souvent contestés au nom d’autres religions que le christianisme. Maintenir la visibilité sociale du christianisme est peut-être pourtant l’un des meilleurs moyens de pérenniser ces principes, en affichant sans complexe de quoi ils sont issus. Renier le christianisme, et particulièrement le catholicisme, c’est affaiblir la laïcité ». De son côté, Marcel Gauchet va plus loin en n’hésitant pas à affirmer que le christianisme est « la religion de la sortie de la religion », en ce qu’il contient potentiellement en lui cette dynamique de sécularisation pouvant se retourner contre lui. Si l’on poussait ce raisonnement à l’extrême, on pourrait même faire de la croix un emblème de la laïcité, dans le sens où l’une a permis l’autre, alors que la laïcité n’aurait jamais pu s’émanciper en dehors d’un cadre de vie chrétien. 

L’égalité des droits reconnue à tous quelle que soit sa religion, ne doit donc pas faire obstacle à ce que le fait religieux chrétien soit valorisé en raison de son lien particulier avec notre identité. Il ne s’agit pas d’affirmer la prééminence d’un culte mais d’une culture. Il est, par exemple, cohérent d’autoriser les crèches de Noël dans les lieux publics car elles nous rappellent un évènement, la naissance du Christ, qui a profondément marqué notre culture et fonde toujours notre calendrier. Il n’est, de même, pas contraire à la laïcité que des élus participent à des fêtes religieuses traditionnelles, par exemple les processions mariales du 15 août à Marseille.

En revanche, il ne serait pas normal de pouvoir construire des « mosquées-cathédrales » avec « pignon-sur-rue » comme l’a récemment proposé Amar Lasfar, président de l’UOIF.Les musulmans doivent bien sûr pouvoir bénéficier de lieux de culte décents dans les endroits où ils sont implantés, là n’est pas la question. C’est un droit élémentaire auquel il ne peut être dérogé que lorsque sont en jeu des considérations d’ordre public liées à la sécurité du territoire et à la lutte contre le terrorisme. Mais sur le plan architectural et symbolique, il n’est pas possible d’accorder la même place à la mosquée qu’à l’église. Ce n’est pas une question de discrimination mais d’identité. C’est le clocher qui constitue la "marque de fabrique" d’un village et non le minaret. François Mitterrand l’avait si bien perçu qu’il en avait fait le fond de son affiche de campagne La force tranquille en 1981. Le général de Gaulle en était lui aussi pénétré, au point de considérer qu’une immigration algérienne massive altérerait l’identité de la France : « Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises mais Colombey-les-Deux-Mosquées », expliquait-il à Alain Peyrefitte. Nul rejet des personnes mais simple considération de la nécessité de préserver l’identité d’un pays. Comme le souligne judicieusement Mathieu Bock-Côté, « au plan symbolique, et quoi qu’on en pense, l’islam ne saurait prétendre au même statut en France que le catholicisme. L’islam est d’implantation récente dans ce pays alors que le catholicisme a façonné la France dans ses profondeurs les plus intimes. C’est un simple fait qu’il ne devrait pas être scandaleux de rappeler ».

Extrait de Charnellement de France de Charles Beigbeder, aux éditions Pierre-Guillaume de RouxPour acheter ce livre, cliquez ici.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !