"La politique de synthèse de François Hollande n'est plus possible en période de campagne présidentielle”<!-- --> | Atlantico.fr
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Mise au point de François Hollande ce mardi autour de la création de 60 000 postes dans l'Éducation Nationale.
Mise au point de François Hollande ce mardi autour de la création de 60 000 postes dans l'Éducation Nationale.
©Reuters

Ohé ohé capitaine abandonné

Mise au point de François Hollande ce mardi autour de la création de 60 000 postes dans l'Éducation Nationale. Après le quotient familial, le candidat PS doit à nouveau resserrer les rangs dans ses troupes. Un problème de "leadership" ?

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Atlantico :François Hollande a affirmé ce mercredi que la création de 60 000 postes dans l'Education Nationale ne se ferait pas aux dépens de suppressions de postes dans ce secteur mais par redéploiement au sein de l’ensemble de la fonction publique. Il désavoue ainsi à la fois son conseiller au budget Jérôme Cahuzac et le porte-parole du Parti socialiste Benoit Hamon. Faut-il voir dans cette péripétie un nouveau « couac » de campagne ? Jean-François Copé va-t-il trop loin lorsqu’il présente le candidat PS comme « celui qui ne décide rien » ?

Christophe de Voogd : Ce que Jean-François Copé dit est de bonne guerre en période de campagne. La tactique de l’UMP consiste à s’attaquer à la crédibilité de François Hollande. C’est leur ligne de combat : s’en prendre à sa capacité de décision en période de crise.

Manuel Valls avait annoncé au début du mois que le programme du candidat viendrait après le discours du 22 janvier au Bourget. Finalement François Hollande présentera bel et bien son programme de jour-là. Il semble ainsi anticiper légèrement le calendrier. Il ne peut pas rester éternellement sur le devant de la scène médiatique sans propositions puisqu’il est régulièrement attaqué sur le thème « vous n’avez rien à proposer ». Il va donc bien falloir qu’il tranche. C’est une nouvelle culture pour lui par rapport à la pratique de la synthèse – sorte de « cohabitation » au sein du Parti socialiste - qu’il a toujours adoptée jusqu’ici.

Sur la question des 60 000 postes créés, il s’agirait en fait donc d’un redéploiement qui reviendrait à réduire le service public de la santé ou de l'emploi pour consolider les moyens de l'Éducation nationale. C’est une position qui est plus réaliste que celle de la gauche du parti mais qui est aussi périlleuse.

Pour deux raisons : la première parce que la revendication des 60 000 professeurs n’est pas  une revendication prioritaire dans le corps enseignant dont une bonne part, notamment chez les plus jeunes et les plus anciens, est attirée par une autre perspective : la revalorisation de la condition enseignante, un point sur lequel joue d’ailleurs avec malice Nicolas Sarkozy, qui a indiqué réfléchir à une augmentation du salaire des enseignants.

La deuxième raison tient au fait qu’une telle proposition va impliquer des diminutions d’effectifs dans certaines branches de la fonction publique. Cela risque d’être vraiment difficile à faire passer au sein du PS, dont l’électorat principal se trouve dans la fonction publique au sens large.

La synthèse pratiquée à la tête du PS par François Hollande convient-elle à une élection présidentielle ?

Il n’y a pas de vérité absolue en politique. Il y a en revanche la vérité d’un moment. Cette politique de la synthèse fut une position utile, notamment pour le second tour des primaires, où il fallait marier la carpe et le lapin (Arnaud Montebourg et Manuel Valls). Cela a été très avantageux pour la candidature interne de François Hollande.

Toutefois, c’est une position qui n’est évidemment plus tenable dans le cadre de la « grande campagne », tournée vers l’extérieur du PS. François Hollande va devoir trancher. Et il va trancher, je pense, dans le sens de la « deuxième gauche », la gauche « réaliste », qui est sa famille naturelle (le delorisme) d’autant que les Strauss-Kahniens qui l’ont rallié sont sur cette ligne, à commencer par le directeur de la campagne, Pierre Moscovici. Mais alors ce choix devrait renforcer Jean-Luc Mélenchon et le faire progresser dans les sondages, d’autant que son électorat est largement le même que celui du PS.

Justement, quelle est la marge de manœuvre pour François Hollande en termes de positionnement politique ? Comment se positionner entre Jean-Luc Mélenchon et François Bayrou, entre la gauche du PS et sa tendance plus libérale ?

Nous sommes en période de crise, il n’est plus possible de faire du « ni, ni » comme François Mitterrand l’avait fait en 1988. C’est une posture qu’il n’est pas possible de tenir à cause de la tempête dans laquelle nous sommes aujourd’hui. Un capitaine ne peut pas dire : « Je ne vais ni à droite ni à gauche ». Il y a le défi de la conjoncture. Le retour de « Dame Fortune », comme disait Machiavel. Comme je vous l’indiquais, je suis convaincu que François Hollande va trancher en faveur de la gauche réaliste mais que cela va renforcer Jean-Luc Mélenchon.

Par ailleurs, François Hollande doit faire face à un problème majeur lors de cette campagne : la persistance de cet appareil PS qui se distingue en permanence de l’appareil de la campagne. Je pense à Benoît Hamon, par exemple. Imaginez un Nicolas Sarkozy candidat avec systématiquement des commentaires négatifs du porte-parole de l’UMP !  Gare au « syndrome Ségolène » de 2007. Ce n’est pas jouable : François Hollande va devoir demander à Martine Aubry de changer de porte-parole ou de le faire taire!

Tant que cela reste en état, il ouvre un flanc béant à la critique. Pour reprendre un jargon militaire, les socialistes se sont trop exposés au cours de ce mois de janvier. Ils avancent sur le champ de bataille avec les flancs dégarnis.

Toutefois, et c’est cela les impondérables d’une campagne, le cafouillage sur les 60 000 postes a été un peu éclipsé par la polémique sur la TVA sociale. Cela aura été la chance de Hollande ce mois-ci : une chance dont il ne doit pas abuser, car dans la séquence qui s’ouvre –les dix prochains jours avant le discours de Nicolas Sarkozy- il sera sous les feux de la rampe !  

Propos recueillis par Aymeric Goetschy

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