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Procès du Général Piquemal : pour son avocat, s'il était condamné le 26 mai prochain, ce serait "injuste et disproportionné"
©Reuters

Attente du verdict

Alors que le Général Piquemal comparaissait jeudi devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer pour avoir participé à Calais à une manifestation contre la présence des migrants interdite par la préfecture, son avocat, Me Gérad Pandelon, revient sur les faits qui lui sont reprochés et sur les risques qu'il encoure.

Gérald Pandelon

Avocat à la Cour d'appel de Paris et à la Cour Pénale Internationale de la Haye, Gérald Pandelon est docteur en droit pénal et docteur en sciences politiques, discipline qu'il a enseignée pendant 15 ans. Gérald Pandelon est Président de l'Association française des professionnels de la justice et du droit (AJPD). Diplômé de Sciences-Po, il est également chargé d'enseignement. Il est l'auteur de L'aveu en matière pénale ; publié aux éditions Valensin (2015), La face cachée de la justice (Editions Valensin, 2016), Que sais-je sur le métier d'avocat en France (PUF, 2017) et La France des caïds (Max Milo, 2020). 

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Atlantico : Le Général Christian Piquemal, qui fut le patron de la Légion étrangère de 1994 à 1999, comparaissait jeudi devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer pour avoir participé le 6 février dernier, à Calais, à une manifestation interdite par la préfecture. Celle-ci avait été organisée pour protester contre la présence des migrants dans la ville. Alors que M. Piquemal était soupçonné d'en être "l'organisateur de fait", vous avez soutenu que votre client n'était que "de passage". Pourquoi, dans ce cas, avait-il annoncé d'avance sur son site Internet son intention de participer à la manifestation ? 

Gérald Pandelon : La circonstance que le Général Piquemal ait souhaité annoncer sur son site internet qu'il participerait ; ne serait-ce que quelques instants, à cette manifestation ne fait pas de l'intéressé un organisateur de fait de ladite manifestation. De surcroît, il convient de rajouter que si aux termes de l'article de l'article 431-4 du code pénal, "Le fait, pour celui qui n'est pas porteur d'une arme, de continuer volontairement à participer à un attroupement après les sommations est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, on ne saurait toutefois considérer comme tombant sous le coup des pénalités édictées contre ceux qui persistent à faire partie, après les sommations, d'un attroupement interdit, l'individu qui a été arrêté dans un groupe de manifestants, sans qu'il soit démontré qu'il ait eu connaissance desdites sommations". Enfin, au visa de l'article R.211-11 alinéa 2 du code de la sécurité intérieure si l'utilisation du haut-parleur est impossible ou manifestement inopérante, chaque annonce ou sommation peut être remplacée ou complété par le lancement d'une fusée rouge. Or, ces dispositions n'ont manifestement pas été mis en oeuvre par les services de police.

M. Piquemal a fondé en décembre 2015 le Cercle des citoyens-patriotes, une association consacrée à la sauvegarde de l'identité nationale, et se serait rendu à cette manifestation parce qu'il chercherait selon Le Monde à créer "une fédération de micromouvements analogues à son Cercle". N'était-ce pas le cas ? Que venait-il alors faire à Calais ce jour là ?

Si le but recherché par le Général Piquemal avait été strictement de contribuer à l'émergence d'une fédération de micromouvements de ce type, il ne pouvait pas alors être en même temps l'organisateur de cette manifestation. Je crois que M. PIQUEMAL a souhaité apparaître comme une caution morale en soutenant les manifestants face à ce qui était ressenti de plus en plus à Calais, à tort ou à raison, comme une hausse croissante des incivilités en relation avec la présence massive des migrants. D'ailleurs, quand bien même aurait-il été, ce qui n'est pas le cas, l'organisateur de cette manifestation, je souhaiterais rappeler que l'intéressé, en tant que citoyen, n''aurait exercé que son droit constitutionnel le plus strict. Il convient en effet de rappeler qu'il résulte d’une jurisprudence constante de la Chambre criminelle que l'organisation d'une manifestation au sens du décret du 23 octobre 1935 découle du rôle prépondérant de l'auteur, tant dans le déroulement de la réunion, que de l'organisation ainsi que du fait d'avoir participé à la manifestation. Or, la jurisprudence a pu dégager trois critères cumulatifs afin de définir le rôle d'organisateur, d'abord, dans le déroulement, ensuite dans l'organisation, enfin, dans sa participation. Toutefois, s'il n'est pas contesté que M. PIQUEMAL ait bien participé à cette manifestation considérée hâtivement par le représentant de l'Etat comme illicite, il n'a pas été démontré que ce dernier avait un rôle prépondérant ni dans dans son déroulement ni dans son organisation.

Alors que le jugement sera rendu le 26 mai, que risque M. Piquemal ? Envisageriez-vous de faire appel du jugement le cas échéant ? Dans quel cas ? Par ailleurs, quelle sanction pourrait lui infliger le Conseil supérieur de l’armée de terre qui statuera dans l’été ? Au nom de quelles manquements à ses obligations ?

Il ne m'appartient pas de répondre aujourd'hui à cette question même si M. PIQUEMAL considérerait comme particulièrement injuste et disproportionné d'être pénalement condamné le 26 mai prochain. De son côté, si le conseil supérieur de l'armée de terre (CSAT) estimait toutefois nécessaire de lui infliger également une sanction disciplinaire, cela soulèvera en même temps deux questions, d'une part, celle de la liberté d’expression des militaires, d'autre part, celle de leur devoir de réserve, questions qui demeurent ambiguës au regard non seulement de l'évolution de la législation en vigueur mais également des jurisprudences concordantes du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat. 

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