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"Il faut que je sois plus grand" : plongée dans l'industrie (non-réglementée) de l'allongement des jambes en Inde
©Reuters

La taille, ça compte

Avec l'essor économique de leur pays, les Indiens ont vu ces leur pouvoir d'achat croître sensiblement. Si pour certains, ces revenus supplémentaires permettent de voyager, ou de payer des études, d'autres les utiliseront pour grandir de quelques centimètres et espérer obtenir un meilleur mariage.

Komal, une habitante de la ville de Kota en Inde de 24 ans, n'a jamais dit à ses amis où elle a passé 6 mois l'an dernier. Mais à l’issue d’une longue, douloureuse et pas moins coûteuse opération, la jeune femme a tout de même gagné près de 8 centimètres. Sa famille, très concernée par la réussite de leur première fille, a même concédé à la vente du lopin de terre ancestral pour la financer. "J'ai tellement plus confiance en moi aujourd'hui [...] avant je faisais 1 mètre 37. Les gens se moquaient de moi, je ne trouvais pas de travail". Et son histoire, rapportée dans le Guardian, est tout sauf isolée. Le nombre de demandes d’opérations visant à allonger les membres inférieurs en Inde a sensiblement augmenté, parallèlement à l'émergence d’une classe moyenne désireuse d'assurer leur avenir –un meilleur mariage, une carrière prometteuse- dans la société. "C'est une vraie tendance en Inde, je reçois une vingtaine d'appels par jour me disant 'je veux être grand, il faut que je sois plus grand" dit le docteur Amar Sarin qui a suivi la jeune indienne. Et s'il s'agit pour un tiers d'appels de locaux, les autres candidats viennent d'Europe ou des Etats-Unis, attirés par des prix 4 ou 5 fois moins élevés que chez eux.

Made in USSR

L'allongement des jambes n'est pourtant pas sans danger. Selon le docteur Sudhir Kapoor, président de l’Association indienne de médecine orthopédique "ces opérations ne sont pas communes, et il y a des risques importants de complication". Pour ne rien arranger, l’opération échappe entièrement aux autorités de régulation, et les chirurgiens orthopédiques indiens manquent à la fois de formation et d’expérience pour la réaliser. Un homme, qui a subi l’opération en 2015, déclare d’ailleurs avoir consulté une vingtaine de médecins avant  grand plongeon "la plupart de ceux que j’ai contactés n’avaient pratiqué l’opération qu’une ou deux fois, et l’un d’entre eux ne l’avait jamais fait. J’ai dû chercher pendant un an pour trouver la bonne personne."

Selon le docteur Amar Sarin, qui a réalisé l'opération de Komal "il s'agit de l'une des opérations de chirurgie esthétique les plus périlleuses à réaliser, ici les médecins la pratiquent après seulement un mois ou deux de stage. Il n'y a pas de formation à l'université, rien". Formé lui-même en URSS, pays où l’opération Ilizarov a été élaborée dans les années 1950 pour des patients dont les membres étaient de tailles différentes ou après des accidents graves, le docteur Sarin déclare tout de même avoir réalisé à ce jour 3000 opérations d'allongement des jambes.

1 centimètre tous les 20 jours

Et si elle a depuis été améliorée par les progrès de la médecine moderne, elle reste éprouvante : en premier lieu, elle consiste à casser les os des jambes à agrandir pour insérer un tuteur de métal directement dans la moelle osseuse. Une fois les deux parties écartées, un appareil semblant sorti du moyen-âge est placé autour des jambes, et les écrous permettent d’écarter de un millimètre par jour les deux bords. Os, nerfs, vaisseaux et tissus comblent les espaces créés comme s’il s’agissait d’une fracture. Selon un chirurgien chinois, interrogé à propos de cette opération dans l'émission Sept à huit, le patient peut espérer gagner un centimètre tous les vingt jours. 

Ethique ?

Appelé à se prononcer sur l’affaire d’un médecin ayant pratiqué une opération Ilizarov sur jeune homme de 23 ans de taille normale, le Dr P Vijayachandra Reddy explique à l’India Times que l’Ilizarov n’est que rarement pratiquée et pas seulement pour des raisons éthiques : en cas d’erreurs médicales, les médecins peuvent être poursuivis par la justice. D’autant que l’opération d’allongement des jambes peut susciter de nombreuses complications comme des infections. "Nos membres reçoivent des patients qui désirent allonger leurs jambes, mais nous les y décourageons dans la mesure du possible. Mais la différence entre ce qui est éthique et ce qui ne l’est pas est fine" prévient-il. 

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