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Aux sources de la nouvelle contestation en Europe
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La philosophe belge, Chantal Mouffe, n'est pas toujours facile à lire mais elle joue un rôle essentiel dans le renouvellement des courants contestataires en Europe et le développement de la "démocratie radicale". Importante à connaître.

Bruno David pour Culture-Tops

Bruno David pour Culture-Tops

Bruno David est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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L'auteur 

Chantal Mouffe, philosophe belge, enseigne la science politique à l’université de Westminster. Principale représentante de ce que l’on a appelé « la démocratie radicale », elle est l'inspiratrice des mouvements Podemos et Syriza. 

Elle a co-écrit avec Ernest Laclau : « Hégémonie et stratégie socialiste ». 

« Vers une démocratie » (1985), est l’ouvrage qui l’a fait connaître. 

Elle compte, aujourd’hui parmi les intellectuels influents, sur la scène internationale. 

Thème 

Après l’euphorie des années 90, et que la victoire "définitive" de la démocratie libérale, face aux mondes socialistes, ait été célébrée un peu partout, de nouveaux antagonismes sont apparus, battant en brèche l’avènement de ce « nouvel ordre mondial ». La nouvelle démocratie, sans frontière, sans ennemi, sans parti, s’est trouvée dans son hégémonie libérale incapable d’affronter les nouveaux défis, qu’ils soient de nature terroriste ou populiste. Or l’Europe s’avère, aujourd’hui plus qu’ailleurs, le terrain fertile de ces maux pour lesquels, semblerait-il, son « libéralisme » ne l’a pas bien armée. 

Entre l’agressivité du terrorisme international, légitimé par une culture intégriste et offensive, et le populisme stigmatisant une peur immaîtrisable, le dialogue et le consensus sont-ils des voix efficaces, crédibles ou illusoires ? Sachant, en outre, que ces deux « phénomènes » n’apportent rien pour la construction politique des années futures, tant sur le plan des idées que sur celui des valeurs. 

Chantal Mouffe veut démontrer comment l’approche consensualiste ne peut créer les conditions d’une société réconciliée, et inciter, au contraire, à reconnaître que l’impossibilité d’éradiquer la dimension conflictuelle de la vie sociale, loin de saper le projet démocratique, permet de relever les défis auxquels la politique démocratique est aujourd’hui confrontée. 

Points forts

La façon d’identifier la question de la finalité de la démocratie aujourd’hui est très juste : « nous ne sommes plus en présence d’un combat entre la droite et la gauche, mais entre le bien et le mal ». L’auteur souligne que la tendance dominante actuelle de la pensée libérale se caractérise par une approche rationaliste et individualiste qui empêche de reconnaître les identités collectives. Considérant que la pensée libérale a également pour caractère la croyance en la vertu du consensus, l’auteur va démontrer que cette voie est sans issue, étant entendu que le rationalisme libéral a tendance à nier la nécessité de l’antagonisme, base de la démocratie. « Quand les frontières deviennent floues, la désaffection à l’égard des partis politiques s’installe, et s’imposent alors progressivement d’autres types d’identités collectives, autour d’identifications nationalistes, religieuses, ou ethniques ». Le danger étant que la confrontation démocratique soit remplacée par un combat entre les formes essentialistes d’identification ou entre des valeurs morales non négociables. 

Chantal Mouffe dénonce ainsi, devant la montée des populismes, la myopie du libéralisme consensuel. Elle plaide pour une dimension antagonistique qui ne disparaît jamais, mais qui se déploie dans un cadre régulé par un ensemble de procédures démocratiques acceptées de part et d’autre par les adversaires. Chantal Mouffe met également en lumière l'importance des  phénomènes de foule qui, à côté de l’individualisme, incite les individus à vouloir s’identifier en groupe à des revendications ou à des options politiques, à s’abandonner dans un moment de fusion irrationnel avec la masse. Et comme ce phénomène ne semble pas près de disparaître, il faut voir comment cette tendance peut être mobilisée au profit de la démocratie. 

Points faibles

Les argumentations et démonstrations philosophiques sont riches mais parfois quelque peu fastidieuses ou hermétiques du fait de l’usage d’un vocabulaire propre aux philosophes contemporains. On n’a pas l’impression qu’une démarche appropriée ait été envisagée pour rendre accessible le propos de l’auteur... coquetterie d’intellectuelle ? 

On a parfois l'impression qu'il y a chez Chantal Mouffe la nostalgie (intellectuelle) d’une structure politique mondiale « Est/Ouest » qui à posteriori pouvait légitimer les antagonismes, tant de fonds, de formes que de valeurs entre les deux opposants. Équilibre antagonistique qui anéantissait toute velléité d’autre voies, qu’elles fussent populistes ou terroristes. Car en ce cas les deux protagonistes, Est/Ouest, sans jamais avoir bâti officiellement un tel pacte, se tenaient « solidairement » sur leur garde. 

On comprend les critiques formulées (et les constats accablants) sur le rationalisme libéral, le cosmopolitisme et leurs « aptitudes » au consensus, mais il est difficile de percevoir quelles seraient les propositions pour une démocratie politique moderne qui viendrait en alternative.

En deux mots

L’intérêt du sujet est patent, car fondamental en ce début d’un XXIème . Mais si certains constats de Chantal Mouffe semblent incontestables, sa vision d'intellectuelle quant aux démarches à adopter sont, elles, sujettes à caution. 

Une phrase 

« … j’insiste sur la nécessité d’une pluralisation de la notion des droits de l’homme afin que ceux-ci ne deviennent pas un instrument d’imposition de l’hégémonie occidentale » 

Recommandation  

BonBon(mais pas simple)

Livre

L'illusion du consensus de Chantal Mouffe

Ed. Albin Michel 

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