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Bénévolat et RSA : historique d’un troc… antinomique
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Pas la solution

2015, les dépenses du RSA avoisinent 10 milliards d'euros. Montant restant à la charge des départements : plus de 4 milliards… 8 pour Dominique Bussereau, Président de l'ADF. De nombreux départements se trouvent au bord du gouffre, les élus de tous bords s’insurgent. D’aucuns font des propositions, invoquant l’intérêt général… Sur fond de controverse Etat/Départements, pointent des propositions "accrocheuses"…

Aude de Chavagnac

Aude de Chavagnac

Aude de Chavagnac est administrateur de Communication Publique, association qui regroupe les responsables de communication des institutions publiques : ministères, administrations, collectivités territoriales, établissements publics et entreprises ayant une mission de service public, organismes sociaux et d'intérêt général. Fondatrice et présidente d’honneur de l’ARPP (Association professionnelle des responsables des Relations avec les Pouvoirs Publics), elle a exercé des fonctions dans 6 cabinets ministériels, et a été chargée des relations Institutionnelles d’une grande organisation professionnelle.

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Le Conseil départemental du Haut Rhin, le 5 février 2016, adopte une proposition qui va faire du bruit ; elle conditionne le versement du RSA à 7 heures hebdomadaires de bénévolat. "Il s’agit d’initier un cercle vertueux et de faire passer les allocataires du statut d’usager à celui de bénévole actif et reconnu". M. Straumann son Pt a fait état à la fois des enjeux économiques : coûts pour le département près de 100 M€ en 2016, et des enjeux sociaux : le nombre d’allocataires ne cesse de croître et le RSA est "injustement perçu comme une forme d’assistanat par nos concitoyens"…

Quelques autres départements pensent de même… et le font savoir. M. Straumann admet toutefois d’emblée que le préfet légalement, peut lui contester le droit de prendre de telles mesures… 

Des acteurs non négligeables ne vont pas tarder à s’élever contre cette proposition : Le 8 février, Marisol Touraine Ministre des Affaires sociales réagit : "il n'est pas possible de conditionner le versement du RSA à l'exercice du bénévolat". … les droits et devoirs liés au Revenu de solidarité active sont définis "nationalement" dit-elle…

Cette réponse ne satisfait qu’à demi tous ceux qui oeuvrent dans le champs du bénévolat, à savoir les 1.300 000 associations, soit 15 millions de bénévoles, soit près d’1 français sur 4.

Le mouvement associatif proteste : "L’engagement ne doit pas se réduire à des "initiatives citoyennes" dictées par l’Etat, ou par les collectivités territoriales".

Le 9 février 2016, Benenova, France Bénévolat, Passerelles et Compétences, Pro Bono Lab et Tous Bénévoles, diffusent un communiqué commun "Le bénévolat ne peut pas être obligatoire !"…"Est bénévole celui qui s’engage librement pour mener une action non salariée en direction d’autrui, en dehors de son temps professionnel et familial ". (Rapport au CESE sur "l’avenir du bénévolat" juin 2003, et Ministère du Travail, question écrite n°06718, J O du 18/12/ 2008). 

Une personne obligée de faire une action et devant en rendre compte ne peut donc être considérée comme s’engageant librement.

Et la proposition de M. Straumann n’a pas de sens : Il ne peut y avoir Troc entre deux antinomies.

Manuel Valls le 25 février 2016 sera ainsi conduit à proposer une "recentralisation" du financement du Revenu de Solidarité Active, pour le 1/01/ 2017 !

L’histoire aurait pu s’arrêter là…c’est loin d’être le cas !

La Commission "Engagement" du Mouvement associatif, qui représente 500 000 associations, n’a pas manqué de prendre bonne note de cette nouvelle tentative d’instrumentalisation du bénévolat…

La palinodie à laquelle s’est livré le Pt du Haut Rhin employant à contresens le terme d’oxymore, n’a pas échappé à tous… lier Bénévolat & RSA pour remédier à un sentiment d’assistanat, pour favoriser l’insertion sociale, pour encourager le retour à l’emploi, ou pour satisfaire une notion de "retour sur investissement", avait pu sembler à certainsséduisant, opérationnel… Il s’avère que cela n’est ni la question, ni la solution. 

Tandis que le travail est aujourd’hui remis en cause, le bénévolat est en développement …Faut-il y voir des causes et des effets ? L’accroissement du chômage, la disparition de certains métiers liée au développement des nouvelles technologies, pousse à des activités précaires, fragmentées ; elle entraine aussi des jugements hâtifs et non documentés.

Pour ceux qui sont en recherche de sens, de plus en plus nombreux, le bénévolat se nourrit d’une société qui se veut pacifiée. Il ne peut se limiter à des considérations opportunistes. Et selon le sociologue J. Viard, les normes et les valeurs construites pour occuper un temps libre croissant, ne sont-elles pas entrain de devenir les bases de la culture collective, bousculant les rapports sociaux et politiques ?

Ainsi dans un raisonnement inversé, le bénévolat n’est pas un travail par défaut ; c’est plutôt le travail qui serait un "non bénévolat", faute de liberté de choix et de gratuité … 

Et proposer à des personnes au RSA de tester des missions de bénévolat aurait alors du sens …

Ceux qui, comme le Premier ministre finlandais de centre-droit Juha Sipilä, ou comme la ville d’Utrecht en Hollande, prônent l’expérimentation d’un revenu universel qui aurait vocation à remplacer toutes les aides par ailleurs, allocations chômage, aides au logement, pensions de retraite, -les résultats seront déterminants pour juger de la passivité (ou de la responsabilité) des bénéficiaires face à leur activité professionnelle-, adhérent sans doute à une telle vision.

La France elle, ne semble pas prête à affronter les risques et les difficultés d’une telle option, pourtant ce sujet frémit. Des philosophes tel Gaspard Koenig, économistes comme Marc de Basquiat, font écho à des études nées d’un accord conclu entre PS et EELV… 

Mais pas de confusion ; s’il est certain que le rapprochement du monde marchand et du monde associatif, existe dans certaines formes de gestion opérationnelle, notamment à travers le mécénat, (cf plaidoyers pour une "vision du mécénat utile" de MM. JP. Bailly, A. de Romanet , C.Bébéar), il ne peut se substituer aux valeurs fondamentales de liberté, d’engagement, de responsabilité, attachées au bénévolat.

Ce dernier procure en effet à ceux qui le pratiquent, sous certaines formes, des bonheurs et satisfactions immatériels de nature plurielle et profonde. Est-ce dans cet esprit, une des raisons pour lesquelles le Projet de loi "Egalité et citoyenneté" passé en Conseil des Ministres le 13 avril, prévoit une extension des conditions de prise de jours de congé ? Leur absence de rémunération, étant le gage d’un réel engagement …On voudrait le croire.

Quoiqu’il en soit la nomination d'un Haut commissaire à l'engagement et le bruit médiatique autour du mot bénévolat sont autant d’incitations à la réflexion… et surtout d’opportunités pour en découvrir les bonheurs.

Créée en 2002, Passerelles & Compétences (www.passerellesetcompetences.org) est une association d'intérêt général qui a pour objectif de mettre le bénévolat et la solidarité au coeur de la société, et donner à chacun la possibilité de mobiliser et valoriser ses talents et ses compétences.Pionnière dans le développement du Bénévolat de Compétences en France, elle regroupe aujourd'hui, plus de 6000 bénévoles qui s’engagent auprès de 1900 associations humanitaires et solidaires dans des missions ponctuelles, compatibles avec une activité professionnelle à temps plein. Passerelles & Compétences est une association d’intérêt général à but non lucratif 

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