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Men in Black 4 ? Des chercheurs viennent de découvrir le neurotransmetteur qui pourrait leur permettre d’effacer les mauvais souvenirs de notre mémoire
©Sony Pictures Releasing France

Memento

Une nouvelle expérience a réussi à régler la fonction du neurotransmetteur appelé "acétylcholine", ce qui permet d'effacer les mauvais souvenirs de notre mémoire. Un nouveau champ de recherche s'ouvre dans le traitement des traumatismes psychiques.

Jacques Dayan

Jacques Dayan

psychologue, psychiatre, spécialiste des stress post- traumatiques, auteur de l’étude : La mémoire dans l’Etat de Stress Post-Traumatique : Stress et Mémoire Emotionnelle (SEME)

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Atlantico : Que pensez-vous des méthodes utilisées pour lutter contre la mémoire traumatique (voir ici)  notamment de "la pilule de propranolol", que les médecins ont prescrit pendant des décennies pour traiter les maladies cardiaques ?

Jacques Dayan  : Le propranolol est un bétabloquant. L’action des bétabloquants la plus connue est de diminuer la pression artérielle ou de ralentir le cœur. L’action de ce médicaments s’exerce en bloquant dans les cellules nerveuses des récepteurs particuliers appelés béta-adrénergiques. Ces récepteurs sont aussi présents dans le cerveau.

L’idée de les utiliser pour faire face aux souvenirs traumatiques est dérivée d’une expérience sur la mémoire des rats qui semble pourvoir être étendue dans son principe à toutes les espèces animales. Révolutionnaire, cette expérience a montré que la mémoire était constamment remaniée. Une phase tout à fait particulière est celle que l’on appelle la reconsolidation. En effet, lorsqu’on demande à un sujet de penser à quelque chose du passé, il réactive un souvenir. Quand il cesse d’y penser ce souvenir va à nouveau s’inscrire dans la mémoire soit à l’identique soit légèrement modifié. Le principe du traitement par propranolol est celui-ci : on réactive le souvenir douloureux à plusieurs reprises et à chaque fois on prescrit du propranolol, cela va entrainer une discrète et d’ailleurs contestée amnésie partielle du souvenir lui-même, mais surtout une altération du lien entre la mémoire du souvenir et l’émotion qui lui est normalement associée. la personne  pourra se souvenir, avec peut être une certaine altération de la qualité du souvenir, sans avoir peur ni ressentir peur ni malaise. Cette méthode semble avoir de très bons résultats avec 80 à 95 % de succès dans les meilleures séries mais il serait intéressant d’avoir des statistiques dans « la vraie vie ».

Cette pilule est-elle réellement capable d'effacer les mauvais souvenirs ? Si oui, comment ? La recherche doit-elle persévérer dans cette voie ?

Les souvenirs ne se sont pas véritablement effacés si l’on utilise la méthode de reconsolidation que je viens de décrire. Par contre si le propranolol est prescrit juste après un traumatisme il pourrait entrainer une amnésie partielle : il affecterait la consolidation.

Une nouvelle expérience (voir ici) a par ailleurs réussi à régler la fonction du neurotransmetteur appelé "acétylcholine" dans le cerveau d'une souris. Quelle est la fonction du neurotransmetteur appelé "acétylcholine" ?

L’acétylcholine est un neurotransmetteur généralement excitateur. Il est impliqué dans la mémoire mais aussi par exemple dans l’éveil,  la colère ou la sexualité. Comme les bétabloquants il ralentit le cœur. Surtout il joue un rôle dans la plasticité synaptique, c’est-à-dire la capacité de transformer, réduire

Pouvez-vous expliquer les tenants et les aboutissants de cette expérience ?

Cette expérience utilise un technique extraordinaire car elle permet de repérer presque que un à un les neurones en les rendant lumineux. Dans ce cas particulier ce sont les terminaisons des neurones à acétylcholine qui ont été stimulés dans une partie du cerveau très spécifique appelée amygdale qui joue un rôle très important dans la régulation  de la peur.

Une expérience courante pour tester (chez l’animal) la peur apprise consiste à associer un son ou un objet à une expérience désagréable ou douloureuse. Si on représente à nouveau le son ou l’objet même sans déclencher de douleur l’animal a quand même peur. Il faudra lui présenter de nombreuses fois le son ou l’objet pour que la peur le quitte. Ce phénomène s’appelle l’extinction. Il n’efface pas le souvenir de la peur, il crée un autre apprentissage « dessus ».

 La stimulation de ces neurones à acétylcholine réduit l’extinction de la peur conditionnée ce qui en termes simples signifie qu’il faudra plus de temps à la souris et de plus nombreuses expériences favorables pour qu’elle n’ait plus peur lorsqu’on lui présente le stimulus qui était associé à l’ expérience douloureuse.

En augmentant la libération d'acétylcholine dans l'amygdale lors de la formation d'une mémoire traumatique, le traumatisme est resté deux fois plus longtemps dans la mémoire de la souris test que la normale. Les chercheur ont aussi créé des souris sans peur en manipulant des circuits de l'acétylcholine dans le cerveau. La démarche et les résultats obtenus au cours de cette expérience sont-ils novateurs, et si oui pourquoi ?

C’est la première fois que l’on travaille sur ce type de récepteur pour ce résultat.

Ces résultats sont-ils applicables à l'homme, notamment comme l'espèrent les chercheurs, afin "d'inverser le syndrome de stress post-traumatique" ?

Le type de manipulation effectué rend très difficile pour l’instant son application à l’homme mais a montré de façon définitive que la mémoire émotionnelle peut être manipulée.

 Les chercheurs déclarent avoir pour objectif à long terme de trouver des moyens - potentiellement indépendants de l'administration du médicament - pour augmenter ou diminuer la force des mauvais ou des bon souvenirs spécifiques dans le cerveau. Cette démarche vous parait-elle réalisable ?

En principe rien ne s’oppose à la réalisation de ces objectifs mais les obstacles techniques apparaissent importants et on ne peut conclure que le projet sera réalisable avec certitude.

Avoir pour objectif d’effacer les mauvais souvenirs de la mémoire ne soulève-t-il pas des problèmes éthiques ? Si oui, lesquels ?

Altérer la mémoire elle-même ou la relation entre mémoire et peur soulève d’énormes problèmes éthiques. Les commissions d’éthique aux USA se sont opposées à l’administration préventive du propranolol après un évènement potentiellement traumatique comme par exemple un accident de la voie publique ou un attentat. Elles mettent en avant qu’il existera peu de personnes réellement traumatisées mais surtout que la personnalité elle-même sera artificiellement altérée. Toutefois, l’utilisation thérapeutique est moins discutée, l’argument étant que le stress post traumatique est déjà une altération de la personnalité.

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