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Baisse de l'impôt sur les sociétés voulue par Bercy : pourquoi l'attractivité de la France ne tient pas qu'à des taux d'imposition trop élevés
©Pixabay

Trompe l'oeil

En valeur absolue, la France présente l'un des taux d'imposition sur les sociétés parmi les plus élevés d'Europe. Mais c'est sans compter l'assiette fiscale, le réseau d'infrastructures, le niveau de qualification du personnel, et d'autres facteurs qui permettent au pays de s'en sortir bien mieux que ce qu'on dit.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Michel Sapin a démenti l'affirmation des Echos selon laquelle il envisage une baisse plus importante que prévu de l'impôt sur les sociétés pour 2017. Au regard de la situation de la France par rapport aux autres pays européens dont la fiscalité des entreprises ne cesse de diminuer (NB: le R-U envisage d'abaisser le taux d'imposition des entreprises à 17% d'ici 2020), n'est-ce pas préjudiciable pour l'attractivité de la France auprès des entreprises étrangères ? 

Philippe Crevel : Le démenti de Michel Sapin est lié à un contexte politique particulier qui intervient le jour où le gouvernement engage le 49.3 sur le projet de loi visant à réformer le code du Travail. Cela aurait contribué à aggraver le mécontentement de la gauche de la gauche, considérant ainsi que beaucoup de cadeaux sont faits au Medef. Le ministre des Finances ne voulait donc pas animer un autre foyer de contestation au sein de sa majorité.

En soi, annoncer une baisse du taux d'imposition sur les sociétés est une bonne nouvelle pour l'attractivité des entreprises françaises. Néanmoins, le débat est plus complexe que la seule question du taux d'imposition. Si l'on considère les taux d'imposition des entreprises à l'échelle européenne en valeur absolue, la France se situe largement au-dessus de la moyenne (33,3%) par rapport à un mouvement d'ensemble qui inscrit ce taux entre 17 et 25%. Dans le Pacte de responsabilité, il est d'ailleurs prévu d'abaisser ce taux à 28% après 2017.

En France, nous sommes dans ce cas de figure, comme toujours : un taux d'imposition élevé en valeur absolue et une assiette fiscale réduite à la différence d'un certain nombre de pays voisins. De fait, il est difficile de comparer en l'état le niveau de fiscalité des différents pays membres de l'UE.

Si l'on tient compte de cette assiette d'imposition, la fiscalité française à l'égard des entreprises est en réalité plus faible qu'elle ne l'est au Royaume-Uni, et globalement équivalent voire légèrement inférieur à ce qu'il serait en Allemagne. Le fait que le taux en valeur absolue soit plus élevé en France peut dissuader un investisseur peu averti.

Le système français est plutôt avantageux sur le crédit d'impôts Recherche et sur le régime des provisions. Globalement, il est plutôt communément admis malgré tout au sein de l'Union européenne que le système fiscal français est peu attractif pour les entreprises étrangères. Dans ce cas-là, la France aurait tout intérêt à accélérer l'harmonisation des assiettes, et de ce fait baisser le taux d'impôts sur les sociétés par la suite. 

Le ministre des Finances a reconnu qu' "Une harmonisation progressive des taux de l'impôt sur les sociétés en Europe fait partie des approfondissements nécessaires". Qu'est-ce que la France aurait à gagner d'une harmonisation fiscale à l'échelle européenne ?

Outre la meilleure réputation dont je parlais plus haut vis-à-vis de ses partenaires économiques européens, la France gagnerait surtout à voir sa fiscalité simplifiée. Néanmoins, une fois l'harmonisation établie, il risque d'être ensuite plus difficile de masquer certains aspects. Dans le cas d'une harmonisation des assiettes, le taux pourrait devenir discriminant, ce qui risque d'être préjudiciable pour la France compte tenu de son niveau des dépenses publiques, surtout dans le cas où elle serait contrainte de baisser son taux au niveau de celui du Royaume-Uni ou de l'Irlande qui est très faible. Le problème pourrait donc être plus difficile demain avec une assiette identique pour chacun qu'aujourd'hui où chacun peut finalement aller de son argument en maintenant des taux élevés tout en mettant en œuvre des mesures différentes d'un pays à l'autre du type crédit d'impôts Recherche ou allègement par report du déficit. Mais ce type de procédé n'est pas très transparent. 

En affirmant vouloir s'en tenir à l'enveloppe du Pacte de responsabilité qui prévoit une baisse de l'impôt sur les sociétés de 1,5 milliards d'euros, peut-on considérer cela comme suffisant pour attirer les entreprises étrangères en France ? Que peut-on espérer de cette enveloppe en l'état ? 

Il est évident qu'un investisseur étranger est toujours sensible à la baisse d'impôts. Néanmoins, l'investisseur n'est pas intéressé que par le montant des impôts à payer. Ce qui compte également, et surtout, pour un investisseur, c'est la stabilité fiscale et juridique, mais également le niveau de formation des salariés et le coût du travail, sans oublier le niveau de productivité du travail. A ces facteurs s'ajoute également le niveau d'infrastructures en termes de transports ferroviaires, routiers, aériens, etc. C'est l'ensemble de ces facteurs, avec la fiscalité, qui rend un pays attractif ou non aux yeux d'une entreprise étrangère. Ce n'est donc pas parce qu'on pratiquerait un taux d'imposition de 0% sur les sociétés qu'on attirerait tous les investisseurs de la planète.

La France reste un pays attractif pour les capitaux étrangers, bien que nous ayons perdu la 1ère place en Europe depuis quelques années. Plusieurs raisons à cela : l'augmentation des impôts, un accroissement de l'instabilité fiscale, et la concurrence avec le Royaume-Uni. Mais dans le cas où ce dernier sortirait de l'UE, la situation évoluerait. En revanche, la France reste le pays le plus attractif pour les capitaux extérieurs, en particulier parce que nous disposons d'un important marché intérieur, mais aussi parce que notre réseau d'infrastructures est de qualité, de même que le personnel qui est plutôt productif quoi qu'on en dise par ailleurs. 

Propos recueillis par Thomas Sila

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