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Facebook aurait réprimé les articles "de droite" sur son site, selon d'anciens employés
©Reuters

Pensée unique

Le réseau social prétend être une plate-forme "neutre". Mais est-ce vrai ?

Facebook est la plus grosse plate-forme de partage de contenus au monde, et ce que son milliard d'utilisateurs voit, ou ne voit pas, a un grand impact économique, mais également politique. Un pouvoir énorme, mais Facebook prétend ne pas l'utiliser—il prétend être une plate-forme neutre, dont les algorithmes robotiques ne montrent le contenu qu'en fonction de ce que les utilisateurs veulent et demandent.

Mais un contre-exemple permet de se poser la question. Sur Facebook, de nombreux utilisateurs ont en haut à droite de leur écran une liste de "Trending Topics" ou "tendances"—les sujets ou articles les plus partagés sur Facebook (cf image). Etant donné que ces Topics sont montrés à des centaines de millions d'utilisateurs, ils représentent un réel enjeu. Ces Topics sont déterminés par un algorithme—mais seulement en partie. Des curateurs humains modifient la liste produite par les algorithmes.

Et c'est là que le bât blesse. Selon une enquête de Michael Nunez du site spécialisé Gizmodo, les curateurs en question réprimaient "de manière routinière" les articles "de droite". Un de ces employés a fait une liste des sujets "réprimés", principalement liés à la politique américaine : le scandale de Lois Lerner, dirigeante du Fisc américain et accusée d'avoir ciblé des groupes de droite pour des contrôles fiscaux ; Scott Walker, gouverneur républicain du Wisconsin et à une certaine époque un candidat populaire à la présidentielle ; le Drudge Report, un agrégateur très connu et plutôt classé à droite. Selon un autre employé, si un article sur un sujet donné était très fortement partagé mais venait d'un site classé à droite, il fallait trouver un autre article sur le même sujet d'une source de gauche et le promouvoir à la place.

A l'inverse, le mouvement "Black Lives Matter", qui dénonce la violence policière raciste aux Etats-Unis et est associé à la gauche de la gauche, était systématiquement promu dans les Topics ; un fait significatif étant donné que les médias ont couvert l'émergence du mouvement notamment parce qu'il était très "populaire sur Facebook". Dans un memo interne, Mark Zuckerberg, le dirigeant de Facebook, avait déjà exprimé sa solidarité avec ce mouvement.

Parfois, le biais n'était pas politique mais plutôt de marketing : faire sérieux. Par exemple, un sujet qui se retrouvait à la une de plusieurs sites institutionnels se retrouverait placé dans les Topics même si en réalité il n'intéressait pas les gens. Et encore, "les gens ont cessé de s'intéresser à la Syrie", raconte un autre ex-curateur. "Si la Syrie n'était pas en Topic sur Facebook, ça aurait terni l'image de Facebook."

Ceci dit, les mêmes curateurs ont dit qu'il y avait de moins en moins d'intervention humaine au fur et à mesure que les algorithmes se sont améliorés, et qu'étant donné que les règles de curation changent souvent, il est possible que ces pratiques ne continuent pas.

Dans un communiqué, Facebook a répondu aux allégations, notamment au site TechCrunch : "Nous prenons les allégations de biais très au sérieux. Facebook est une plate-forme ouverte aux gens et aux perspectives qui viennent de tous les points du spectre politique. Les Trending Topics montrent les sujets et hashtags qui font objet de discussion à un moment donné sur Facebook. Nous avons des règles rigoureuses en place pour s'assurer de la cohérence et la neutralité des topics. Ces règles ne permettent pas la suppression de perspectives politiques, ni la priorisation d'un point de vue par rapport à un autre, ou d'une source par rapport à une autre, et elles n'interdisent à aucune organisation journalistique d'apparaître dans les Trending Topics."

Comme le signale Philip Bump du Washington Post, l'influence, au moins potentielle, de Facebook, est énorme. En 2010, pour les élections législatives américaines, Facebook avait créé un outil permettant aux gens de dire à leurs amis qu'ils avaient voté ; les gens qui ont vu ce message avaient une probabilité plus forte de 0,4% d'aller voter, ce qui s'est traduit par 300 000 votes de plus—autrement dit, une capacité d'influencer les élections, au moins à la marge. 

En tous les cas, en 1644 le grand poète anglais John Milton avait décrit ce qu'il appelait "l'effet refroidissant" de la censure dans son Aeropagitica, une des premières et plus renommées des défenses intellectuelles de la liberté d'expression. A l'heure où Facebook représente un intérêt économique très fort pour des sites d'information mis sous pression par les réalités économiques de leur secteur, quel effet est-ce que ce genre de révélations aura sur les choix éditoriaux de notre classe médiatique ? Nous verrons bien...

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