Comment les origines de nos cultures seraient expliquées par l'histoire secrète de la... pomme de terre<!-- --> | Atlantico.fr
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Dès 6 000 avant Jésus-Christ, dans Cordillère des Andes, la pomme de terre permet à l’empire inca de faire fortune.
Dès 6 000 avant Jésus-Christ, dans Cordillère des Andes, la pomme de terre permet à l’empire inca de faire fortune.
©pomme de terre

Racines

Selon une théorie répandue, le légume le plus cultivé par un peuple déterminerait son degré de sophistication sociale. La réalité serait plus complexe.

Un mystère qui fascine les historiens, les scientifiques, et les autres, depuis l'ère moderne est le suivant : pourquoi est-ce que certains peuples ont atteint un niveau de sophistication technologique, et d'autres non ? Une thèse répandue, popularisée notamment par l'auteur Jared Diamond dans son best-seller Guns, Germs and Steel est que le type de culture agricole utilisée par un peuple donné est déterminant. Certains produits, comme le blé (Europe) ou le riz (Asie), sont plus productifs ; les peuples avec les cultures les plus productives sont devenus les peuples les plus productifs ; ils ont donc eu un avantage sur leurs pairs. 

Pourtant, si on regarde la pomme de terre et le manioc, deux racines associées aux peuples moins développés, on a un paradoxe. En effet, ces cultures sont phénoménalement productives--elles nourissent aujourd'hui deux milliards de personnes, et sont très pratiques à cultiver.

La patate, remède anti-famine

Dans une vidéo publiée en décembre 2015, la chaîne TED-Ed propose un historique de la pomme de terre condensé en trois minutes, relayé par le site Slate.frDès 6 000 avant Jésus-Christ, dans la Cordillère des Andes, la pomme de terre permet à l’empire inca de faire fortune, avant d'être adoptée au cours de l'histoire par les classes aisées comme laborieuses. 

Son importance cruciale pour la grande civilisation sud-américaine pousse les envahisseurs espagnols à les ramener dans leur pays. Les Européens se méfient toutefois de cette étrange denrée perçue comme fade, peu appétissante et visuellement voisine d'une plante toxique, la belladone.

"Il faudra plus de deux siècles à la pomme de terre pour faire son trou et s’imposer en Europe. Elle écarte pourtant les famines au XVIIIe siècle et contribue fortement à l’envol des populations du vieux continent et à la constitution des grands empires. Sa culture fait passer le nombre d’habitants en Irlande d’un million en 1590 à 8 millions en 1845. Une maladie de la patate est plus tard à l’origine de la grande famine irlandaise tant l’alimentation locale en dépend", rappelle Slate. 

Selon une étude publiée en 2005 par l’université de Wisconsin-Madison (USA), la première pomme de terre a été cultivée dans le sud du Pérou, comme l'écrit Sciences et Avenir. Une hypothèse qui vient contredire la théorie d’une domestication en plusieurs temps et dans plusieurs endroits, en Bolivie et en Argentine.

La patate, ralentisseur civilisationnel

Les légumes les plus productifs font les civilisations les plus avancées. Mais alors pourquoi la patate, très productive, n'est-elle pas l'illustration ? Les civilisations avancées produisent toutes des légumes à grains, comme le blé (Europe), le millet (Moyen-Orient) ou le riz (Asie), et les civilisations moins avancées produisent des légumes-tubercules, comme la pomme de terre et de manioc. A quoi est due cette malédiction de la patate ? 

Selon une étude publiée par des économistes au Royaume-Uni et en Israël, basée sur des travaux archéologiques et anthropologiques, les différences entre ces deux types de légumes change tout. En effet, les légumes à grains sont cultivés une ou deux fois par ans et produisent des grains petits, stockables, faciles à transporter--ou à voler. Les légumes-tubercules, a contrario, peuvent être cultivés toute l'année, pour ainsi dire à disposition.

Cet aspect "moins pratique" des légumes à grains aurait en réalité été une bénédiction : pour pouvoir stocker ces grains et les protéger du vol, il a fallu une organisation sociale plus complexe, avec, par exemple, une classe guerrière et des systèmes d'imposition. Pour cultiver des grains, il fallait un développement social plus important.

Dans leur étude, les auteurs montrent que ce qui détermine le lien entre l'agriculture et le développement d'une société avant 1500 n'est pas la fertilité du sol. Hectare pour hectare, le blé et la pomme de terre produisent autant de calories. Les civilisations les plus complexes ne produisaient pas forcément plus de nourriture, mais elles avaient un choix différent de légume. 

avance la thèse suivante : les civilisations les plus développées s'astreignaient toutes à cultiver des céréales et des graines (orge, blé, maïs), alors que les civilisations les moins développées préféraient le "légume-racine", ou "légume souterrain", comme la pomme de terre, ou le manioc. Selon les auteurs de cette étude, ces deux modèles de cultures différents ont influé significativement sur la politique des sociétés, poussant l'une à l'évolution et à la transformation, et l'autre à la retenue et à l'attente. 

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